Griffe de Jais, était un guerrier redouté et respecté dans son clan d’origine...
Allégeance du Clan des Ténèbres | |
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Chef(fe) | Etoile Sombre - grand chat noir aux yeux perçants et jaunes. |
Lieutenant(e) | Griffe de Nuit - chat noir aux yeux verts perçants. |
Guérisseur(se)(s) | Source d'Or - chat au pelage gris tacheté de noir, avec des yeux ambrés. |
Guerrier(ère)s | Guerriers : Griffe de Houx - grand chat au pelage gris foncé, avec des cicatrices visibles sur son corps. |
Apprenti(e)(s) | Apprentis : Nuage de Nuit - jeune chat noir avec des yeux verts vifs. |
Reine(s) | Lune Noire - chatte au pelage noir de jais avec des yeux jaunes doux. (mère de Patte de Ronce, Patte de Brume et Patte d'Epine) Epine de Rose - chatte au poil roux pâle avec des yeux verts. (mère de Patte de Sable et Patte de Feuille) |
Chaton(ne)(s) | Patte de Ronce - chaton brun sombre tigré avec des yeux jaunes doux. Son pelage est épais et parsemé de petites taches sombres. Patte de Brume - chatonne noir de jais avec des yeux bleus perçants. Son pelage est doux et soyeux. |
Ancien(ne)(s) | Griffe Grise - vieux chat gris avec des yeux bleus. Coeur de Glace - chat blanc avec des yeux bleus glacials. |
Prologue[]
La force par la peur, le pouvoir par la domination… drôle de devise, n’est-ce pas ? C’est la devise du Clan des Ténèbres, et ce n’est pas pour rien. Ce frisson qui remonte dans le dos, tant de félins l’ont ressentit, à l’évocation de ce clan. Qu’a-t-il de spécial ? Rien, peut-on dire, lorsqu’on n’entend que le nom du clan. Et c’est vrai, pourquoi s’inquiéter simplement en entendant le nom d’un clan ?
Parce qu’il est terrifiant, diront certains ; parce que leur fonctionnement n’est pas de nature pour un seul félin, diront d’autres. Le Clan des Ténèbres est un clan puissant, et les membres de ce clan ne manquent pas de le rappeler, à l’évidence.
Cependant, on ne vit pas aussi mal qu’on le dit. Les règles sont juste… un peu dures.
Toujours se dépasser, il faut se démarquer des autres, se faire voir des guerriers et du chef. La faiblesse n’est pas admise, elle y est sévèrement réprimée. Sévèrement. Combien n’ont pas trouvé la mort pour avoir montré de la faiblesse ? Combien encore ?
Chapitre 1[]
Patte de Brume ouvrit lentement les yeux.
Dehors, l’activité battait déjà à son plein. Enfin, dehors n’était pas le mot exact. Le camp du Clan des Ténèbres était situé dans une grotte où, dès l’aube, les guerriers et apprentis s’agitaient constamment. La pouponnière était une petite grotte très fermée, accessible par une unique entrée et sortie, qui semblait interminable pour un chaton de cinq lunes. Ce tunnel avait accompagné Patte de Brume dans maintes de ses rêves, elle s’attendait toujours à voir des yeux au fond, dans la noirceur de l’ombre qui régnait dans l’accès à la pouponnière. Cependant, la Grotte des Ténèbres, bien qu’elle porte magnifiquement bien son nom, n’était pas aussi obscure que ce à quoi on pouvait s’attendre. De petits champignons luminescents scintillaient faiblement aux parois de la grotte et de ses différentes parties. Mais en effet, l’étroit et ténébreux tunnel qui permettait l’accès à la pouponnière n’était pas, comme toutes les parois de pierre froide et dure, recouvert de ces petits champignons luminescents.
Patte de Brume releva la tête et bailla longuement en s’étirant. Elle secoua la tête, l’esprit encore embrumé par ces rêves dont elle ne connaîtrait jamais la signification. Ces rêves inutiles que font des chatons de cinq lunes, avait-elle présumé. A côté d’elle, la respiration lente et régulière de sa mère, Lune Noire, et de ses deux frères, Patte d’Épine et Patte de Ronce lui indiquait qu’ils dormaient encore. Patte de Brume s’assit en ruminant. Comme chaque matin, elle allait devoir attendre le réveil de ses frères et de sa mère avant de pouvoir réellement entamer sa journée. Ces moments d’attente étaient extrêmement ennuyeux pour une chatonne de cinq lunes.
