Wiki Vos histoires de LGDC
Advertisement

Résumé[]

Les clans de la Rivière et du Tonnerre se sont alliés contre celui de l’Ombre et l’ont attaqué en traitre… causant de nombreux morts et de nombreux blessés. Le clan de l’Ombre parviendra-t-il à se reconstruire et à renaître de ses cendres ?
Suite à cette attaque, Patte Flambante a été nommé lieutenant, tandis qu’entre Pas de Renarde et Griffe de Geai, la tension continue de monter.

Allégeances[]

Allégeance du Clan de l’Ombre
Chef(fe)
Étoile de Tempête : grand matou gris tigré aux lattes et au ventre blanc et aux yeux jaunes
Lieutenant(e)
Patte Flambante : chat roux sombre aux yeux dorés
apprenti : Nuage de Marais
Guérisseur(se)(s)
Rose Blanche : chatte blanche aux pattes et au museau noir et aux yeux verts
apprenti : Nuage d’Orage
Guerrier(ère)s
Orage Noir : mâle noir et gris


Œil d’Ébène : mâle brun tigré à la queue rousse

Flamme Cendrée : chatte grise et rousse

Bourrasque Azurée : chatte grise et borgne

Museau Écarlate : grand mâle blanc au museau roux

Pelage Bleu : chatte gris-bleu

Tornade de Glace : femelle noire tachetée de gris aux pattes et au ventre blanc

Tempête de Houx : chatte noire et rousse avec un bout de museau arraché et des marques griffures sur le museau et la gorge

Baie de Houx : chatte noire aux yeux ambrés

Croc de Blaireau : chat noir et blanc

Cœur de Cèdre : femelle brun tigré au ventre roux

Vent de Nuit : chat noir tigré de blanc aux yeux bleu violacé

Fleur de Myosotis : chatte noire et rousse

Aile d’Ambre : chatte brun tigré aux yeux ambrés
apprenti : Nuage de Bouvreuil

Griffe de Geai : chat gris tigré aux yeux bleus
apprentie : Nuage de Groseille

Pluie Glaciale : chat blanc tacheté de gris avec une longue cicatrice sur le flanc
apprenti : Nuage Obscur

Moustache de Brume : chatte gris-bleu
apprenti : Nuage de Buisson

Flaque Sombre : mâle gris sombre
apprentie : Nuage de Cerise

Pelage de Bruine : femelle gris perle tachetée de minuscule taches plus foncées

Truffe de Musaraigne : matou brun avec des nuances plus claires et plus foncées

Griffe Lumineuse : chatte blanche tigrée de roux
Apprenti(e)(s)
Nuage d’Orage : chat gris moucheté au bout de la queue blanc et aux yeux ambrés


Nuage de Marais : chat brun aux pattes avants rousses

Nuage de Groseille : chatte rousse tachetée

Nuage de Bouvreuil : chat gris à certaines parties du corps plus foncées et à la gorge rousse

Nuage de Santoline : chatte grise tachetée de doré

Nuage Obscur : chat noir avec une partie du museau blanche

Nuage de Buisson : chat blanc

Nuage de Cerise : chatte blanche, brune et rousse
Reine(s)
Pas de Renarde : chatte rousse aux pattes et au bout de la queue plus foncés, au ventre blanc et aux yeux verts. Compagne de Griffe de Geai. Mère de Petit Soleil, Petite Nacre et Petite Pomme.
Chaton(ne)(s)
Petit Soleil : chat roux et blanc aux yeux bleu azur


Petite Nacre : chat doré à la queue blanche et aux yeux bleu azur

Petite Pomme : chatte blanche mouchetée de noir aux yeux verts
Ancien(ne)(s)
Neige Sombre : chat noir et blanc


Allégeance du Clan du Tonnerre
Chef(fe)
Étoile de Chouette : grand et maigre chat blanc tacheté de roux
Lieutenant(e)
Plume de Givre : mâle gris et blanc
Guérisseur(se)(s)
Feuille de Chêne : femelle brune et rousse


Goutte de Pluie : chat blanc tacheté de gris tigré
Guerrier(ère)s
Cœur de Bois : mâle brun au pelage lustré

apprenti : Nuage de Scarabée

Orage Matinal : chatte grise tachetée de blanc

Moustache de Louve : chatte grise piquetée de minuscule taches noires

Cœur de Soleil : femelle jaune-rousse

Baie de Sureau : chatte blanche tachetée de noir
apprenti : Nuage d’Averse

Papillon de Nuit : chatte écaille-de-tortue

apprenti : Nuage d’Éboulement
Apprenti(e)(s)
Nuage d’Averse : chat gris sombre moucheté de gris clair


Nuage d’Éboulement : chat jaune aux pattes plus sombres

Nuage de Scarabée : chat brun-doré au ventre et aux pattes plus foncés, presque noirs
Reine(s)
Aucune
Chaton(ne)(s)
Aucun
Ancien(ne)(s)
Aile de Guêpe : chat jaune tigré de noir


Allégeance du Clan du Vent
Chef(fe)
Étoile de Nuit : chatte grise avec une patte en moins et aux autres pattes noires
Lieutenant(e)
Poil de Lapin : mâle gris et blanc
Guérisseur(se)(s)
Aile de Corbeau : vieux chat noir
Guerrier(ère)s
Croc de Vipère : chat écaille


Cœur de Lièvre : chat brun couturé de cicatrices

Renarde Agile : femelle rousse

Écaille de Feu : chat roux

Plume Sableuse : chatte beige

Tige de Pissenlit : chatte jaune

Ajonc Fier : chat brun pâle

Alouette Généreuse : mâle beige tigré de brun

Lavande Timide : chatte grise

Seigle Éblouissante : mâle doré et moucheté

Hêtre Audacieux : chat brun tigré

Roche Dure : mâle brun et noir

Patte Rapide : chat brun pâle

Cendre Rusée : femelle grise aux pattes noires

Écorce Paisible : mâle brun et roux

Marbre Brisé : chat blanc cassé

Brasier Vaillant : mâle roux à l’oreille entaillée

Orge Apaisé : mâle beige

Ouragan Agité : chat gris foncé
Apprenti(e)(s)
Nuage de Rose : chatte noire et lilas


Nuage Rayé : chatte grise tigrée

Nuage Envolé : mâle gris moucheté de blanc

Nuage de Ronce : chat crème aux yeux bleus
Reine(s)
Douce Flamme : chatte blanche au ventre roux. Compagne d’Écaille de Feu. Mère de Petite Course et Petite Cigale.
Chaton(ne)(s)
Petite Course : chat roux


Petite Cigale : chatte rousse tiquetée de blanc
Ancien(ne)(s)
Plume Irisée : chatte noire au pelage brillant


Fleur d’Oranger : chatte rousse tigrée


Allégeance du Clan de la Rivière
Chef(fe)
Étoile Neigeuse : chatte noire aux oreilles blanches
Lieutenant(e)
Écaille de Poisson : mâle gris pâle
Guérisseur(se)(s)
Nuit Cendrée : chatte noire à la queue grise


Feuille de Reflet : mâle argenté avec des reflets roux
Guerrier(ère)s
Flamme Nocturne : chatte noire tigrée aux yeux ambrés


Oreille Grise : chat gris aux extrémités du corps plus sombres

Plume de Brume : chatte blanche

Plume d’Ardoise : chatte gris sombre

Source d’Argent : chatte argentée

Cœur d’Encre : chat noir et blanc
apprentie : Nuage de Bouton-d’or

Blanche Nuit : chatte noire et blanche
apprenti : Nuage de Grésil

Éclat de Grès : mâle doré au museau et au dos mouchetés de noir et aux yeux bleus azur

Soleil Rayonnant : chatte dorée et crème au museau couvert de griffures

Lumière Solaire : mâle doré

Lac Gelé : chat gris-bleu aux pattes plus claires

Plante Grimpante : chatte blanche tachetée de roux tigré

Chute de Flocon : chat blanc

Pluie de Givre : chatte argentée

Avalanche de Neige : femelle au pelage blanc
Apprenti(e)(s)
Nuage de Bouton-d’or : chatte dorée tachetée de roux


Nuage de Grésil : chat gris perle et tigré
Reine(s)
Aucune
Chaton(ne)(s)
Aucun
Ancien(ne)(s)
Brise Mouchetée : chatte grise et mouchetée

Étoile de Saule : grand mâle blanc pommelé de brun

Plume de Canicule : chat couleur cuivre aux pattes tirant sur le brun



Prologue[]

Au plus profond d’une forêt sans lumière ni aucune autre forme d’espoir, un jeune félin se demandait s’il avait fait le bon choix. La couleur de son pelage n’était pas visible dans la pénombre ambiante, mais on pouvait le voir hésiter sur la direction à prendre. Il cherchait quelqu’un. Il ne se le serait jamais avoué à lui-même, mais il voulait être rassuré sur la nécessité de ses actions. Maintenant que sa mère, dernier membre de sa famille, était morte, que lui restait-il ? Maintenant qu’il avait tué son propre frère pour cette cause dont à présent il doutait, que pouvait-il encore faire à part se rassurer auprès de l’instigateur des événements ?

Ses pattes s’enfoncèrent dans une terre spongieuse et il frissonna, il avait peur et il souffrait. La bataille de la veille a laissé de profondes traces, tant dans son esprit que dans son corps.

Mais surtout, pendant les quelques heures passées allongé à se faire soigner par les guérisseurs de son clan, il a réfléchi. Maintenant que sa mère était morte, qui lui restait-il ? Personne. Ni frère ni ami. Alors oui il doutait. Il doutait de sa mission mais également de la nécessité même de rester en vie. Après tout, à qui manquerait-il ? Et puis ça mettrait fin à ce profond malaise qui couvait au fond de lui depuis cette funeste saison des neiges durant laquelle il avait franchi une ligne invisible mais très importante.

Il sentait encore ses pattes presque gelées après la sinistre besogne, il se souvenait encore de ce dernier regard plein d’incompréhension et de détresse de sa victime, mais paradoxalement encore débordant de vie, et de l’amour qu’il avait évoqué dans ces dernières paroles, avant que tout ne bascule.

« Je crois que je l’aime, et je crois que ça fait longtemps. Peut-être même que je l’ai toujours aimée. Qu’est-ce que tu en penses ? »

Il n’avait pas pu attendre plus longtemps. Il avait su que s’il l’entendait parler une nouvelle fois de son amour, il n’arriverait pas à faire ce qu’il avait à faire.

Alors il avait agi, mais à présent il doutait du bien-fondé de son acte. Avait-il eu raison de le faire ? Tout son corps lui semblait lourd et vide à la fois. Comme vidé de toute substance et de son âme. Mais sans doute n’en a-t-il plus, d’âme. Probablement l’a-t-il perdue ce jour-là, en même temps que tout espoir de rédemption.

Il s’arrête et baisse la tête, fermant très fort les paupières pour ne plus voir les arbres morts et noueux qui l’entoure et dont les branches sont autant de griffes agressant le ciel sans étoiles. Derrière le noir de ses paupières closes, il repense à tout. À son enfance, suivi de son apprentissage. Il revoit son baptême de guerrier. Il revit la mort de son père, repense au cadavre de sa mère, vu quelques heures plus tôt. Revoit les yeux de son frère et la tristesse de sa mère alors qu’on le mettait en terre.

Menteur. Tueur. Fratricide.

Il déglutit, son cœur s’emballa un peu plus. Il imagina sa mère retrouvant son frère après sa mort. Il voyait presque son expression lorsque son frère lui apprendrait les raisons de sa mort. Il voyait son visage se déformer sous l’incompréhension, puis ses yeux se teinter de rage, et d’une infinie tristesse.

Il rouvrit les yeux. Il ne voulait plus aller voir l’instigateur, il sut que peu importent les belles paroles qu’il pourrait prononcer, l’air rassurant qu’il pourrait prendre, ce ne serait rien d’autre que de la manipulation. Pire encore, si l’instigateur voyait qu’il doutait, alors il saurait qu’il ne pouvait plus lui faire confiance, et alors… « Je crois que je l’aime, et je crois que ça fait longtemps. Peut-être même que je l’ai toujours aimée. Qu’est-ce que tu en penses ? »

Un cri rauque de bête sauvage sortit de sa gorge et il se recroquevilla au sol. Il avait enfin compris que rien n’excuserait jamais son crime, il était un fratricide. Il avait tué son frère, un jeune guerrier amoureux. Aurait-il eu des chatons à cette heure ? Aurait-il été heureux ? Sans doute plus que maintenant, après avoir été tué par son frère alors qu’il venait de lui témoigner une confiance sans limite.

Il n’y avait aucune rédemption possible, cette évidence le frappa de plein fouet, et alors sa décision était prise : il n’irait pas voir celui à l’origine de son acte, il ne voulait plus jamais le voir. Il avait enfin compris ce que son frère avait compris des lunes avant lui.

Chapitre 1[]

Griffe de Geai boita jusqu’à la sortie du camp, c’était bien la dixième fois qu’il accomplissait ce trajet depuis son réveil, à l’aube. Le guerrier gris s’appuyait le moins possible sur sa patte arrière droite, qui avait été blessée pendant… qui avait été blessée deux aubes plus tôt. Son état s’était déjà bien amélioré, et il était bien moins blessé qu’une grande partie de ses camarades. Il devait donc aider à reconstruire le camp, pendant que ceux qui s’en étaient sortis avec une oreille déchirée tout au plus, chassaient au-dehors.

Lui, sa mission était simple : rapporter des ronces pour aider à la reconstruction des fortifications, il en avait trouvé un énorme buisson un peu plus tôt, et non loin du camp en plus.

Derrière lui, Petite Nacre, Petit Soleil et Petite Pomme le suivaient. Ils n’auraient pas du avoir le droit de sortir du camp : ils n’avaient encore que trois lunes, mais ils n’avaient pas arrêté d’insister, et Patte Flambante avait finalement donné son accord. Patte Flambante, lieutenant du Clan de l’Ombre… songea Griffe de Geai avec ironie. Il n’a vu que deux saison des neiges et le voilà déjà second du clan. Pourquoi lui ? Il restait pourtant des vétérans suite à l’attaque : Orage Noir et Œil d’Ébène, qui avaient tous deux prouvé à de nombreuses reprises qu’ils méritaient cet honneur.

Mais Patte Flambante a été l’apprenti d’Étoile de Tempête. Ce fait simple expliquait tout. Le meneur l’avait nommé lieutenant parce qu’il savait que Patte Flambante avait les mêmes valeurs que lui, et que le félin roux lui obéirait toujours. Si ça avait été moi son apprenti, ça aurait été l’inverse, et j’aurais été le lieutenant. songea Griffe de Geai. Il se rappela ce que son père lui avait dit plusieurs saisons plus tôt : qu’Étoile de Tempête pensait le prendre lui comme apprenti, et non pas son frère.