Patte de Brume tourna de nouveau la tête vers le tunnel. Un frisson lui parcourut l’échine, tandis qu’elle songeait. Je ne l’ai jamais traversé, ce tunnel. Je ne suis jamais sortie de cette grotte. Pourquoi je n’irais pas ? Elle fit un pas, le regard plongé dans l’obscurité infinie du tunnel. Elle hésitait, comme toujours. Le tunnel semblait l’appeler. Elle n’avait jamais vu l’extérieur de cette grotte dans laquelle elle mourait de chaud.
« Qu’est-ce que tu regardes ? »
Patte de Brume sursauta en entendant la voix sarcastique de Patte de Sable, la fille d’Épine de Rose. Elle se retourna vivement, les oreilles brûlantes de honte.
« Je croyais avoir vu quelque chose… miaula-t-elle timidement. »
Patte de Sable souffla en levant les yeux au ciel puis replongea sa truffe dans son poil court à la couleur du sable. Au loin, Patte de Brume entendit un guerrier feuler, certainement sur un apprenti, ou quiconque qui se serait mis en travers de son chemin.
Au Clan des Ténèbres, l’ambiance était loin d’être attrayante et reposante. L’on devait se comporter bien, suivre à la lettre les règles et indications données par les supérieurs. Maintes guerriers et apprentis étaient humiliés en étant rétrogradés au cours d’une cérémonie, si on pouvait appeler ça ainsi. C’était le pire cauchemar de tous les membres de ce clan : la rétrogradation. Une fois rétrogradé, il est presque impossible de reprendre son grade d’avant. En clair, personne n’avait envie de contrarier qui que ce soit, car personne ne voulait terminer rétrogradé, banni ou mort. Mais ça arrivait, des fois. Ce n’était jamais bien joyeux.
Pendant qu’elle songeait à la dureté de la vie, sa mère, Lune Noire, avait dû se réveiller puisque la chatonne sentit son souffle rassurant sur son épaule. Elle sursauta légèrement, sortant de ses pensées, et leva la tête vers sa mère.
« Tu as encore fait un cauchemar ? demanda Lune Noire en lui donnant un coup de langue sur la tête. »
Patte de Brume hésita. Elle ne voulait pas inquiéter sa mère avec ses histoires idiotes. Elle finit par secouer la tête. Lune Noire lui fit sa toilette afin de débarrasser son pelage de tous les morceaux de mousse, d’herbe et de plumes. Entre deux coups de langue, elle miaula doucement :
« Tu sais, je pourrais aller voir Source d’Or, tu sais. Il a certainement des herbes qui t’aideraient à ne plus en faire. »
Patte de Brume secoua de nouveau la tête. Même si Source d’Or avait un fond gentil, il était dur, froid et cassant. Elle n’avait aucune envie de se confronter encore une fois au matou. Sa mère se détoura afin de faire sa toilette.
Patte de Brume entendit soudain un bruissement de mousse et, en tournant la tête, elle vit son frère, Patte d’Épine, qui s’étirait en baillant, debout sur la mousse qui servait de nid aux trois chatons et leur mère, pendant que Patte de Ronce, son autre frère, avait relevé la tête et ouvrait avec difficulté ses yeux jaunes à la douceur incroyable. En voyant Patte d’Épine bailler ainsi, elle ne pu s’empêcher de bailler elle aussi. Elle se mit à ronronner bruyamment, amusée, ce qui lui attira un œil noir de la part de ses deux frères. Patte de Ronce agita les oreilles et entreprit, nonchalant, de faire sa toilette matinale. Elle lança un coup d’œil d’incompréhension à Patte d’Épine, qui secoua la tête en soupirant, puis le mâle entreprit à son tour de faire sa toilette.
Le cœur de Patte de Brume se serra. Elle ne comprenait pas ses frères, ils ne semblaient pas l’aimer. À chaque fois qu’elle disait quelque chose ou qu’elle tentait de faire un mouvement de chasse ou de combat avec ses frères, ces derniers lui lançaient des regards soit désespérés soit agacés.
Patte de Ronce et Patte d’ Épine semblaient grandir bien plus vite qu’elle. Autant en physique qu’en moral, lui avait dit un jour Patte de Feuille, accompagnée comme à son habitude de Patte de Sable, qui ricanait derrière la femelle rousse.