Griffe de Geai faillit trébucher sur Petite Nacre et Petit Soleil qui venaient de lui passer devant en courant et criant de joie et ça le ramena brusquement à la réalité.

- Faites attention ! leur lança-t-il alors qu’ils sortaient du camp et s’élançaient dans la pinède.

- On connaît le chemin par cœur ! répliqua Petit Soleil. Ça fait quinze fois qu’on le fait !

Griffe de Geai vérifia qu’ils prenaient le bon chemin avant de demander à sa fille, seule à être restée près de lui :

- Tu ne vas pas avec eux ?

- Non. répondit la petite chatte mouchetée en se collant contre une des pattes avants de son père. Je reste avec toi. Ça fait mal ?

- Quoi ? demanda Griffe de Geai en baissant la tête vers elle.

Voyant qu’elle avait le regard fixé sur sa balafre à la patte arrière, il lui répondit d’un ton rassurant :

- Non, je ne sens déjà presque plus rien. Plume de Pierre m’a bien soigné.

- Avant de mourir ? lâcha Petite Pomme.

- Oui. reconnut Griffe de Geai dans une sorte de soupir.

- Comment est-ce qu’il est mort ? J’ai demandé à Maman, mais elle n’a rien voulu me dire.

- Il est mort d’épuisement. lui expliqua Griffe de Geai, en se remémorant comment le guérisseur s’était effondré au milieu du camp la veille au soir.

- C’est possible ?

Petite Pomme avait un air effrayé.

- Tu n’as pas à t’inquiéter, c’est extrêmement rare, et Plume de Pierre avait passé toute la nuit, et le jour d’après, qui ont suivis la bataille à soigner les blessés. C’était trop, pour n’importe qui ça aurait été trop.

- Il ne le savait pas ?

- Probablement que si, mais il a décidé de faire passer la vie de ses camarades blessés avant la sienne. Regarde Griffe Lumineuse, elle serait morte sans lui, et Bourrasque Azurée peut-être aussi.

À l’évocation de la guerrière nouvellement borgne, le museau de la petite chatte blanche et noire se tordit bizarrement, dans un mélange de malaise et de dégout.

- Elle me fait peur… Tempête de Houx aussi, elle était gentille avant.

- Tempête de Houx t’a dit des choses méchantes ? s’étonna Griffe de Geai.

- Non ! Mais… je ne sais pas, elle me fait peur, je l’ai vue ce matin…

- Je suis sûr qu’elle est toujours aussi gentille qu’avant.

Petite Pomme n’ajouta rien, Griffe de Geai la vit regarder ses pattes et gratter nerveusement le sol. Puis elle releva la tête, croisa son regard avant de laisser à nouveau le sien dériver vers la blessure à la patte de son père.

- C’est lui qui t’a fait ça ?

- Qui ça, lui ?

- Le chat pendant la bataille. Celui du Clan de la Rivière, qui a voulu nous faire du mal. Le grand, et doré.

Éclat de Grès… Le guerrier du Clan de l’Ombre repense à la colère qu’il avait ressentie en voyant le matou doré avec sa compagne et ses chatons, quand il était entré dans la pouponnière pour vérifier qu’ils allaient tous bien… il pensait les trouver seuls, et là, il avait vu ce grand imbécile penché sur sa fille, lui racontant il ne savait quelles sornettes.

- Non, ce n’est pas lui. répondit-il tout de même, car en effet il s’agissait de Griffe de Fougère qui essayait de s’introduire dans la pouponnière ; lui il n’avait aucun regret à l’avoir tué. Il t’a fait peur ?

Petite Pomme hocha la tête.

- Hé ! Griffe de Geai, je viens de voir tes deux fils, c’est normal ?

Le guerrier gris releva la tête et vit Pluie Glaciale arriver vers lui, d’un air plus aimable qu’il n’en avait jamais eu. Sa balafre sur le flanc s’était à nouveau refermée, et il n’avait qu’une minuscule entaille à l’oreille. Derrière lui arrivaient Truffe de Musaraigne avec une balafre sur le museau, et encore après Pelage de Bruine, avec une oreille déchirée. Tous trois tenaient des proies entre leurs mâchoires, Pluie Glaciale avait même un merle particulièrement gros, qu’il avait déposé pour interpeller Griffe de Geai. Lequel lui répondit :

- Oui, c’est normal. Merci.

Le mâle blanc tacheté de gris hocha la tête et reprit son oiseau avant d’indiquer aux deux guerriers qui l’accompagnaient de reprendre la marche.

Il a changé depuis la bataille. se dit Griffe de Geai alors que les trois félins s’éloignaient.

- Pas trop tôt ! lança Petit Soleil quand sa sœur et son père arrivèrent auprès du buisson de ronce. On vous a attendus.

- Je l’ai forcé à vous attendre. rectifia Petite Nacre. Lui, il voulait couper les ronces tout seul !

- On serait allé plus vite. maugréa Petit Soleil.

- Tu aurais pu te faire mal. déclara Griffe de Geai avec amusement avant de s’avancer et de trancher avec précaution plusieurs tiges de ronce.

Une longue pour lui, et trop petites pour ses chatons. Il les leur distribua et leur rappela :

- N’oubliez pas, tenez-les par le bout et faites attention à ne pas vous blesser avec les épines.

- On sait ! protesta Petit Soleil. On l’a déjà fait plein de fois.

Sur ce, il s’empara de la sienne et partit vers le camp aussi vite qu’il le pouvait sans risquer de trébucher, c’est-à-dire assez lentement. Griffe de Geai veilla à ce que Petite Nacre et Petite Pomme attrapent les leur correctement et passent devant lui, puis il se remit en marche à son tour. Ils progressaient bien moins vite qu’à l’aller, mais à la différence que cette fois ils ne pouvaient pas parler, ayant une tige de ronce dans leur gueule.

Ils croisèrent à nouveau Pluie Glaciale, Truffe de Musaraigne et Pelage de Bruine, qui retournaient chasser. Si les deux derniers avaient l’air profondément ennuyés de cette énième chasse, même Truffe de Musaraigne habituellement enjoué et qui ne rechignaient jamais à la tâche. Pluie Glaciale, en revanche, avait l’air aussi alerte et déterminé que si c’était sa première chasse de la journée. Non, décidément ça ne lui ressemblait vraiment pas. Peut-être est-ce la mort d’Aile de Neige ? se demanda Griffe de Geai. Ou d’Aile de Gland : sa mère ? Mais il ne voyait pas bien en quoi la mort de l’une ou de l’autre aurait pu le faire agir de cette façon. Il aurait davantage été attendu qu’il s’effondre ou perde la foi en la vie de chat de clan.

Il haussa les épaules. Après tout peu importe, ça le regardait. Quand Griffe de Geai, ses fils et sa fille arrivèrent en vue du camp, le premier sentit sa gueule s’assécher un peu. La terre de la pinède autour du camp avait été retournée et en était devenue très meuble. Signe des nombreux morts enterrés là. Une dizaine au total, si l’on comptait Plume de Pierre et Aile de Neige, morts dans les jours qui avaient suivi.

- Bon, tu avances ? lança Petit Soleil, en déposant sa tige, à Petite Nacre qui l’avait dépassé sur le chemin.

- Comme si tu allais plus vite que moi ! répliqua le matou doré lui aussi en déposant ses ronces et en se tournant vers son frère d’un air furieux.

Posant également son chargement et agitant légèrement, mais assez pour marquer son agacement, sa queue dans l’air, Griffe de Geai leur lança :

- Ça prendra encore plus de temps si vous vous mettez à discuter tous les deux pas ! Allez avancez !

Petite Nacre reprit aussitôt ses ronces et recommença à les tirer. Voulant faire de même, Petit Soleil alla trop vite et se piqua le bout de la truffe.

- Aïe ! s’exclama-t-il vivement.

Avec un profond soupir, le guerrier tigré se tourna vers Petite Pomme et lui ordonna de passer devant son frère et d’amener les ronces aux guerriers qui réparaient les fortifications, puis il s’avança vers Petit Soleil et inspecta l’endroit où il s’était piqué. Une minuscule goutte de sang avait coulé de l’égratignure et Griffe de Geai l’en débarrassa d’un coup de langue.

- C’est dégoutant ! protesta Petit Soleil en reculant.

- Tu n’avais qu’à faire attention ! Tu as mal ?

- Pas du tout.

Le chaton roux et blanc reprit la tige de ronce, cette fois avec plus de prudence et en prenant son temps, et il recommença à la tirer vers l’intérieur. Enfin dans la combe, Griffe de Geai entendit qu’on l’appelait, il se tourna vers la source du bruit et vit son frère lui faire signe d’amener son chargement là où il était.

Griffe de Geai lui obéit et la lâcha au pied de fortifications fraichement reconstruites.

- Tu m’aides ? demanda Patte Flambante.

Le guerrier au pelage gris hocha la tête. Il ne s’était toujours pas habitué à la minuscule partie d’oreille arrachée de son frère, et encore moins à la petite entaille que le matou roux avait désormais sous l’œil. Ça lui donnait l’air plus âgé. Sans doute le nouveau lieutenant avait-il mis autant de temps à s’habituer à la balafre sur le museau de son frère, causée par le faucon qui avait emporté leur petit frère bien des lunes plus tôt, mais à présent elle presque entièrement dissimulée sous sa fourrure grise.

Griffe de Geai commença alors à aider les constructeurs, mais continuant de vérifier régulièrement que ses chatons étaient toujours entrain de jouer sagement au milieu de la combe. Pas de Renarde n’était pas là pour les surveiller : comme tous les chats valides, elle passait une grande partie de ses journées à chasser.

À part les trois chatons apportant un peu d’animation, le camp semblait comme mort. Plus d’apprentis joyeux et insouciants, plus de Griffe Tigrée pour discuter de tout et de rien avec tout le monde, personne pour trainer devant sa tanière pour profiter de la douce brise de la saison des feuilles nouvelles.

Soudain, un cri déchira l’air pesant et le silence de la combe, faisant sursauter une bonne partie des chats présents, Griffe de Geai y compris. Il se tourna vers la tanière des guérisseurs, et vit en sortir Nuage d’Orage. Rose Blanche, qui jusque-là était au côté de Moustache de Brume pour vérifier qu’elle pouvait de nouveau marcher normalement, se précipita vers lui. Le guerrier vit l’apprenti guérisseur baisser la tête et se mettre à raconter quelque chose qu’il ne put pas entendre.

Alors, la guérisseuse sembla pousser un soupir presque résigné et s’approcha de Museau Écarlate et Tornade de Glace qui la regardèrent arriver avec horreur. Griffe de Geai comprit que, cette fois, c’était Aile de Papillon qui avait rejoint leurs ancêtres.

Griffe de Geai ne s’étonnait même plus, depuis la bataille, pas un jour n’avait passé sans que ne soit annoncée une nouvelle mort. Il se demandait simplement quand tout cela allait s’arrêter, quand est-ce que tout retrouverait un semblant de normalité.

Chapitre 2[]

Patte Flambante alla se coucher après une énième journée de reconstruction du camp bien remplie. Il fit mentalement le tour de tout ce qu’il devait faire le lendemain, de tout ce qu’il avait fait le jour même et vérifia qu’il n’avait rien oublié. Non, c’était bon. Et il avait également préparé les patrouilles du lendemain : il s’en remémora les noms de ses membres pour ne pas les oublier. Flamme Cendrée, Museau Écarlate et Pelage Bleu iraient à la frontière avec le Clan du Tonnerre, Tornade de Glace, Baie de Houx et Cœur de Cèdre iraient sur celle du Clan de la Rivière.

Non, c’est vrai, pas Tornade de Glace ou Museau Écarlate : leur fille était morte la veille et ils la veillaient toujours. Dans ce cas ce serait Fleur de Myosotis et Croc de Blaireau. Pour les patrouilles de chasse, Patte Flambante comptait envoyer Orage Noir, Vent de Nuit, Pluie Glaciale et Nuage Obscur vers la Roche Nocturne et Flaque Sombre, Nuage de Cerise, Nuage de Buisson et Pelage de Bruine vers le lac.

Ceux qui restaient, et qui étaient en état, resteraient au camp et continueraient les réparations. Patte Flambante s’incluaient parmi ceux-là.

Epuisé, le nouveau lieutenant du Clan de l’Ombre força ses pensées à ralentir mais elles continuaient de tournoyer à toute vitesse sous son crâne, lui causant un mal de crâne insupportable mais qu’il savait n’être que psychologique.

Il finit par perdre totalement la notion du temps, même s’il se savait éveillé et sentait toujours ses camarades, endormis pour la plupart, allongés autour de lui. La tanière lui semblait vide, et il sentait passer un courant d’air par une brèche dans la paroi qui n’avait pas encore été réparée.

Patte Flambante ressentit alors une vive douleur à la queue, et, émergeant de son demi-sommeil, releva vivement la tête pour voir qui avait bien pu lui marcher dessus. Il tomba nez à nez avec le museau roux et les deux grands yeux bleu ciel de son neveu qui grimaça en croisant son regard.

- Désolé. murmura Petit Soleil.

Patte Flambante poussa un grognement voué à signifier que ce n’était rien et reposa la tête contre son flanc. Du coin de l’œil, il vit Petit Soleil se faufiler jusqu’à Griffe de Geai et se blottir contre son pelage gris. Toujours endormi, le matou tigré enfouit son museau dans la fourrure de son fils qui ronronna doucement.

Le lieutenant referma les yeux et tenta de retrouver le sommeil.

Patte Flambante entendit alors un cri au-dehors et rouvrit brutalement les yeux. La tanière était vide, plus aucun de ses camarades à ses côtés, mais des cris et des miaulements rageurs au-dehors. Le félin roux bondit sur ses pattes et fut pris de vertige pour s’être relevé aussi vite.

Il se précipita alors à l’extérieur et tomba presque aussitôt sur Baie de Sureau, du Clan du Tonnerre. Que faisait-elle là ? Et il se rendit alors compte que le camp, son camp, était envahi d’odeurs étrangères appartenant aux combattants des clans du Tonnerre et de la Rivière.

Sans plus réfléchir, Patte Flambante attaqua férocement la guerrière et ils roulèrent ensemble dans la terre. Alors qu’il enfonçait férocement ses griffes dans la fourrure noire et blanche, il vit Nuage de Marais et Nuage de Groseille au milieu des combats. Il lui sembla qu’ils faisaient face à un guerrier mais il n’eut pas le temps de mieux voir car Baie de Sureau lui mordit férocement l’oreille. Il la repoussa mais ne chercha pas à se venger : sa priorité, c’était les apprentis.

Il se précipita vers l’endroit où il avait vu son frère et sa sœur un instant plus tôt, et, en tournant sur lui-même finit par les trouver. Nuage de Groseille faisait face à Nuage d’Averse, un apprenti du Clan du Tonnerre presque en âge d’être guerrier. Derrière elle, Nuage de Marais tremblait légèrement, une longue ligne rouge écarlate le long de son dos. Il croisa le regard de son mentor et celui-ci y lu une excuse muette.

Mais alors Nuage de Groseille feula en montrant les crocs et bondit vers l’apprenti adverse qui l’esquiva, avant de la percuter sur le côté et de l’envoyer rouler au sol pour lui mordre l’oreille, en arrachant un bout de peau et faisant crier la petite chatte rousse.

Alors Nuage d’Averse recula, hésitant. Patte Flambante le vit chercher un de ses camarades aînés du regard pour tomber sur Griffe des Fougères qui lui cracha furieusement depuis l’autre côté du camp :

- Qu’est-ce que tu attends, cervelle de souris ?!

Alors, Nuage d’Averse s’avança, comme paralysée, Nuage de Groseille se recroquevilla sur elle-même. Nuage de Marais fit un pas en avant, comme pour venir l’aider, mais il s’effondra sur le sol, le sang coulant de son dos commençant à couler entre les poils de son flanc comme autant de rivières sanguinolentes.

Voyant Nuage d’Averse sortir les griffes, même si l’air toujours hésitant, Patte Flambante lui fonça dessus par derrière et, d’un puissant coup de patte, l’écarta de sa sœur. Il coinça le jeune félin gris sous lui et montra les crocs, un grondement s’échappa de sa gorge. Nuage d’Averse écarquilla des yeux à présent remplis de terreur et murmura quelque chose que le matou roux n’entendit pas dans le vacarme de la bataille. Mais il pouvait le deviner à l’expression terrorisée du jeune félin, c’était une supplication. Sans y faire attention, Patte Flambante abattit une de ses pattes sur le museau du mâle gris. Du sang gicla jusque sur le museau du félin roux et Nuage d’Averse poussa un cri de douleur.

- Rentre à ton camp ! lui ordonna Patte Flambante en s’écartant de lui.

Il se tourna ensuite vers son petit frère et fit signe à Nuage de Groseille de l’aider à le trainer à l’écart. C’est ce qu’ils firent, et ils le lâchèrent derrière la tanière des apprentis. Émergèrent alors d’un buisson Nuage de Santoline, Nuage de Cerise, Nuage de Buisson et Nuage Obscur.

- Nuage de Marais ! s’exclama la première.

- Qu’est-ce que tu fais ici ? demanda Nuage de Groseille avec agressivité à sa sœur. Tu ne te bats pas ?

- Je… Souffle de Sable nous a ordonné de rester ici, je…

- Assez ! ordonna Patte Flambante. Souffle de Sable avait raison. Vous restez ici, je vais voir si je ne veux pas trouver Plume de Pierre ou Rose Blanche. Ne faites aucun bruit, et n’attirez surtout pas l’attention sur vous !

- Je peux aller les chercher. répliqua Nuage de Groseille.

- Trop dangereux, tu restes ici.

- Non ! protesta-t-elle en défiant son frère du regard.

- Si. cracha-t-il avec un début de colère et d’impatience, son clan avait besoin de lui par le Clan des Étoiles !

- Je ne me battrai pas. promit Nuage de Groseille. Je vais juste les chercher. Comme ça, toi tu peux continuer de chasser ces cœurs de renard !

Patte Flambante hésita, mais il finit par hocher la tête en signe d’assentiment et retourna d’un bond sur le champ de bataille après avoir vérifié que sa sœur prenait bien la bonne direction. Il remarqua alors Étoile de Tempête, étendu sur le sol et entouré par deux guerriers qu’il savait ennemis mais qu’il ne reconnaissait pas.

À vrai dire, il ne reconnaissait plus personne. Tous les museaux étaient flous, sauf ceux de ses camarades qu’il parvenait encore à reconnaître, pour la plupart. Mais peu importait, Patte Flambante se mit à courir vers son ancien mentor, mais fut percuté par une masse qui le jeta au sol et lui plaqua les épaules dans les terres à l’aide de ses pattes avants. Son pelage était brun, et tacheté. Il était un savant mélange de Griffe de Geai, Nuage de Groseille et Nuage de Marais, car il avait en effet la carrure du premier, les motifs de taches de la seconde, et la couleur du pelage du dernier.

- Où est-ce que tu vas comme ça ? lui demanda le matou d’un air mielleux.

- Oreille de Crapaud ! s’étrangla Patte Flambante.

Son adversaire le frappa violemment à la tête et Patte Flambante ferma les yeux le plus fort possible, comme si ça allait lui permettre d’échapper à tout ça. Mais quand il les rouvrit, son père était toujours là, son pelage brun et tacheté flottant dans le vent, son museau un peu aplati presque collé à celui de son fils, ses yeux bleus plantés dans les siens.

Ses yeux bleus ? Non ! Son père avait toujours eu les yeux dorés, comme Patte Flambante. Mais pourtant, là, ils étaient d’un bleu éclatant. Le félin roux cessa alors de sentir la terre sous lui, et les griffes enfoncées dans ses épaules. À présent il sentait à nouveau le contact chaleureux et agréable de la mousse de son nid. Il voyait toujours celui qui était son père sans l’être tout à fait, et le vit feuler.

Il te suffit d’ouvrir les yeux. Ouvrir les yeux ?

Il cligna des yeux et se réveilla avec un sursaut de peur. Les attaquait-on ? Mais non. Une grande partie de ses camarades dormaient toujours, ou alors somnolaient sans lui prêter la moindre attention, et pas le moindre bruit de combat au-dehors, rien que le chant des oiseaux.

Le lieutenant se força à se lever. Il ne pouvait pas rester allongé là à ne rien faire, le soleil était lever, et donc lui aussi. Il devait trouver les camarades à qui il voulait confier les quatre patrouilles prévues. Il les chercha tout d’abord autour de lui, dans la tanière des guerriers, et en effet trouva sa mère, Flamme Cendrée, ainsi que Croc de Blaireau. Il leur indiqua à tous deux là où ils devaient patrouiller et qui ils devaient emmener.

Les deux guerriers hochèrent la tête sans protester, même si Flamme Cendrée inclina la tête sur le côté et lui demanda d’un air intrigué :

- Tu vas bien ? Tu m’as l’air un peu étrange… des mauvais rêves ?

- Oui je vais bien, ne t’inquiète pas. répondit Patte Flambante en ignorant délibérément la fin de la question.

- On en fait tous, tu sais. murmura sa mère en se levant et s’étirant. Il n’y a pas de honte.

- Je sais.

- Tu as parlé à Aile d’Ambre ? ajouta-t-elle un ton plus bas, bien que la concernée ne soit pas dans la tanière.

- Quoi ? s’étonna son fils.

- De son frère, de la bataille. Il faut que tu sois là pour elle, tu sais.

- Oui je lui ai parlé. maugréa Patte Flambante. Elle va bien.

- Tu l’aimes toujours ?

- Arrête ! s’exclama-t-il.

Flamme Cendrée ronronna.

- D’accord, désolée ! Mais tu ne me racontais rien quand tu étais apprenti, maintenant j’en profite.

- En tout cas une chose est sûre, maugréa Patte Flambante. Ça je n’aurais jamais dû te le dire.

Sa mère leva les yeux au ciel.

- Arrête ton cirque ! Elle t’adore ! s’exclama-t-elle avant de plisser les yeux et d’ajouter d’un ton railleur. Et tu es lieutenant maintenant… et guerrier accompli !

Elle finit sa phrase en fixant la cicatrice que son fils avait sous l’œil.

- Tu es insupportable. répliqua Patte Flambante sans pour autant pouvoir s’empêcher de sourire.

Flamme Cendrée se mit à rire avant de lui passer devant pour sortir de la tanière des guerriers. Après avoir attendu quelques minutes, Patte Flambante fit de même. Inspectant le camp du regard, il remarqua avec satisfaction que les réparations avançaient bien, les fortifications étaient presque finies et ils pourraient bientôt s’attaquer aux tanières. Le tas de gibier également était bien garni, mais il s’empêcha tout de même d’aller se chercher une pièce de viande, préférant en laisser aux blessés.

Le jeune lieutenant remarqua alors Aile d’Ambre assise non loin du tas de gibier, elle se léchait doucement l’épaule, le regard absent. Ne sachant pas vraiment à l’avance de ce qu’il allait lui dire, Patte Flambante s’avança vers elle.

Elle releva la tête en l’entendant arriver et lui sourit, sans perdre son air mélancolique.

- Tu vas bien ? lui demanda Patte Flambante en s’asseyant.

Elle hocha la tête.

- Et toi ?

- Moi aussi.

Un silence s’installa, le lieutenant du Clan de l’Ombre hésitait. Devait-il lui parler de Souffle de Sable ? Il n’avait pas abordé le sujet une seule fois depuis la veillée où il s’était contenté de rester à ses côtés. Il n’avait aucune idée de quoi lui dire, et craignait que ça ne paraisse forcé.

Aile d’Ambre finit par ronronner et lui dit :

- Tu as l’air nerveux ! Qu’est-ce qu’il se passe ?

- Rien. répondit-il en se donnant un coup de langue sur le poitrail.

- Tu es allé voir ton frère ? demanda Aile d’Ambre.

- Mon frère ? s’étonna-t-il. Griffe de Geai ?

- Nuage de Marais ! Nuage de Bouvreuil m’a dit qu’il était allé le voir, et qu’il ne parlait que de retourner s’entrainer.

- Ah.. et bien, non, par encore. J’y vais tout de suite ! Je reviens. En attendant, est-ce que tu peux prendre Griffe de Geai, Nuage de Groseille, Nuage de Bouvreuil et Œil d’Ébène, s’il se sent assez en forme pour ça, et continuer les réparations des fortifications ?

- D’accord. répondit Aile d’Ambre avec un signe d’assentiment avant de se diriger vers la tanière des apprentis.

Patte Flambante l’observa un instant avant de prendre la direction de la tanière des guérisseurs. Sur le chemin, il croisa Pelage de Bruine et Flaque Sombre et il leur confia la patrouille de chasse en leur demandant d’emmener Nuage de Cerise et Nuage de Buisson.

Enfin, il entra. Rose Blanche ne se détourna pas de ses remèdes pour le regarder entrer et se contenta, pour l’accueillir, d’un simple et monocorde :

- Salutations Patte Flambante.

- Salutations. répondit le lieutenant. Je viens voir Nuage de Marais.

- Là-bas. lui indiqua la guérisseuse en lui montrant un nid tout proche de la paroi dans lequel était lové le petit matou brun.

Patte Flambante s’approcha de lui et lui effleura le front du bout de son museau pour le réveiller. Nuage de Marais tressaillit légèrement avant de lever des yeux ensommeillés et de bailler longuement. Il reconnut finalement son frère et mentor et ses yeux perdirent toute fatigue pour se mettre à briller d’excitation. Il s’exclama :

- Patte Flambante ! On va s’entrainer ?

- Certainement pas. cracha Rose Blanche qui avait abandonné ses remèdes pour se tourner vers le lieutenant et son apprenti. Son dos n’est pas encore totalement guéri, trop d’efforts et ça pourrait se rouvrir.

Le félin roux hocha la tête pour lui montrer qu’il avait compris et la guérisseuse retourna à sa tâche. Nuage de Marais, lui, s’était redressé dans son nid dés que la chatte blanche avait eu le dos tourné, et avait commencer à se plaindre dans un murmure :

- Je vais bien ! Je te le jure. Regarde.

Pour le prouver, il fit le dos rond, en étirant son dos encore balafré par l’apprenti du Clan du Tonnerre. Patte Flambante le vit légèrement grimacer de douleur mais l’apprenti se reprit aussitôt et fit bonne figure : avec un grand sourire, il lança :

- Tu vois ? Je ne saigne plus.

Patte Flambante leva les yeux au ciel et lui ordonna de se rallonger.

- Si Rose Blanche a dit non, c’est non. Elle sait mieux que nous.

- Tu parles. bougonna Nuage de Marais. Tout le monde meurt ici.

- Nuage de Marais ! cracha Patte Flambante pour le rappeler à l’ordre en jetant un coup d’œil inquiet à Rose Blanche qui heureusement n’avait rien entendu.

- Quoi ? persista l’apprenti. Plume de Pierre avait dit qu’Aile de Papillon allait facilement guérir, que ça prendrait un peu de temps mais que dans une demi-lune maximum elle irait mieux. Il meurt, et après Aile de Papillon aussi, alors qu’il avait dit qu’elle allait guérir.

- Qu’est-ce que tu insinues ? soupira Patte Flambante.

- Que peut-être Rose Blanche ne sait pas trop ce qu’elle fait. marmonna Nuage de Marais.

- Je suis sûr que si. affirma le félin roux. Arrête de te faire des nœuds au cerveau, on repartira bientôt à l’entraînement.

- D’accord… se résigna le novice. Mais… Patte Flambante ?

- Quoi ?

- Tu m’en veux ?

De l’inquiétude avait envahi le regard du jeune apprenti.

- Pourquoi est-ce que je t’en voudrais ? s’étonna Patte Flambante.

- D’avoir attaqué l’apprenti du Clan du Tonnerre avec Nuage de Groseille… si je ne l’avais pas fait je n’aurais pas été blessé.

- Tu as agi comme un guerrier. le rassura Patte Flambante. Et tu as été blessé, comme même le meilleur des guerriers peut l’être. Je ne t’en veux pas du tout. Ne t’en fais pas.

Nuage de Marais sembla se rasséréné d’un seul coup, et Patte Flambante commença à se diriger vers la sortie.

- Attends ! l’appela son jeune frère, et le lieutenant se retourna vers lui.

Le matou brun avait un air hésitant, et semblait sur le point de parler. Il sembla changer d’avis et secoua la tête.

- Non rien.

- Tu es sûr ?

- Oui !

Sur ce, Patte Flambante quitta la tanière des guérisseurs et rejoignit Aile d’Ambre, Griffe de Geai et leurs apprentis auprès des fortifications.