Elle finit par s’allonger par terre, attristée, comme toujours. Le sol rocheux sous elle était dur et glacial, il lui congelait les coussinets. Patte de Brume se releva donc a peine quelques instants après s’être allongée : l’idée idiote de perdre l’usage de ses pattes à cause du froid lui avait traversé l’esprit et malgré qu’elle l’ait repoussé, cette idée persistait dans ses pensées. La petite femelle retourna se coucher sur le nid de mousse, d’herbe et de plumes, à l’extrémité opposée de l’endroit où était encore assit Patte de Ronce. Le mâle terminait sa toilette, il se passait la patte derrière l’oreille afin de chasser les derniers morceaux de mousses de sa tête.
A peine avait-il terminé que Patte d’Épine le renversa d’un bond, dans un cri de guerre. S’en suivit une bataille miniature, au cours de laquelle des cris indignés et des halètements surgirent, jusqu’à ce que Patte de Ronce repousse avec puissance son frère. Ils s’observèrent de loin, une lueur féroce d’amusement dans les yeux.
La patte avant de Patte de Brume esquissa un petit soubresaut vers l’avant, alimentée par l’envie terriblement forte de la chatonne de rejoindre ses frères dans leur combat. Elle replia sa patte sous elle malgré tout, préférant observer Patte de Ronce et Patte d’Épine de loin. Aujourd’hui, je ne ferais pas de faux pas, se promit la femelle.
Non-loin du nid où elle s’était allongée, Patte de Sable et Patte de Feuille étaient en train de discuter, en gloussant par moment. Leur regard dérivait parfois jusqu’à Patte de Brume. La femelle leur lançait alors un regard interrogateur, et les deux sœurs levaient les yeux au ciel pour reprendre leur discussion animée.
Quelques instants passèrent, instants silencieux entrecoupés de cris et de gloussements, Patte d’Épine et Patte de Ronce se battant toujours furieusement, Patte de Sable et Patte de Feuille discutant avec toujours autant d’entrain. Lune Noire et Épine de Rose tenaient elles aussi une discussion, mais calme et posée. Les deux femelles semblaient toujours avoir autant de choses à se raconter d’une journée à l’autre. Que pourrait raconter Patte de Brume ? Sans doute rien. Ses journées n’étaient jamais folles, elles étaient toutes aussi plates et inactives les unes que les autres, toutes se ressemblaient, si bien qu’elle se demandait parfois combien de jours étaient passés depuis sa naissance. Dix ? Cinquante ? Deux-cent ? Ou bien encore plus ? Elle ne savait pas, et savoir ne l’intéressait pas. Elle oublierai presque instantanément cette information inutile.
Au bout de ces instants matinaux et habituels, durant lesquels Patte de Brume avait pour habitude d’observer avec attention ce qui se passait autour d’elle, des pas résonnèrent dans le tunnel d’accès à la pouponnière. Il s’agissait certainement d’un guerrier qui venait leur apporter leur part de viande de la matinée, comme chaque jour. En effet, ce fut la truffe de Cœur Brisé qui apparut par l’entrée de la pouponnière. Le matou noir et blanc venait souvent leur apporter la nourriture, en alternance avec Griffe Faible, un mâle gris clair. Tous deux étaient rétrogradés, il était donc de leur devoir de s’occuper des taches les plus humiliantes, les plus insignifiantes et les plus fatigantes.
Cependant, le passage de Cœur Brisé tout particulièrement apportait une note positive aux journées de Patte de Brume. La petite femelle avait pris pour habitude de parler un peu avec le matou, qui était par ailleurs très gentil avec elle.
« Il est faible », lui avait un jour glissé Patte d’Épine, en la mettant en garde par la même occasion sur ses relations. Le petit mâle lui avait assuré que si elle ne contrôlait pas davantage ses relations, son apprentissage pourrait être retardé et bien d’autres choses, si cela se savait.
Chapitre 2[]
Cœur Brisé s’approcha de Patte de Brume une fois qu’il eut déposé les proies devant Lune Noir et Épine de Rose.
« Comment tu vas, ce matin ? demanda timidement le matou, comme à son habitude.
- J’ai encore fait un cauchemar cette nuit, piaula Patte de Brume en reniflant, songeant de nouveau à ses rêves étranges. »
Cœur Brisé prit un air attendri et caressa doucement le dos de la chatonne de sa queue. Puis il s’accroupit. Comme chaque fois, il accordait quelques instant à Patte de Brume, ce qui était d’un grand réconfort pour la chatonne.