Chapitre 3[]

Le camp était animé par un semblant d’agitation qui n’avait plus été vu depuis la bataille. Pas de Renarde avait été habituée à une apathie pesante qui lui faisait mal au cœur, mais ce jour-là, ses camarades parlaient avec animation en petits groupes disséminés partout dans la combe.

La reine jeta un coup d’œil hésitant à ses enfants qui jouaient autour d’elle avant de prendre sa décision et de leur lancer :

- Je reviens, pas de bêtises, d’accord ?

- Ne t’inquiète pas Pas de Renarde ! Je les surveille. répliqua Petit Soleil d’un air très sérieux en se tenant bien droit dans une position qui faisait ressortir son poitrail blanc et le faisait encore plus ressembler à son grand-père.

Elle leva les yeux au ciel avec amusement et laissa ses fils et sa fille pour rejoindre Aile d’Ambre, seule non loin de l’arbre-promontoire. Ces temps-ci, Pas de Renarde ne pouvait s’empêcher de penser que sa sœur était bien trop souvent seule à son gout, depuis la mort de leur frère.

Pas de Renarde chassa le museau roux ainsi que les yeux verts et gentils de son esprit pour recentrer ses pensées sur Aile d’Ambre. Comme celle-ci n’avait pas l’air de l’avoir sentie arriver, la chatte tricolore lança, pour lui annoncer sa présence :

- Aile d’Ambre !

La chatte brun tigré sursauta et se tourna vers Pas de Renarde. Aile d’Ambre avait un air absent qui disparut dés qu’elle reconnut sa sœur et elle lui sourit d’un air tout à fait normal, mais plus tout à fait franc et prévenant comme il l’était auparavant.

- Pas de Renarde ! s’exclama Aile d’Ambre en se levant pour lui effleurer le museau avec affection. Tu vas bien ? Et tes chatons ? Ils ont l’air en tout cas !

Elle avait dit sa dernière phrase en observant les trois chatons qui s’étaient mis à se battre devant la pouponnière, le regard débordant de bienveillance.

- Ils vont bien. confirma Pas de Renarde.

Même si Petite Pomme prend son père pour monstre, que Petite Nacre ne me parle plus et que Petit Soleil va dormir avec Griffe de Geai presque toutes les nuits. Mais elle s’abstint de le dire… sa sœur n’avait pas besoin de ça, pas après les nombreux deuils auxquels elle faisait face depuis plusieurs lunes : d’abord Plume de Pie, puis Branche de Frêne, puis Brume Cendrée, et enfin Souffle de Sable. Leur frère. Auquel Pas de Renarde ne devait surtout pas penser. Elle le chassa une nouvelle fois de son esprit et sourit à Aile d’Ambre en ajoutant :

- Et moi aussi je vais bien. Et toi ?

La guerrière brune hocha la tête mais ne dit rien, et elle sentit sa présence flotter entre elles.

- Et… ajouta Pas de Renarde. Enfin, tu sais ce qu’il se passe ?

Elle engloba d’un large mouvement de la tête les petits groupes qu’avaient formés leurs camarades et l’agitation générale dans le clan.

- C’est la pleine lune ce soir. lui rappela Aile d’Ambre.

Pas de Renarde réalisa que c’était vrai, elle avait complètement oublié l’Assemblée. Étoile de Tempête allait-il vraiment les emmener sur l’île ? Là où serait à coup sûr les clans du Tonnerre et de la Rivière qui les avait décimés ? Qui accepterait de venir et de se retrouver face à ces meurtriers… ? À par Orage Noir, pour venger les morts de sa fille et de sa compagne, et d’autres guerriers aux intentions vengeresses.

- Il veut qu’on y aille ? demanda Pas de Renarde à sa sœur.

- Je ne sais pas. Patte Flambante est avec lui, je crois qu’ils parlent de ça.

Mais oui c’est vrai. Patte Flambante le lieutenant. Dés qu’elle pensait au nom du matou roux suivi de son nouveau grade, Pas de Renarde voyait systématiquement surgir dans son esprit un Patte Flambante chaton avec un pelage en pétard et d’immenses yeux ahuris comme il les avait toujours, avant. À l’époque où ils étaient chatons, où Griffe de Geai et Pas de Renarde étaient les meilleurs amis du monde, où Plume de Pie faisait partie du camp, où ils ne rêvaient que d’êtres apprentis, où le Clan de l’Ombre était le plus puissant de la forêt et où Souffle de Sable était en vie.

C’est alors qu’elle avait ces pensées macabres que le chef et le lieutenant du Clan de l’Ombre quittèrent la tanière sous l’arbre-promontoire, d’abord Étoile de Tempête, puis Patte Flambante, en partie dissimulé dans l’ombre de son ancien mentor.

Pas de Renarde et Aile d’Ambre firent face à l’arbre-promontoire et regardèrent leur père bondirent dans ses branches, pendant que Patte Flambante s’installaient sur les racines du pins, échangeant à l’occasion un regard avec Aile d’Ambre.

- Que tout ceux qui sont en âge de chasser s’approchent du promontoire pour entendre mes paroles !

Les félins de l’Ombre n’attendaient que ça, et s’amassèrent autour de l’arbre aussi vite que des oiseaux charognards autour d’un cadavre. Aile d’Ambre et Pas de Renarde étaient déjà suffisamment proches, aussi elles ne bougèrent pas. La reine tricolore jeta un coup d’œil à ses enfants pour vérifier qu’ils ne chahutaient pas trop alors qu’Étoile de Tempête s’apprêtait à parler, mais à sa grande surprise, Petite Nacre et Petite Nacre avaient cessé leurs jeux et semblaient attendre avec impatience les paroles de leur grand-père.

Où est Petit Soleil ? se demanda Pas de Renarde. Elle fit le tour de la combe du regard et vit entre le corps de deux de ses camarades filer le pelage roux et blanc de son fils. Elle n’avait pas besoin de le voir se blottir contre les pattes de Griffe de Geai pour savoir que Petit Soleil allait voir le guerrier tigré, aussi se détourna-t-elle. Ces démonstrations d’affection entre Griffe de Geai et son « fils » la mettaient bien trop mal à l’aise.

- Ils sont mignons. lui chuchota Aile d’Ambre à l’oreille.

Pas de Renarde sursauta et se tourna vers sa sœur.

- Quoi ?

- Ce n’est pas eux que tu regardais ? s’étonna la chatte brune.

- Qui ?

- Griffe de Geai et Petit Soleil ! Regarde.

À contrecœur, Pas de Renarde tourna la tête vers eux en tentant de ne pas trop laisser transparaitre son malaise. Griffe de Geai léchait le front de Petit Soleil à grands coups de langue affectueux et le chaton roux envoya un coup de tête contre l’épaule de son père.

Elle tenta d’ignorer le fait que quand c’était elle qui voulait lui faire sa toilette, son fils se dérobait à chaque fois, et tourna la tête vers l’arbre-promontoire où, heureusement, Étoile de Tempête avait commencé à parler, lui épargnant la dure tâche de répondre à Aile d’Ambre.

- Vous le savez sans aucun doute, disait le meneur. Ce soir c’est la pleine lune, je sais ce que vous vous demandez, et ma réponse est non : nous n’irons pas à l’Assemblée. Ni à celle-là, ni à la suivante, et ainsi de suite jusqu’à ce que le Clan de l’Ombre soit de nouveau au mieux de sa forme ! Nous ne nous montreront pas affaiblis face à nos agresseurs.

Regardant ses camarades, Pas de Renarde vit que la grande majorité approuvait leur chef. Et elle-même était d’accord avec lui, même si elle n’y aurait de toute façon pas participé. Outre le côté humiliant d’apparaître faibles aux côtés des attaquants alliés contre eux, leur meneur devait surement craindre une esclandre due au ressentiment emmagasiné par l’un et l’autre camp.

- Et le Clan des Étoiles ? demanda alors Œil d’Ébène d’un air hésitant.

Le vétéran n’avait pas été épargné par la bataille et avait une longue balafre presque totalement cicatrisée qui lui traversait le flanc que l’on voyait bien malgré l’épaisse fourrure brune de son torse. Son regard vert sapin fit le tour de ses camarades, comme s’il se cherchait un soutien mais tous s’étaient déjà retournés vers Étoile de Tempête et attendait sa réaction.

- Je veux dire, continua Œil d’Ébène sans se démonter. Que… ils ont instauré cette règle dans le Code du Guerrier et…

- Je comprends. le coupa Étoile de Tempête. Et le Clan des Étoiles aussi comprendra que nous ne voulons pas accomplir la cérémonie du partage avec ceux qui ont tué tant des nôtres. Pour l’instant, le Clan de l’Ombre doit se centrer sur lui-même, pas s’ouvrir aux autres clans, nous devons panser nos plaies pour revenir encore plus fort qu’avant.

Œil d’Ébène hocha la tête, apparemment convaincu par les paroles de son chef et celui-ci, l’air satisfait, ordonna qu’on se remette à la reconstruction du clan à présent presque achevée, à la chasse, et à l’entraînement des apprentis.

Patte Flambante descendit des racines du pin et se dirigea vers les deux sœurs. Il s’assit à côté d’Aile d’Ambre et ils commencèrent à parler de tout et de rien. À son tour, Étoile de Tempête quitta l’arbre-promontoire, mais à la grande surprise de Pas de Renard, quand il vit ses filles il se dirigea vers elles.

- Salutations. leur lança en les rejoignant, et Pas de Renarde ne put s’empêcher d’être déçu par cette formule si impersonnelle.

- Salutation ! répondit Aile d’Ambre avec enthousiasme, et sa sœur l’imita.

- Vous allez bien ?

- Oui. répondit la chatte tricolore, gênée par cette attention soudaine.

- Et les chatons ? demanda Étoile de Tempête en regardant Petite Pomme et Petite Nacre devant la pouponnière, puis en tournant la tête pour observer Petit Soleil, toujours avec Griffe de Geai.

- Ils vont bien. répondit-elle. Au fait, j’aimerai te parler.

- Je t’écoute.

- Seuls, s’il te plaît…

Le meneur la dévisagea avec étonnement avant de lui faire signe de la suivre.

- Tout va bien ? demanda Aile d’Ambre à sa sœur, qui hocha la tête.

Pas de Renarde emboita le pas à son père, sentant sur elle les regards intrigués de Patte Flambante et Aile d’Ambre et percevant vaguement leurs murmures interrogateurs, elle se demanda qu’est-ce qui lui avait pris. Pendant un instant, elle avait voulu parler de la véritable ascendance de ses chatons à son père, mais à présent elle y repensait et sentait l’angoisse lui étreindre le cœur. Et s’il réagit mal ? Et s’il nous chasse du clan ? Qu’il l’annonce à tout le monde et qu’ils finissent écartés ?

Elle se glissa sous les racines de l’arbre-promontoire et s’assis en face d’Étoile de Tempête, droite comme un i.

- De quoi est-ce que tu voulais me parler ? lui demanda Étoile de Tempête.

Mais Pas de Renarde hésitait encore. Elle ouvrit la gueule, prête à poser une question sans importance pour se dérober, puis la referme et prit encore quelques secondes pour réfléchir. Lui-même a eu un fils avec une chatte d’un autre clan… il n’y a pas de raisons qu’il me chasse, et puis je suis sa fille.

- C’est… à-propos de mes chatons. se lança-t-elle.

Sans pouvoir se retenir, Pas de Renarde se donna un coup de langue nerveux sur l’épaule et balaya le sol de sa queue. Elle fixa encore quelques secondes le sol, observa le bout de la patte avant droite de son père qu’elle pouvait voir, puis, toujours sans le regarder, continua :

- Griffe de Geai… enfin, Griffe de Geai n’est pas leur père.

Elle attendit qu’Étoile de Tempête réagisse, mais il ne dit rien. Elle jeta un coup d’œil furtif vers son museau et vit qu’il la fixait. Il eut un petit mouvement de tête et ordonna :

- Continue.

- Leur père est… c’est Éclat de Grès, du Clan de la Rivière. Quand j’ai su.. quand j’ai su que j’attendais des petits, on a parlé et on était d’accord pour qu’ils grandissent ici, Griffe de Geai est au courant et il était d’accord.

Maintenant qu’elle avait avoué, Pas de Renarde n’arrivait plus à s’arrêter de parler, elle voulait absolument expliquer à son père les raisons de ses actes.

- Je suis désolée. acheva-t-elle. Je sais que je n’aurais pas dû et…

- Ne t’en fais pas, la coupa Étoile de Tempête. Je ne t’en veux pas, comment est-ce que je pourrais te blâmer de ça de toute façon ? J’ai gardé l’identité de ton frère secrète pendant des lunes sans en parler à personne, jusqu’à ce qu’il décide lui de rejoindre le clan.

- On… bredouilla Pas de Renarde. On est en guerre contre le Clan de la Rivière, ils nous ont attaqués.

- Ce n’est pas Éclat de Grès qui a pris cette décision, si ? Je comprends ce que tu ressens, mais je ne suis pas sûr que ce soit également de cas de tous nos camarades, alors n’en parle à personne, d’accord ? Et… ce sont tes chatons, mais évite de leur en parler tout de suite.

Pas de Renarde, d’abord rassurée par ces paroles et comprenant que son père ne lui en voulait pas et que personne ne serait au courant, le dévisagea en entendant ces dernières paroles. Pourquoi ? Comprenant qu’elle attendait une explication à son conseil Étoile de Tempête s’expliqua :

- Branche de Frêne a appris que j’étais son père quand il n’avait que deux lunes, il ne me l’a pas dit comme ça, mais je crois que ça lui a fait beaucoup de mal de me voir à chaque Assemblée, sans qu’il ne puisse venir me voir. Et encore, lui c’était différent, dés sa naissance il se sentait exclu de son clan car il pensait que son père était un chat domestique. Alors que tes chatons ont un père, et sont parfaitement intégré au clan.

- Je ne veux pas leur mentir… lâcha Pas de Renarde dans un souffle.

Le regard d’Étoile de Tempête se durcit, mais il semblait faire un effort pour se contrôler lorsqu’il lui répondit :

- Fais-le pour eux, ce ne sont que des chatons et si tu le leur dis maintenant ils n’arriveront pas à garder le secret, en parleront à leur mentor lorsqu’ils seront apprentis, et alors tout le clan sera au courant.

- Je devrais bien leur dire, un jour.

- Un jour, oui. Ou pas. Ça, ce sera à toi de voir. - D’accord. murmura la reine tricolore, même s’il savait déjà qu’un jour elle serait bien obligée de leur parler de leur père. Je vais y aller… ils vont s’inquiéter sinon.

Étoile de Tempête hocha la tête et Pas de Renarde se releva pour se diriger vers la sortie.

- Attends. la rappela son père, et elle s’arrêta net. Tu n’en as parlé à personne ?

Elle secoua la tête.

- Non.

- Même pas à ta ses sœurs ?

- Non, même pas à elles.

- D’accord, c’est bien, surtout n’en parle à personne.

Chapitre 4[]

Qu’est-ce qu’elle fait ? se demanda Griffe de Geai en sentant la panique lui étreindre le cœur. Pas de Renarde venait d’entrer dans la tanière d’Étoile de Tempête à la suite de son père, et elle avait le même air que si elle avait été sur le point de vomir… Est-ce qu’elle va tout lui dire ? songea le guerrier du Clan de l’Ombre en baissant des yeux remplis d’inquiétude sur Petit Soleil.

- Papa je peux monter sur ton dos ? demandait le chaton, qui n’avait rien remarqué.

- Non ! Moi ! protesta Petite Nacre.

Griffe de Geai ne l’avait même pas entendu arriver, sans doute à cause du bruit de l’Assemblée qui se dissolvait. Et il n’avait pas non plus entendu sa sœur, Petite Pomme, qui avait pourtant suivi son frère.

- Griffe de Geai, demanda la petite chatte blanche. Il a dit quoi Étoile de Tempête ?

- Tu n’as pas entendu ? lui répondit Petit Soleil à la place de son père. Il a dit que personne de notre clan n’irait à l’Assemblée !

- Pourquoi ? s’étonna Petite Nacre.

- À ton avis cervelle de souris ! cracha Petit Soleil. Parce que ce sont tous des meurtriers !

Son frère ne répondit rien et s’abima dans la contemplation du sol.

- Ce n’est pas tout à fait ça, intervint Griffe de Geai. Le Clan de l’Ombre est tout à fait capable de se défendre, le soir de la bataille nous avions été pris par surprise, et le soir de la pleine lune est une trêve de toute façon. Mais Étoile de Tempête ne veut pas nous montrer affaiblis face à nos attaquants. Et tout le monde n’aurait pas accepté de venir.

- Comment ça ? s’étonna Petite Nacre.

- Ils ont peur d’eux ? s’exclama son frère.

- Certains, peut-être.

- Toi aussi ? s’étonna le chaton au pelage roux et blanc.

- Non, ronronna Griffe de Geai. Pas moi, qu’un seul guerrier vous fasse du mal et je lui arrache la tête.

- C’est dégoutant ! protesta Petite Pomme.

- Je peux monter sur ton dos maintenant papa ?

- Tu ne perds pas le nord toi, n’est-ce pas ? demanda le guerrier tigré à Petit Soleil en se penchant vers lui.

- Qu’est-ce que ça veut dire ?

- Ça veut dire…

Griffe de Geai perçut alors du mouvement provenant de l’arbre-promontoire, et donc de la tanière d’Étoile de Tempête. Il se retourna vivement, terrifié à l’idée de voir le meneur en sortir, remonter dans l’arbre-promontoire et révéler à tous leur mensonge et surtout l’identité des trois chatons.

Mais ce n’était que Pas de Renarde, le guerrier s’apprêtait à foncer droit sur elle mais Petit Soleil le relança :

- Alors ? Ça veut dire quoi ?

- Je t’expliquerai, je reviens tout de suite, d’accord ?

- D’accord. marmonna le chaton roux et blanc avant de vite retrouver son enthousiasme et de se tourner vers son frère et sa sœur pour les défier d’arriver plus vite que lui de l’autre côté du camp.

Griffe de Geai se dépêcha ensuite de rejoindre Pas de Renarde avant que celle-ci n’atteigne Aile d’Ambre et Patte Flambante.

- Attends ! lui lança-t-il une fois qu’il fut juste derrière elle.

Elle se retourna et le dévisagea avec exaspération.

- Qu’est-ce que tu veux ?

- Tu lui as parlé des chatons ? attaqua-t-il immédiatement.

- Tu m’espionnes maintenant ?

- Non ! Je t’ai juste vu entrer dans la tanière d’Étoile de Tempête après l’Assemblée… Alors ?

- Oui. répondit-elle sèchement. Je lui ai dit la vérité.

Les pires craintes du guerrier se confirmèrent et la panique l’envahit. Même si cette possibilité était restée dans le coin de son esprit, il n’aurait jamais cru que Pas de Renarde allait réellement tout révéler à son père. Surtout après la bataille, et ce que leur avait fait le Clan de la Rivière.

- Tu n’aurais jamais dû faire ça ! feula-t-il, tentant de cacher sa panique sous de la fureur.

- Griffe de Geai… commença-t-elle mais il la coupa immédiatement.

- C’était une décision à prendre tous les deux !

Ses griffes étaient sorties et creusaient des entailles dans le sol, il jeta un bref coup d’œil vers les trois chatons qui couraient dans tout le camp, Petite Nacre en tête, suivi d’un Petit Soleil furieux et d’une Petite Pomme ennuyée un peu en retrait. Était-ce la dernière fois qu’il les voyait jouer avec autant d’insouciance ? Étoile de Tempête allait-il décider de tout dire au reste du clan ? Ou pire, de les bannir ?

- Griffe de Geai ! reprit Pas de Renarde, avec plus de force cette fois. Écoute-moi, tout va bien. Étoile de Tempête ne s’est pas énervé, il m’a juste dit de ne le dire à personne.

Le guerrier tigré étouffa un soupir de soulagement, mais presque aussitôt la colère revint à la charge et il gronda :

- Et qu’est-ce que tu aurais fait si ça n’avait pas été le cas ?

Pas de Renarde haussa les épaules, et sa désinvolture mit le guerrier de l’Ombre dans une rage plus grande encore.

- Tu n’es qu’une inconsciente ! siffla-t-il. Ils auraient pu être bannis, et nous avec ! Tu ne peux pas les mettre en danger juste pour soulager ta conscience, d’autant plus que le clan a besoin de guerriers avec ce qu’il s’est passé !

La chatte rousse, jusque-là plutôt calme, se crispa immédiatement et fusilla celui qui se faisait passer pour son compagnon du regard avant de chuchoter furieusement :

- Ce que tu oublies, c’est qu’ils ne seront peut-être jamais des guerriers du Clan de l’Ombre ! S’ils le souhaitent une fois adultes, ils rejoindront leur père.

- Je suis leur père ! protesta-t-il vivement.

Elle le dévisagea et Griffe de Geai réalisa que cette fois il était allé trop loin, Pas de Renarde n’était pas encore prête à accepter cette vérité. Elle se détourna et commença à s’éloigner.

- Attends, je suis désolé ! se força-t-il à dire.

- C’est ça. feula-t-elle sans s’arrêter, ni même se retourner.

Elle retourna auprès de sa sœur et de Patte Flambante qui regarda son frère d’un air curieux. Griffe de Geai évita son regard doré et s’éloigna à son tour, laissant la colère l’envahir à nouveau il s’assit dans un coin du clan et regarda un instant ses deux fils se battre, avant de laisser son regard dériver jusqu’à Pas de Renarde qui parlait à Aile d’Ambre. Il détourna les yeux, il espérait juste qu’elle ne serait pas idiote au point de tout révéler à sa sœur et au matou roux.

- Griffe de Geai !

Le matou tigré se retourna en entendant qu’on l’appelait et vit sa jeune sœur et apprentie Nuage de Groseille trottiner vers lui.

- On va s’entraîner ? demanda-t-elle avec enthousiasme.

- Si tu veux ! répondit son mentor, se disant qu’un entrainement lui ferait sans doute oublier la dispute avec Pas de Renarde, ou qu’elle lui changerait au minimum les idées pour quelques heures.

Le guerrier se releva et déclara :

- Combat ?

- Oui ! répondit-elle avec ardeur. Ça fait un temps fou qu’on n’en a pas fait !

Griffe de Geai acquiesça, c’était vrai, suite à la bataille, ils avaient tous les deux été très pris par la reconstruction du camp qui ne laissait que peu de place à l’entraînement. Et même une fois les réparations achevées, la priorité restait la chasse, car une bonne partie de leur camarade était encore blessés et incapables de chasser. Mais à présent, tout était revenu à la normal.

- Viens. dit-il à son apprentie en commençant à se diriger vers la sortie du camp.

Nuage de Groseille le suivit et se mit même à trottiner, sortant du camp avant lui. Elle tourna la tête vers Griffe de Geai qui lui dit d’un air amusé :

- Je suis toujours là.

La chatte rousse leva les yeux au ciel et recommença à marcher, la queue s’agitant dans l’air avec un mouvement de balancier.

- On va où ? demanda-t-elle.

Il réfléchit un instant avant de décider :

- Simplement dans la pinède, j’ai une idée d’entraînement. Éloignons-nous juste encore un peu, pour ne pas croiser toutes les patrouilles.

- D’accord ! lança Nuage de Groseille en accélérant encore un peu.

- Il n’y a pas le feu, tu sais !

Après encore quelques minutes de marche, ils atteignirent un coin de la pinède dans lequel leur camarade n’allait presque jamais. C’était un coin comme un autre de la pinède, mais c’est là que Griffe de Geai décida de s’asseoir, ramenant sa queue sur ses deux pattes avants. Nuage de Groseille lui tourna autour en le dévisageant. Au bout de quelques secondes sans que son mentor n’ai rient dit, elle demanda :

- Alors ?

- Alors quoi ? demanda Griffe de Geai avec un sourire amusé.

- On fait quoi par le Clan des Étoiles !

- Moi ? Rien. Je vais rester tranquillement ici, et fermer les yeux…

- D’accord, et moi ?

- Toi, tu t’éloignes un peu et tu essaies de t’approcher de moi sans que je ne t’entende arriver.

- Ce n’était pas si dur de m’expliquer ! s’exclama Nuage de Groseille. C’était vraiment nécessaire de me faire attendre aussi longtemps ? Surtout que ce n’est pas vraiment un entraînement au combat !

- J’aime soigner mes mises en scène. répliqua Griffe de Geai.

- Ça marche que quand on a du charisme. se moqua-t-elle, et son frère reteint à grand peine un éclat de rire. Et répond-moi, pourquoi tu m’as dit que c’était un entraînement au combat ?

- C’en est un, expliqua patiemment Griffe de Geai. Ça, ce n’est que la première étape. Une fois que tu seras capable de m’approcher sans te faire surprendre, on fera évoluer et on passera au combat. Allez, oust maintenant !

- Je vois. marmonna Nuage de Groseille sans protester davantage tout en disparaissant entre les pins.

Il ferma les yeux et déploya tous ses autres sens, il sentait le vent frôler ses moustaches, ses pattes dans la terre, l’odeur des pins et celle de son apprentie toujours présentes autour de lui, elle ne s’était pas éloignée depuis suffisamment longtemps pour avoir disparu. Il devait donc compter sur son autre sens : son ouïe. Il ouvrit grand les oreilles et entendit une branche craquer quelque part derrière lui.

- Je t’ai entendue ! lança-t-il.

Il entendit Nuage de Groseille pousser un juron qu’elle n’apprécierait sûrement pas qu’il répète à Flamme Cendrée, puis le son de ses pas diminua à nouveau, même s’il les entendait toujours.

- J’entends tes pas ! lança-t-il, toujours les yeux fermés, il faut que tu marches tout doucement, en effleurant à peine le sol.

- T’es malin toi ! riposta-t-elle. C’est facile à dire quand on a rien d’autre à faire qu’écouter !

Après ça il ne l’entendit plus, elle avait compris et marchait à pas de velours sur le sol de la pinède. Le matou tigré l’entendit frôler doucement un buisson :

- Je t’ai entendue ! lança-t-il une nouvelle fois. Encore ! Fais attention à ce qu’il y a autour de toi.

Nuage de Groseille ne répondit rien et à nouveau il ne l’entendit plus. Son cerveau commença alors à divaguer vers la récente dispute avec Pas de Renarde. Maintenant qu’il avait pris un peu plus de recul sur la situation, il sentait la colère enfler en lui, et sa queue tressaillit sur le sol. Il en avait assez. Assez qu’elle le traite comme un être odieux et manipulateur alors que c’était lui qui lui avait sauvé la mise en devenant le père officiel de Petit Soleil, Petite Pomme et Petite Nacre. Elle ne peut s’en prendre qu’à elle-même ! enragea-t-il. Elle n’avait qu’à rien me demander et se débrouiller toute seule comme une grande. Mais maintenant qu’elle lui avait fait cette demande et qu’il avait accepté, il avait bien son mot à dire dans sa décision de tout révéler à Étoile de Tempête, car ça aurait pu avoir des répercussions sur lui aussi ! Ce sera qui, le prochain dans la confidence ? songea-t-il en réprimant un grondement. Les chatons eux-mêmes ? Elle en serait bien capable...

- Je t’ai eu ! s’exclama Nuage de Groseille en posant sa truffe contre le flanc de son mentor.

Griffe de Geai tressaillit vivement et ouvrit brutalement les yeux. Perdu dans ses pensées, il avait complètement oublié où il se trouvait, et qu’il était en plein entrainement.

- Tu ne m’as même pas entendue arriver ! se vanta l’apprentie avec un grand sourire et des yeux brillants.

- C’est vrai. marmonna son frère.

- Alors on passe au vrai combat ?

- Pas encore : on va d’abord vérifier si tu peux recommencer !

- Évidemment ! s’exclama la petite femelle rousse avant de trottiner et de se glisser entre deux pins.

Griffe de Geai referma les yeux et chassa loin de son esprit ses chatons et Pas de Renarde, bien décidé à être le plus concentré possible et à ne plus laisser sa petite sœur gagner aussi facilement…

Chapitre 5[]

La deuxième aube ayant suivie celle de la pleine lune, Patte Flambante était assis non loin du tas de gibier du camp du Clan de l’Ombre et organisait les patrouilles de chasse de la journée quand Rose Blanche l’interpella, quelque part derrière son épaule.

- Patte Flambante !

Il se tourna vers elle et lui lança :

- Salutations Rose Blanche !

- Salutations, marmonna-t-elle en réponse.

Elle semblait sur le point d’ajouter quelque chose mais Patte Flambante lui fit signe d’attendre un instant d’un mouvement de queue, ce qui sembla l’agacer. Le lieutenant du Clan de l’Ombre se retourna vers ses camarades assemblés autour de lui et se hâta de finir la dernière patrouille de chasse :

- Œil d’Ébène, va trouver Croc de Blaireau et Fleur de Myosotis et allez chasser vers le nid de bipèdes abandonné. Tornade de Glace, tu peux prendre Nuage de Buisson, Moustache de Brume et Pelage Bleu avec toi et allez chasser derrière le camp.