« Tu sais, j’ai entendu Cœur de Pierre dire que vos baptêmes devraient bientôt avoir lieu, à toi et tes deux frères.
- C’est vrai ? demanda Patte de Brume, sa voix dénuée de toute excitation. »
La femelle n’avait aucune hâte de commencer son apprentissage, contrairement à Patte de Ronce et Patte d’Épine. Malgré ses journées interminables et répétitives, Patte de Brume était bien, à la pouponnière, et elle n’avait aucune envie de devenir apprentie. Cela voudrait dire quitter sa zone de confort qu’était la grotte de la pouponnière pour découvrir ce monde nouveau, qui avait l’air si ténébreux, si dur, si froid… découvrir l’inconnu. L’inconnu… quelque chose de si terrifiant, il intrigue et horrifie. L’on se demande toujours à quoi ressemble ce qu’on ne pourra jamais voir. Mais Patte de Brume, elle, ne se demandait aucunement ce qui l’attendait en dehors de la pouponnière, elle le savait : un entraînement féroce, sans relâche, sans repos. Un entraînement qu’elle ne souhaitait commencer que le plus tard possible.
Cœur Brisé répondit :
« Oui, d’ici quelques jours à mon avis. Tu n’es pas contente ? J’avais attendu longtemps mon apprentissage, moi. J’étais si excité…
- Non, je n’ai pas du tout hâte… j’aimerai rester dans la pouponnière encore longtemps…
- Et moi, j’aimerai beaucoup être ton mentor, mais c’est impossible, soupira Cœur Brisé en se relevant. Je vais devoir partir, on m’attend sûrement pour beaucoup d’autres choses… »
Puis le matou se détourna et repartit aussi discrètement qu’il était arrivé par le tunnel d’accès à la pouponnière. Personne ne prononça un mot pour le saluer, sans surprise.
-
« Patte de Brume, tu m’écoutes ? »
Le miaulement agacé de Patte d’Épine retentit dans les oreilles de la femelle. Elle hocha de la tête de la manière la plus convaincante qu’elle le pouvait, mais le soupir de son frère lui apprit qu’elle ne le fut pas suffisamment.
« Tu vois, c’est ça ton problème. Quand on te parle, t’écoutes jamais, t’es toujours dans la lune. T’étonnes pas que personne prenne la peine de te parler, après, grogna son frère en se relevant, la queue battante. »
Mon problème ? Patte de Brume cligna des yeux, le cerveau à moitié en pause. Elle avait donc bel et bien un problème, à moins… A moi que ce ne soit moi, le problème. Elle baissa les oreilles et la queue et miaula timidement :
« Désolée Patte d’Épine, tu as raison. Vous avez raison de ne pas perdre votre temps avec moi. »
Le matou leva les yeux au ciel et se détourna de la femelle pour rejoindre son frère, avec qui il se lança presque immédiatement dans un débat animé, plein de vivacité et d’humour. Quelque chose que Patte de Brume n’avait jamais connu et ne connaîtrai sans doute jamais : la fraternité. A moins de trouver quelqu’un d’aussi inutile que moi, songea avec amertume la femelle en repliant ses pattes sous elle.
Elle entendit au loin, dehors, deux notes mélodieuses, qui traînèrent dans l’air agréablement, telles des feuilles tombant lentement et élégamment vers le sol, avant de s’évanouir doucement, laissant à nouveau place au bruit ambiant de la pouponnière : des discussions, des cris et des rires. Elle agita les oreilles, étonnée. C’était bien la première fois qu’elle entendait un son pareil en cinq lunes, ainsi, elle n’avait aucune idée de ce que cela pourrait être. Poussée par sa curiosité, elle se leva, secoua ses membres engourdis à force d’être repliés sous elle et alla voir sa mère, Lune Noire, à petits pas timides et hésitants. La reine tourna tendrement la tête vers sa petite, interrompant sa conversation habituelle avec Épine de Rose. Cette dernière tourna également la tête vers Patte de Brume, mais son air calme se transforma en dégoût, camouflé derrière un affreux sourire hypocrite. Patte de Brume sentit aussitôt ses oreilles chauffer, elle ne voulait pas qu’autant de personnes, même c’en fut deux seulement, portent leur attention sur elle. Malgré tout, elle prit son courage à deux pattes et demanda d’une voix timide :
« Maman, tout à l’heure j’ai entendu un bruit, c’était agréable comme bruit, c’était quoi ?