Le guerrier brun à la queue rousse, dont la blessure en travers du torse était à présent complètement guérie hocha la tête avant de s’éloigner à la recherche de ses deux camarades. La chatte grise et blanche hocha également la tête et fit de même.

Enfin, après s’être assuré qu’il n’avait rien oublié, Patte Flambante se tourna vers Rose Blanche et put voir que la guérisseuse le fixait avec agacement, lui reprochant sans doute le temps d’attente.

- Excuse-moi. lui dit-il. Il y a un problème ?

- Non, bougonna-t-elle. Mais Nuage de Marais est guéri, il peut retourner s’entraîner.

- C’est vrai ? s’exclama le lieutenant avec enthousiasme.

- Bien sûr. répliqua Rose Blanche. Il t’attend même, et il est insupportable.

Sur ce, elle tourna les talons et le matou roux lui emboita le pas avant d’accélérer un peu pour se mettre à sa hauteur. Arrivée devant la tanière des guérisseurs, la chatte blanche s’écarta pour laisser son camarade entrer, ce qu’il fit. À présent la tanière était presque vide, tous les blessés de la bataille étant guéris. Ou mort. Il chassa immédiatement cette pensée désagréable de son esprit.

- Salutations Patte Flambante ! lui lança Nuage d’Orage, de l’autre côté de la tanière, et le lieutenant lui répondit d’un signe de tête aimable.

Le jeune félin gris retourna alors à sa tâche : il appliquait avec soins un cataplasme sur la moitié droite du visage de Bourrasque Azurée, le côté où son œil avait été violemment arraché lors de la bataille. Chaque fois que la guerrière se raidissaient, Nuage d’Orage grimaçait et s’excusait, s’attirant un sourire de Bourrasque Azurée qui semblait vouloir lui dire de ne pas s’inquiéter pour elle.

- Patte Flambante !

Le matou roux sombre se tourna enfin vers celui qu’il était venu voir, et son frère cadet se précipita sur lui les yeux brillants et l’air plein enthousiasme.

- Nuage de Marais ! répondit-il. Tu vas bien ?

- Ça fait des lunes que je vais bien ! répliqua le matou brun en bombant le torse avec arrogance.

Patte Flambante leva les yeux haut vers le ciel, ce qui fit rire Nuage de Marais.

- On y va ? On va s’entraîner ? demanda l’apprenti d’un ton surexcité.

- Évidemment ! Sors, je te rejoins.

Sans attendre davantage, le novice se précipita au-dehors, et son mentor s’approcha de la guérisseuse qui s’était mis à trier des remèdes pour lui demander :

- Est-ce qu’il y a des mouvements à éviter pour que ses blessures ne se rouvrent pas ?

- Non, répondit Rose Blanche en se tournant vers lui. J’ai attendu qu’il soit complètement guéri. Nuage d’Orage fait attention avec ça !

Le matou gris fit un bond en arrière et tourna de grands yeux inquiets vers la guérisseuse qui avait contourné Patte Flambante pour se diriger vers lui.

- Tu vas lui faire mal.

- Il ne me fait pas mal ! protesta Bourrasque Azurée. Ne t’inquiète pas Rose Blanche.

Le bout de la queue de la guérisseuse s’agita légèrement, signe de son agacement, et malgré les paroles de la guerrière ordonna à Nuage d’Orage de s’occuper des remèdes à sa place. Elle reprit ensuite le cataplasme à la place de son apprenti et s’occupa de Bourrasque Azurée. Patte Flambante vit Nuage d’Orage s’approcher des remèdes d’un air tout penaud, puis Nuage de Marais l’appela depuis l’extérieur :

- Tu viens Patte Flambante ?

Le lieutenant du Clan de l’Ombre quitta finalement la tanière des guérisseurs et retrouva la chaleur tempérée et agréable de la combe. Après sa visite à son apprenti quelques jours seulement après la bataille, il était rassuré d’enfin le voir quitter cette tanière. Il n’en avait rien montré mais les paroles du jeune chat brun l’avait marqué ce jour-là, et il avait lui aussi commencé à se demander si l’antre des guérisseurs était un lien si sûr que ça, après les morts successives d’Aile de Neige, Plume de Pierre et Aile de Papillon.

- Qu’est-ce qu’on va faire ? lui demanda Nuage de Marais avec de l’impatience dans la voix.

- Je ne sais pas encore, peut-être…

- Ah Nuage de Marais ! Tu es sorti de la tanière des guérisseurs ! Tu es guéri ?

Patte Flambante se tourna vers Aile d’Ambre et lui sourit, alors que son apprenti répondait par l’affirmative avec toujours autant d’enthousiasme dans la voix.

- Vous allez à l’entraînement ? demanda la chatte tigrée.

- Oui, répondit Patte Flambante. Tu veux venir ? Avec Nuage de Bouvreuil ?

- Oh oui s’il te plaît ! renchérit Nuage de Marais dés qu’il entendit évoquer son frère.

- C’est d’accord alors, ronronna la guerrière en regardant le jeune apprenti avec affection. Allons le chercher, il doit sans doute encore dormir.

Les trois félins de l’Ombre se dirigèrent donc vers la tanière des apprentis, mais alors qu’ils arrivaient vers le milieu du camp, une petite voix s’exclama :

- Attention !

Le matou au pelage roux sombre manqua de trébucher sur Petit Soleil et Petite Nacre qui passaient par-là, et faillait s’étaler sur le sol.

- Désolée ! lui lança Petite Pomme, assise à côté de ses frères et qui venait de se lever.

- Euh… il y a pas de mal ? marmonna le lieutenant.

Il parcourut les alentours du regard, à la recherche de Pas de Renard et Griffe de Geai, mais les parents des trois chatons n’étaient nulle part en vue.

- Vous jouez à quoi ? leur demanda Aile d’Ambre d’un air amical et complice, la tête inclinée sur le côté et avec une véritable curiosité dans la voix.

- À rien, répondit Petite Nacre.

- On s’ennuie. renchérit Petit Soleil.

- Pas de Renarde n’est pas là ? s’étonna la guerrière brune.

- Non, expliqua Petite Pomme. Elle est sortie chasser.

- Et Griffe de Geai est en patrouille ! ajouta Petit Soleil.

- Tu veux jouer avec nous ? demanda Petite Pomme.

- On allait aller s’entraîner, expliqua Aile d’Ambre d’un air véritablement désolée.

- Entraîne-toi avec nous ! répliqua Petit Soleil.

- Un tout petit peu ! renchérit Petite Nacre.

- Bon d’accord. céda la femelle dans un ronronnement. Qu’est-ce que vous voulez faire ?

- On va attraper ta queue ! s’exclama Petit Soleil en bondissant justement vers la queue de la guerrière.

Juste avant que le jeune chat roux et blanc n’atterrisse, Aile d’Ambre décala sa queue d’une longueur de moustache vers la gauche, et les pattes du chaton se refermèrent sur du vide. Petite Nacre s’y mit également, et bondit, juste en même temps que son frère et les deux mâles se percutèrent de plein fouet. Petite Pomme se mit à ronronner, en même temps que sa tante et que son oncle. Les deux petits mâles relevèrent des yeux agacés vers eux avant se tourner l’un vers l’autre en se fusillant du regard.

- C’est ta faute ! s’exclama Petit Soleil.

- Pas du tout ! protesta Petite Nacre. Tu avais déjà essayé, tu avais raté, c’était à moi !

- J’avais pas fini !

- Je m’en moque !

- Arrête de rigoler toi ! lança Petit Soleil en changeant de cible pour sa sœur qui redoubla d’hilarité en l’entendant.

Le chaton roux et blanc se hérissa et s’avança vers sa sœur d’un air menaçant et Petite Pomme le dévisagea de ses grands yeux vert vif et toujours aussi amusés.

- Ne vous disputez pas ! intervint Aile d’Ambre, et elle agita la queue pour attirer l’attention des chatons vers elle. Allez, réessayez !

- C’est à moi. déclara Petit Soleil d’un ton catégorique en se tournant vers la chatte tigrée.

- Pas du tout, c’est à Petite Pomme ! intervint Petite Nacre.

- Je n’ai pas envie. répondit la petite chatte blanche avec un haussement d’épaule.

D’un air satisfait et légèrement supérieur qui rappelait Griffe de Geai à Patte Flambante, le matou roux et blanc bondit à nouveau, et rata une nouvelle fois, s’attirant le rire de sa sœur.

- Arrête de te moquer de moi ! s’exclama Petit Soleil.

- Je ne me moque pas, je trouve ça drôle c’est tout. répondit la petite chatte d’un air tout à fait sincère.

Voyant le chaton gronder doucement, Patte Flambante songea une nouvelle fois à son frère, et se posa à nouveau une question qu’il s’était déjà posé plusieurs fois depuis la naissance des chatons : Est-ce que leurs yeux bleus leur viennent réellement de Griffe de Geai ? Certes ils étaient bien bleus, comme ceux de leur père, mais d’un bleu plus clair, plus pur en quelques sortes. Des yeux bleus comme le ciel, alors que ceux du guerrier tigré étaient légèrement plus foncés et moins éclatants. C’est forcement de lui, personne n’a les yeux bleus dans la famille de Pas de Renarde, à part peut-être Plume de Pierre, mais il n’était que son oncle.

- Bon, on y va ? demanda Nuage de Marais dont la patience avait apparemment atteint ses limites.

- Oui bien sûr ! s’exclama Aile d’Ambre en se redressant, s’attirant des miaulements de protestation de la part des chatons.

- Tu reviendras ? s’inquièta Petite Pomme.

- Un autre jour. leur promit Aile d’Ambre.

- Tu joueras avec nous ? demanda Petit Soleil.

- Évidemment.

- Qu’est-ce qu’on va faire maintenant ? marmonna le chaton roux et blanc. Il n’y a personne pour nous raconter d’histoires !

- Et Neige Sombre ? s’étonna Patte Flambante.

- On a déjà demandé ! répondit Petite Nacre. Il nous a dit qu’il n’en connaissait pas.

- Et bien… commença Aile d’Ambre. Inventez vos propres histoires.

- Comment ça ? demandèrent les trois chatons en cœur.

- Si Griffe Tigrée pouvait raconter des histoires, alors vous aussi ! Faites chacun votre tour. Petite Nacre, tu commences !

- Pourquoi moi ? marmonna-t-il.

- Je vais chercher Nuage de Bouvreuil ! s’exclama Nuage de Marais, sans doute en partie pour rappeler sa présence aux deux adultes.

- On te rejoint tout de suite ! lui lança Patte Flambante alors que le chaton brun s’éloignait au petit trot.

- Il faut bien commencer quelque part, expliqua Aile d’Ambre. Allez, à bientôt ! Et quand je reviendrai, vous me raconterez vos histoires.

Sans leur laisser le temps d’une nouvelle fois la supplier de rester, la guerrière au pelage brun tigré suivit les traces de Nuage de Marais vers la tanière des apprentis. Patte Flambante lui emboita le pas à son tour et Aile d’Ambre lui souffla à l’oreille :

- Je les adore !

- Moi aussi. affirma-t-il.

- Ils sont adorables, tu ne trouves pas ?

- Si, bien sûr !

- Et leurs noms sont magnifiques, Pas de Renarde et Griffe de Geai ont bien choisi.

Le lieutenant de l’Ombre acquiesça pour la troisième avant de fixer son regard vers l’antre des novices. Il vit Nuage de Marais en sortir, suivi pas un Nuage de Bouvreuil à l’air ensommeillée, malgré la matinée déjà avancée.

- On va où ? demanda Nuage de Bouvreuil avec un large bâillement.

- Je ne sais pas, réalisa Aile d’Ambre en se tournant vers son camarade au pelage écarlate pour lui demander :

- Tu comptais allez où ?

- Je ne savais pas, avoua-t-il avec un petit haussement d’épaule. Peut-être au Grand Pin, je crois que personne ne chasse là-bas.

- Très bonne idée ! s’exclama Aile d’Ambre. Allez ! Tous au Grand Pin !

Chapitre 6[]

Éclat de Grès est en chacun d’entre eux. songeait Pas de Renarde en observant les trois jeunes félins. Énergiques, intelligents et courageux. Les deux frères roulaient dans la terre alors que leur sœur les encourageait, debout en criant, se toutes ses forces semblait-il. C’était peut-être celle qui ressemblait le moins à son père, avec ses yeux verts et son pelage blanc. Mais il y a tout de même la forme du museau. se dit Pas de Renarde. De leurs côtés ses frères avaient tous deux les mêmes magnifiques yeux que leur père, et Petite Nacre partageait une ressemblance troublante avec son père, que ce soit la carrure et même la couleur du pelage.

Assis à côté d’elle, elle sentit Griffe de Geai s’agiter, comme s’il avait perçu ses pensées. Il n’avait plus abordé le sujet de leur dispute, datant maintenant d’il y avait environ un quart de lune. Et c’était sans aucun doute bien mieux ainsi. Pourquoi se disputer au sujet de quelque chose qui n’avait finalement eut aucunes conséquences ? Étoile de Tempête n’en avait pas parler au reste du clan, et avait lui-même dit n’avoir aucune intention de le faire. Alors il était inutile de se faire des nœuds au cerveau. Elle était bien contente que Griffe de Geai l’ait compris.

Le nom de Griffe de Geai, prononcé par l’un des deux chatons exactement au même moment où elle y pensait aussi la fit se redresser. Elle se tourna vers l’interpellé, s’attendant à le voir se lever et demander ce qu’il se passait. Pourtant, rien, on n’aurait dit que le matou gris ne se sentait tout simplement pas concerné. Voyant cela, la fille du meneur se mit à observer plus attentivement le jeu occupant le trio de chatons.

- Tu vas regretter d’avoir attaqué mon clan, Éclat de Grès ! s’exclamait Petit Soleil, le pelage hérissé et tournant, comme un faucon dominant sa proie, autour de Petite Nacre, lequel redressa la tête et dressa haut sa queue blanche, comme s’il avait voulu paraître plus grand qu’il ne l’était.

- Je vais tuer tes chatons et tout le reste de ton clan, tu ne pourras rien y faire Griffe de Geai ! s’exclama le chaton doré en adoptant une voix grave de chat bien plus âgé.

Petit Soleil poussa alors un grondement sourd et fouetta l’air de la queue, il retroussa les babines, découvrant ainsi une rangée de ses petits crocs de chatons.

- Non ! cracha-t-il. C’est moi qui vais t’égorger sale bouffeur de poissons !

Pas de Renarde sentit son cœur se serrer, elle avait compris. Quand elle vit Petit Soleil fléchir ses pattes arrière et réalisa qu’il s’apprêtait à bondir, elle fit mine de se lever. Exactement au même moment, Petite Pomme lançait un encouragement à son frère roux et blanc : « Allez Petit Sol… euh Griffe de Geai ! ».

Le guerrier interrompit le geste de Pas de Renarde et elle se tourna vers lui, surprise.

- Arrête, ce ne sont que des jeux de chatons innocents.

Sidéré, elle resta pantoise quelques secondes puis riposta dans un sifflement le moins audible possible :

- Ça t’arrange bien ! Ils te font passer pour un héros !

Elle se détacha de lui et se dirigea d’un pas volontaire vers les trois chatons. Elle sentit Griffe de Geai la suivre quelques pas en arrière. Elle ne l’en empêcha pas et fit comme si elle ne l’avait pas vu, ou plutôt comme s’il n’existait tout simplement pas.

- Assez, Petit Soleil ! lança-t-elle d’un ton péremptoire à celui qui imitait Griffe de Geai.

Le petit mâle roux et blanc se redressa et tourna de grands yeux étonnés vers sa mère qui le fixait d’un air sévère. Elle vit les yeux du chaton se diriger un instant vers Griffe de Geai, debout derrière l’épaule de la reine, mais Pas de Renarde lui ordonna :

- Regarde-moi ! C’est moi qui te parle.

Petite Nacre laissa également retomber sa queue et fit quelque pas hésitant vers Pas de Renarde, son frère et son père adoptif.

- Quoi ? finit par dire Petit Soleil, la voix remplie d’un réel étonnement.

- Qu’est-ce qu’il a fait ? demanda Petite Pomme en s’approchant également.

- Ce n’est pas un bon jeu, expliqua Pas de Renarde en fusillant ses chatons, et particulièrement les deux mâles, du regard, je ne…

- Pourquoi ? la coupa Petit Soleil dans une exclamation pleine de colère et d’un flagrant sentiment d’injustice.

- Ne m’interromps pas, lui jeta-t-elle en tentant d’insuffler le plus de sévérité possible à sa voix. Je ne veux pas que vous jouiez à ça, c’est…

Elle hésita, cherchant ses mots.

- C’est un jeu cruel.

- Mais pourquoi ! protesta à nouveau le chaton roux et blanc. Ce n’est que la vérité ! Le Clan de la Rivière nous a attaqués, c’est vrai, non ? Éclat de Grès a voulu nous tuer et Griffe de Geai nous a sauvés !

- Tais-toi ! aboya Pas de Renarde, tout son corps tendu à l’extrême et les griffes enfoncées profondément dans le sol. Tais-toi, tu ne sais pas de quoi tu parles !

- Si, je sais ! J’étais là figure-toi !

- Tu es puni ! répliqua-t-elle dans un grondement furieux. Retourne immédiatement à la pouponnière.

Petit Soleil dévisagea sa mère, le regard rempli d’incompréhension. Derrière lui, Petite Nacre et Petite Pomme se tenaient collés l’un contre l’autre, le premier fixait obstinément le sol alors que la deuxième relevait la tête pour miauler doucement :

- Pas de Renarde je ne comprends pas… qu’est-ce qu’il a fait de mal ?

Pas de Renarde hésita à nouveau, elle aurait tellement aimé tout leur dire, mais les avertissements d’Étoile de Tempête lui revinrent en mémoire et elle secoua imperceptiblement la tête avant d’à nouveau baisser la tête vers Petit Soleil et de lui ordonner d’un ton inflexible :

- Je t’ai dit de retourner à la pouponnière.

Petit Soleil recula, tremblant légèrement sans que sa mère ne puisse savoir si c’était de peur ou de colère. Les deux possibilités lui brisaient le cœur et lui donnait envie de prendre le chaton contre elle et de tout lui pardonner. Mais elle ne pouvait tout de même pas le laisser s’enfoncer dans ses croyances erronées à ce point…

Le chaton leva la tête et elle crut qu’il allait la regarder, pourtant son regard se fixa derrière elle et le chaton se mit à courir, lui passant devant pour aller se réfugier contre Griffe de Geai. Pas de Renarde se tourna vers le matou tigré et lui lança un regard plus noir qu’une nuit sans lune, découvrant légèrement les crocs. Le guerrier, cependant, ne se laissa pas impressionner et soutint le regard de la reine tricolore, ses deux pattes entouraient Petit Soleil comme un barrière protectrice.

- Griffe de Geai, lâcha-t-elle.

Le matou du Clan de l’Ombre ne bougea pas d’un poil de souris, et Pas de Renarde eut même l’impression d’apercevoir un éclat de défi dans son regard et de voir sa gueule se tordre en un rictus narquois.

- Il n’a rien fait de mal. finit par déclarer le matou gris, et Petit Soleil redressa la tête d’un air triomphal.

Pas de Renarde poussa un sifflement incontrôlé qui jaillit de sa gorge comme une giclée d’acide et rejeta la tête vers le ciel, fixant la sphère lumineuse et aveuglante du soleil qui lui fit un instant oublier tout le reste. En rebaissant la tête, elle vit que Petite Pomme et Petite Nacre l’avait contournée, pour à présent se tenir pile entre leur mère et leur père. La petite chatte blanche au pelage moucheté de noir demanda à sa mère dans un murmure :

- Pas de Renarde ? Ça va ?

La reine baissa la tête vers elle et secoua nerveusement la tête. Elle regarda un instant Petite Nacre, qui ne disait toujours rien et faisait du regard le va-et-vient entre elle et Griffe de Geai. Petit Soleil, quant à lui, avait levé deux grands yeux remplis d’admiration vers son soi-disant père et le fixait comme si c’était le plus grand guerrier que le lac ait connu, ainsi que le félin le plus incroyable, le plus brave et surtout, le plus juste.

- Je suis ta mère ! lui lança Pas de Renarde, tu dois m’écouter !

Le chaton ne lui répondit rien et fixa Griffe de Geai comme s’il attendant que le guerrier réponde à sa place. Je suis ta mère ! aurait voulu lui hurler de nouveau Pas de Renarde. Je suis ta mère alors que lui n’est pas ton père ! Clan des Étoiles, je t’en supplie fais quelque chose.

Mais apparemment, le Clan des Étoiles ne savait pas non plus comment faire, ou alors il la punissant de son infraction au Code du Guerrier. C’était peut-être un peu des deux. Je voulais juste que mes chatons aient une enfance normale… songea la reine avec désespoir. C’était raté.

- Pas de Renarde… commença Griffe de Geai.

- Non ! aboya-t-elle. Tais-toi, je ne veux pas t’attendre, je ne veux pas te parler !

Elle fit volte-face et traversa la combe en marchant le plus vite qu’elle le pouvait, en essayant toute fois de ne pas se mettre à courir. Mais quand elle entendit Petite Pomme commencer à courir derrière elle et lui lancer :

- Pas de Renarde attends ! Pas de Renarde !

Elle ne tint plus, et, loin de s’arrêter, redoubla de vitesse, se mettant à trotter, puis à courir. Lancée à toute vitesse, Pas de Renarde dépassa en un instant la barrière de ronce entourant le camp et s’enfonça à toute vitesse dans la forêt de pins aux épines jaunies par la saison des feuilles vertes.

Chapitre 7[]

- Pas de Renarde ! appela une dernière fois Petite Pomme avant de s’arrêter juste avant d’entrer dans le tunnel de ronce.

La petite chatte blanche, ses petites oreilles plaquées contre son crâne, tourna ses deux grands yeux verts emplis de tristesse vers son père qui s’était levé et se dirigeait à présent vers elle. Il était suivi par les deux frères de la petite chatte. Petite Pomme rebroussa chemin vers son père, tête et queue basse, dans une position qui fendit le cœur du guerrier. Une fois à sa hauteur, il baissa la tête vers elle et lui lécha doucement le front, espérant la rassurer.

- Elle est partie… ! murmura Petite Pomme d’un air désespéré en jetant un nouveau regard vers l’entrée du camp, comme s’il elle espérait voir Pas de Renarde la franchir et venir la rassurer.

- Elle va revenir, ne t’en fais pas. lui assura Griffe de Geai en regardant lui aussi l’entrée du camp.

- Pourquoi… hésita Petite Nacre derrière-lui, et le matou tigré tourna la tête vers le chaton. Pourquoi est-ce qu’elle s’est énervée ?

- Parce qu’elle est méchante ! répliqua Petit Soleil à la place de son père.

- Mais non, répondit gentiment Griffe de Geai en caressant du bout de la queue le flanc de son fils. Ce n’est pas vrai, tu le sais.

Le chaton roux et blanc haussa les épaules, comme s’il n’était pas convaincu du tout, et son frère leva ses grands yeux bleus vers le guerrier tigré, il attendait toujours une réponse à sa question.

- Elle pensait sûrement que ce jeu était trop violent pour vous. expliqua le guerrier de l’Ombre, avant de préciser pour donner plus de crédibilités à sa réponse. Elle ne veut pas que vous repensiez à la bataille, elle pense que vous n’auriez jamais dû y assister.

- Je n’ai pas eu peur ! protesta Petit Soleil.

Griffe de Geai leva ostensiblement les yeux au ciel et le chaton se renfrogna. Petite Pomme renifla de nouveau, toujours en regardant l’entrée du camp et le guerrier de l’Ombre la rapprocha de lui et la serra contre son torse. Il jeta ensuite un coup d’œil au ciel, le soleil était à son zénith.

- Vous avez faim ? demanda-t-il, espérant ainsi leur changer les idées le temps que Pas de Renarde revienne.

Petit Soleil hocha la tête avec enthousiasme et commença immédiatement à se diriger vers le tas de gibier, après une hésitation, Petite Nacre le suivit.

- Tu n’y vas pas, Petite Pomme ? lui demanda doucement Griffe de Geai à l’oreille.

Elle secoua la tête, le museau toujours enfouit dans le pelage du matou gris.

- Pourquoi ? Tu n’as pas faim ?

- Non… répondit-elle en s’arrachant à la fourrure grise pour se tourner pour la énième fois vers le tunnel de ronce. Je veux Pas de Renarde…

- Elle va revenir, je te le promets. répéta Griffe de Geai.

- Quand ?

- Et bien… hésita-t-il. Quand elle se sentira mieux, je suis sûr que ce ne sera pas long.

- Vous vous êtes disputés ? Vous êtes fâchés l’un contre l’autre ?

- Mais non, arrête de t’en faire.

- Pourquoi est-ce qu’elle t’a dit de te taire si elle n’était pas en colère.

Griffe de Geai retint à grand-peine une grimace.

- Elle s’est énervée, c’est tout. Elle ne le pensait pas.

- Papa ! appela alors Petit Soleil depuis le tas de gibier. Petite Pomme ! Vous venez ?

Le jeune mâle roux et blanc s’était trouvé une souris, qu’il partageait avec son frère et fixait avec impatience sa sœur et son père qui se faisaient attendre.

- On arrive ! lui répondit Griffe de Geai avant de rebaisser la tête vers Petite Pomme.

- Allez, viens. On va te prendre quelque chose sur le tas de gibier ! Tu ne voudrais pas gouter un merle ? C’est Nuage de Groseille qui l’a attrapé ce matin, et personne ne l’a encore pris.

- J’ai déjà gouté un merle… marmonna Petite Pomme.

- Et tu n’as pas aimé ?

- Si…

- Alors viens !

À contrecœur semblait-il, la jeune chatte constellée de petites taches noires suivit néanmoins le matou gris tigré jusqu’au tas de gibier. Ce fut seulement à ce moment là, alors qu’il traversait le camp, que Griffe de Geai sentit tous les regards qui pesaient sur lui. Sa dispute avec Pas de Renarde et la fuite de celle-ci hors du camp n’avaient pas échappé à ses camarades, qui à présent le dévisageaient. Certains avec une certaine discrétion et pudeur, d’autres sans la moindre gène.

Le guerrier de l’Ombre fit de son mieux pour passer outre ces regards, et continua sa route jusqu’au centre du camp. Une fois au pied de la pile de gibier, il chercha du regard l’oiseau au plumage noir attrapé un peu plus tôt dans la journée par sa sœur et le tira du tas de gibier avant de le laisser tomber à côté de sa fille. Elle le regarda avec hésitation, et il l’encouragea d’un petit signe de tête. Alors elle se baissa et mordit dans la chair de l’oiseau, mâchant doucement la viande et manquant d’éternuer à cause des plumes qui lui chatouillaient la truffe.

- C’est quoi comme oiseau ? demanda Petite Nacre.

- Un merle ! s’exclama Petit Soleil. On en a mangé il y a quelques aubes à peine ! Comment t’as pu oublier aussi vite ?

Petite Nacre leva les yeux au ciel en répondant :

- Je préfère me souvenir de choses plus importantes.

- On a le droit d’avoir un exemple ? demanda Petit Soleil d’un ton ironique.

Son frère ne répondit rien mais attarda quelques secondes son regard bleu sur la sortie du camp, avant de secouer la tête, comme s’il avait un tic nerveux, et de se tourner à nouveau vers la souris déjà à moitié entamée.

- Tu aimes ? demanda Griffe de Geai à Petite Pomme qui venait d’avaler une nouvelle bouchée de viande de merle.

Elle hocha la tête, et il sembla à son père qu’elle allait déjà un peu mieux. Il se pencha à son tour pour prendre une bouchée de l’oiseau et recracha les quelques plumes qu’il avait failli avaler par inadvertance. Alors qu’il se redressait, il entendit des pas derrière lui et sentit l’odeur de Patte Flambante. Il se retourna un instant à peine avant que son frère ne lui adresse la parole.

- Il y a un problème ? demanda le lieutenant en laissant son regard aller et venir entre son frère, ses neveux et sa nièce.

- Pas du tout. répliqua Griffe de Geai sans aucune hésitation.

- J’ai vu Pas de Renarde quitter le camp. lui signala le lieutenant.

Le matou gris le fusilla du regard. ^De quoi il se mêle encore ! Ce n’est pas parce qu’il est lieutenant que tout ce qui se passe au camp le concerne !^

- Puisque je te dis que tout va bien ! feula-t-il. Tu n’as pas des patrouilles à organiser ?

Patte Flambante fouetta l’air de la queue avec agacement et se détourna de son frère, s’éloignant à grand pas.

- Qu’est-ce qu’il voulait ? demanda Petit Soleil.

- Rien, répliqua son père avec brusquerie.