- Un oiseau, sûrement. La Saison des Feuilles Vertes arrive, et les oiseaux aussi, répondit doucement Lune Noire, en donnant un coup de langue sur la tête de Patte de Brume. »
Un oiseau ? Lune Noire dut remarquer son incompréhension, puisqu’elle ajouta :
« Ce sont des proies qui ont des ailes et qui peuvent voler haut dans le ciel. Nous les chassons, pour la plupart, mais certains sont dangereux pour nous. »
Patte de Brume hocha de la tête, tentant de retenir toutes ces informations, et devant l’air sarcastique d’Épine de Rose, elle préféra s’enfuir et retourner dans son coin, à l’écart des regards, à l’écart des jugements, à l’écart des moqueries, à l’écart de tout. A l’écart du monde.
Au Clan des Ténèbres, les chatons n’apprenaient que très peu ce qui les attendait dans le monde extérieur. Comme ils ne sortaient jamais de la grotte qui servait de pouponnière, chaque nouvelle chose apprise sur le monde extérieur était importante à retenir, cela permettait aux chatons d’impressionner leur mentor une fois devenus apprentis.
Mais comme d’habitude, Patte de Brume ne retiendrai pas cette information ; tout ce qu’elle tentait tant bien que mal d’apprendre entrait d’une oreille et ressortait de l’autre à peine quelques instants plus tard. Tant pis, elle n’impressionnerait donc personne à son début d’apprentissage. Pour changer, songea-t-elle amèrement en s’asseyant lourdement, peinée. Qu’est ce que j’ai ? Pourquoi suis-je aussi idiote, aussi immature, aussi petite, aussi… Patte de Brume soupira longuement, chassant ses pensées négatives difficilement, comme si le vent tentait de déraciner un arbre. Je ne suis rien, comparé au autres, je ne vaux rien, je ne sais rien. Je suis inutile au Clan des Ténèbres. Ces deux phrases résonnèrent brutalement dans sa tête.
« Patte de Brume, ça va ? »
La petite femelle sursauta brusquement. Plongée dans ses pensées ténébreuses, elle n’avait pas entendu sa mère, Lune Noire, s’approcher d’elle. Que pouvait-elle lui répondre ? Dire la vérité et paraître encore plus ridicule qu’elle ne l’était déjà ? Certainement pas. Mentir, et dire que tout allait bien ? Oui, de toute façon elle ne pouvait faire que ça. Patte de Brume remua, mal à l’aise. Elle détestait plus que tout mentir, cela la dérangeait affreusement.
« T-tout va très b-bien, bégaya-t-elle en frissonnant.
- Tu es sûre ? demanda Lune Noire, inquiète. Depuis quelques jours déjà, tu as l’air troublée…
- Oui, t-tout va bien. Ne t’inquiète p-pas. »
Lune Noire soupira et s’accroupit pour se mettre à la hauteur de Patte de Brume.
« Tu peux tout me dire, tu sais ça. »
Patte de Brume déglutit difficilement et hocha de la tête en silence, ses yeux plongés dans ceux de sa mère. Puis cette dernière finit par se relever, soupirant à nouveau. Beaucoup de soupirs pour une même situation.
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Patte de Brume releva la tête, les paupières lourdes, se refermant toutes seules devant ses yeux avec lenteur. Elle s’ébroua pour rester éveillée.
La nuit devait être tombée, bien que Patte de Brume ne puisse s’en assurer, faute de voir l’extérieur. Y avait-il des oiseaux la nuit aussi ? Ou était-ce le silence total ? Est-ce que la nature, elle aussi, s’endormait et se réveillait le lendemain ? Tant de questions auxquelles Patte de Brumes aspirerait à obtenir la réponse, si elle n’avait pas peur de paraître ridicule ou idiote.
« Vas dormir, Patte de Brume. »
La femelle sentit sa mère s’approcher.
« Tu m’as l’air exténuée, ajouta doucement Lune Noire. »
Cette fois, Patte de Brume de put contenir sa fatigue, et bailla longuement. Amusée et attendrie, Lune Noire saisit la petite chatte par la peau du cou, entre ses crocs. Patte de Brume sentit le sol se décoller de ses pattes, ou plutôt ses pattes se décoller du sol, puisque ce dernier ne pouvait pas bouger. Se faire porter lui procurait toujours une sensation étrange. Rapidement, Lune Noire reposa Patte de Brume, dans son nid de mousse. Aussitôt, le sommeil parut à la petite femelle une irrésistible issue à son ennui, et, rapidement, elle sombra dans un sommeil brumeux.