Tout en parlant, il avait jeté un nouveau coup d’œil vers la sortie du camp, il n’y avait toujours aucune trace de Pas de Renarde…


L’après-midi passa, et bientôt se fut la nuit, sans que Pas de Renarde ne soit rentrée. Griffe de Geai emmena les chatons à la pouponnière et leur amena deux souris pour leur diner.

- Elle est où Pas de Renarde ? lui demanda une nouvelle fois Petite Pomme.

- Je ne sais pas. répliqua Griffe de Geai qui commençait à être réellement agacé par cette question mille fois répétées.

Intimidée, Petite Pomme baissa la tête et se roula en boule dans le nid déserté par sa mère, bientôt rejointe par Petite Nacre, puis par Petit Soleil qui poussa un profond bâillement avant de poser son museau sur sa queue et de laisser ses paupières se fermer.

Griffe de Geai resta dans la pouponnière le temps que les deux autres s’endorment, ne pouvant se résoudre à les laisser s’endormir tout seul dans la tanière vide. Lui-même se souvenait que lorsqu’il avait deux lunes, Flamme Cendrée avait attrapé le mal vert, et lui et son frère étaient restés seuls dans la pouponnière. Et encore, Plume de Pie s’occupait un peu d’eux, et il y avait d’autres chatons, alors que Petite Nacre, Petite Pomme et Petit Soleil étaient les seuls chatons du clan.

Le guerrier commença néanmoins à piquer du nez, ses yeux le picotaient de fatigue. Il fallait qu’il dorme, le lendemain matin, il était de patrouille de chasse.

Il ne savait pas combien de temps il avait dormi, mais quand il s’éveilla dans la pouponnière, la nuit était totale au-dehors. Le guerrier se glissa silencieusement au-dehors pour ne pas réveiller les trois chatons toujours endormis.

Le camp était complètement désert, il se dit que la patrouille de minuit avait dû quitter le camp un peu plus tôt. Un léger vent, bien plus frais que celui qui avait soufflé toute la journée, agitait légèrement le pelage du guerrier.

Décidé à aller se coucher, persuadé que les chatons ne se réveilleraient pas avant le lendemain matin, Griffe de Geai fit quelques pas vers la tanière des guerriers avant de s’arrêter, il avait entendu du bruit vers l’entrée du camp. Il se tourna vers le tunnel de ronce et vit Truffe de Musaraigne, de guet ce soir-là, échanger quelques mots avec Pas de Renarde.

Aussitôt qu’il la vit, le guerrier tigré se redressa. La reine tricolore tourna la tête vers lui en l’entendant, et il vit son visage se fermer. Elle se dirigea vers la pouponnière en détournant le regard de lui, mais Griffe de Geai vint se planter juste devant elle.

- Tu vas bien ? Où étais-tu ? Je me suis inquiété, les chatons aussi !

Le museau de Pas de Renarde se tordit dans un rictus moqueur et elle lui lança un regard torve en tournant enfin la tête vers lui.

- Parce qu’en plus de te faire passer pour le père de mes enfants, tu vas aussi prétendre être mon compagnon maintenant ? Je n’ai aucun compte à te rendre !

Le guerrier de l’Ombre se figea, même s’ils ne s’étaient pas vraiment quittés en bons termes, il n’avait pas imaginé qu’elle ferait preuve d’autant d’agressivité une fois rentrée au camp. Réfléchissant à ce qu’il allait répondre, il fouettait l’air de la queue.

- Je te rappelle que c’est toi qui m’as demandé de me faire passer pour leur père ! Et donc accessoirement pour ton compagnon !

- On avait convenu, pesta-t-elle. Que tu ne ferais pas persister le mensonge plus que nécessaire ! Que tu ne jouerais pas le « gentil papa », avec eux ! Car tôt ou tard, on leur dira la vérité !

- Pourquoi est-ce qu’on devrait leur dire la vérité ? répliqua Griffe de Geai en enfonçant ses griffes dans le sol.

- Tu n’as pas à voler la place d’Éclat de Grès ! s’enflamma-t-elle, mais toujours dans un murmure.

- Il n’a pas vraiment assumé sa place ! grinça Griffe de Geai d’un ton cynique, passant sous silence la fois où Éclat de Grès était venu lui parler des chatons avant une Assemblée.

Avant d’attaquer le clan et de traumatiser ses chatons. se remémora-t-il. Ne l’oublie pas. Non, il n’oublierait jamais les yeux remplis de terreur des trois chatons, les cauchemars de Petit Soleil qui avait suivis, le mutisme de Petite Nacre et les angoisses de Petite Pomme. Tout ça par la faute d’Éclat de Grès. Leur soi-disant père…Tu parles d’un père !

- Laisse tomber. soupira Pas de Renarde avec mépris. On verra bien lorsqu’on leur révélera tout, de toute façon.

Sans laisser à Griffe de Geai le temps de protester encore, elle courut jusqu’à la pouponnière dans laquelle elle s’engouffra. Le matou gris resta planté là sans mot dire. Tu leur révéleras tout. enragea-t-il sans pouvoir le dire à Pas de Renarde et en se dirigeant vers l’antre des guerriers. Moi je ne veux rien leur dire… ils seront bien mieux dans le Clan de l’Ombre qu’avec les guerriers qui ont tué tant des nôtres. Ils choisiraient le Clan de l’Ombre, de toute façon.

Griffe de Geai ne voyait effectivement pas Petit Soleil rejoindre ce clan qu’il détestait, et il était de toute façon bien trop proche de son père adoptif. Petite Pomme, elle, avait une ombre d’effroi dans le regard à chaque mention du clan de son père. Quant à Petite Nacre, il devenait muet dés que le sujet était abordé de quelques manière que se soit, et il ne quitterait jamais son frère et sa sœur dont il était bien trop proches.

Ils grandiront et vivront ensemble, au sein du Clan de l’Ombre. Peu importe ce que pourra leur dire Pas de Renarde ça n’a aucune importance.

Chapitre 8[]

Patte Flambante s’éveilla et s’étira dans un bâillement large à s’en décrocher la mâchoire. Il cligna des yeux et fit le tour de l’antre des guerriers du regard, il était presque vide. Dehors, le soleil semblait briller fort, il devait être près de midi. Je suis de patrouille ! se rappela-t-il.

Il se leva avec hâte et s’étira, il ne devait pas les faire plus attendre. Le matou roux quitta l’antre des guerrier et, plissant des yeux pour les protéger du soleil, se retrouva dans la combe ensoleillé, au milieu de ses camarades vaquant tranquillement à leurs occupations.

Le rouquin chercha du regard ceux censés l’accompagner en patrouille, à savoir Moustache de Brume, Nuage de Marais, Nuage de Buisson et Museau Écarlate, et finit par les trouver déjà prêts, attendant à l’entrée du camp. Les deux apprentis se battaient gentiment dans la terre pendant que les deux guerriers adultes les surveillaient en parlant.

Le lieutenant de l’Ombre fit mine de se diriger vers eux mais entendit qu’on l’appelait :

- Patte Flambante !

Il se tourna vers celui qui l’appelait et se retrouva face à Griffe Lumineuse, accompagnée de Truffe de Musaraigne qui restait quelques pas en retrait. La jeune chatte à l’air enthousiasme et aux yeux plein de vie semblait bien loin de la guerrière couverte de blessures du lendemain de la bataille, elle ne semblait même pas conserver de séquelles de la bataille, mis à part quelques entailles sur son flanc, déjà en partie recouvertes par son pelage blanc et roux.

Patte Flambante ne pouvait s’empêcher de songer que Plume de Pierre avait sacrifié sa santé, et donc au final sa vie, pour permettre à la jeune chatte d’être dans une telle santé. Il chassa cette pensée, car ce sacrifice, le guérisseur l’avait choisi en toute connaissance de cause et il n’avait pas à remettre ses choix en question.

- Oui ? demanda le matou roux.

- Avec Truffe de Musaraigne, on voulait savoir si on pouvait sortir chasser au Grand Pin.

- Bien sûr. répondit Patte Flambante.

Griffe Lumineuse le remercia d’un hochement de tête enthousiaste et fit signe à l’imposant jeune guerrier brun de la suivre avec un :

- Je t’avais bien dit qu’on pouvait !

- Ça coûtait rien de demander… bougonna Truffe de Musaraigne.

Patte Flambante les regarda s’éloigner avec un sourire qu’il tenta de dissimuler. Il n’était toujours pas habitué à ce que ces camarades, parfois à peine plus jeunes que lui, viennent lui demander sa permission pour sortir chasser ou s’entraîner. Il ne se sentait pas légitime à leur donner sa permission alors qu’il avait à peine quelques saisons, voire lunes, de plus qu’eux.

Le jeune lieutenant fit de nouveau mine de se diriger vers ses camarades de patrouille, mais fut de nouveau interpellé :

- Euh… Patte Flambante ?

Ayant reconnu l’odeur et la voix de sa jeune sœur Nuage de Santoline, le matou roux sombre se tourna vers elle avec un sourire avenant. La petite chatte grise avait l’air nerveuse, elle grattait le sol et évitait de croiser son regard.

- Il y a un problème ? s’inquiéta immédiatement son frère.

- Non… marmonna-t-elle. Désolée de te déranger..

- Tu ne me déranges pas ! protesta-t-il. Dis-moi ce qui ne va pas.

- C’est juste que… hésita la jeune apprentie. Souffle de Sable… je veux dire…

Elle s’arrêta et sembla chercher ses mots. Patte Flambante sentit son cœur se serrer en l’entendant évoquer son ancien ami, puis il comprit de quoi elle voulait parler et il compléta sa phrase :

- Tu n’as plus de mentor ?

Elle hocha la tête, l’air rassurée qu’il ait compris.

- Je vais aller parler à Étoile de Tempête. lui dit-il. Ne t’inquiète pas.

Nuage de Santoline le regarda avec reconnaissance.

- Merci… murmura-t-elle.

- C’est normal, je reviens tout de suite.

Il se dirigea vers la tanière d’Étoile de Tempête mais juste avant d’y entrer, se rappela qu’il était censé aller en patrouille.

- Museau Écarlate ! appela-t-il alors.

Le guerrier blanc releva la tête, en même temps que Moustache de Brume et que les autres membres de la patrouille.

- Il faut que je parle à Étoile de Tempête, lui expliqua Patte Flambante. Est-ce que tu peux prendre la tête de la patrouille ?

- Oui bien sûr. répondit le guerrier.

Sans plus s’en soucier, le lieutenant s’arrêta au pied des racines de l’arbre-promontoire et s’annonça auprès de son meneur :

- Étoile de Tempête ? C’est Patte Flambante, est-ce que je peux entrer ? J’aimerais te parler.

- Entre. lui répondit une voix éraillée.

Rendu légèrement inquiet par ce timbre de voix inhabituel à son ancien mentor, Patte Flambante entra tout de même. Il trouva un Étoile de Tempête affaibli, roulé en boule dans son nid, les yeux éteints presque vides et le pelage sale.

- Étoile de Tempête ? s’exclama le lieutenant, déstabilisé par l’aspect du meneur et se sentant commencer à paniquer. Est-ce que tout va bien ? Tu veux que j’appelle Rose Blan…

Le matou blanc et gris tigré leva la tête vers son ancien apprenti et celui-ci le sentit soudainement agacé, il le vit même fouetter l’air de la queue.

- Évidemment que je vais bien ! lâcha-t-il d’un ton acide. Il me reste encore deux vies je te rappelle. Tu n’as pas à t’inquiéter pour moi !

Patte Flambante n’osa pas insister et se donna un coup de langue nerveux sur le poitrail. Il avait cru qu’Étoile de Tempête allait mieux depuis quelques temps. Il m’avait semblé tellement en forme à la dernière pleine lune…

- Je t’ai dit d’arrêter de t’inquiéter ! s’énerva le meneur, exactement comme s’il avait lu dans ses pensées. Qu’est-ce que tu viens faire ici, d’ailleurs ? Quelque chose de grave ?

- Pas du tout, répondit le jeune mâle. C’est juste que Nuage de Santoline est venue me voir et que…

Il hésita, cherchant à trouver un moyen d’aborder le problème sans trop évoquer Souffle de Sable… mais il vit que c’était déjà trop tard, le regard du meneur, devenu plus vif un instant, s’était à nouveau assombri. Le lieutenante se dépêcha alors d’achever sa phrase :

- Elle n’a plus de mentor depuis près d’une lune.

- C’est vrai, marmonna Étoile de Tempête. Je n’y avais plus pensé.

Le meneur se tut, il semblait réfléchir. Patte Flambante se dit qu’il devait parcourir mentalement les rangs de ses guerriers pour savoir auquel il allait confier l’apprentissage de la jeune novice.

- Tu peux aller voir Vent de Nuit et lui dire qu’il est le nouveau mentor de Nuage de Santoline. finit par déclarer Étoile de Tempête.

- D’accord. acquiesça Patte Flambante. J’y vais tout de suite.

Étoile de Tempête hocha la tête et sembla se désintéresser aussitôt de lui. Le lieutenant quitta l’antre dans les racines de l’arbre et alla retrouver Nuage de Santoline qui l’attendait toujours.

- Alors ? demanda-t-elle d’un air fébrile et légèrement inquiet.

- Vent de Nuit est ton nouveau mentor. lui annonça Patte Flambante. On va aller le prévenir, d’accord ?

Elle hocha la tête avec enthousiasme et le matou roux sombre fit le tour du camp du regard, à la recherche du matou noir tigré de blanc. Il ne se souvenait pas de l’avoir envoyé en patrouille.

- Il doit être dans la tanière des guerriers. Je vais voir. dit-il à sa sœur.

Il se dirigea vers la tanière des guerriers qu’il avait quitté un peu plus tôt et y trouva en effet le matou noir et blanc à moitié endormi. Il dut l’entendre arriver car il tourna la tête vers le lieutenant dés qu’il entra.

- Patte Flambante ! le salua-t-il.

- Salutations. lui répondit Patte Flambante avec un petit salut de la tête.

- Tu vas bien ?

Le rouquin hocha la tête avant de lui déclarer :

- Étoile de Tempête a décidé que tu serais le nouveau mentor de Nuage de Santoline.

- C’est vrai ? s’étonna le matou noir, les yeux ronds comme des billes.

- Évidemment, répondit Patte Flambante avec amusement. Elle t’attend dehors.

- J’arrive tout de suite ! s’exclama l’ancien chat errant avec un enthousiasme palpable en se levant et en entamant une toilette consciencieuse.

Patte Flambante ressortit de la tanière et indiqua à Nuage de Santoline que son nouveau mentor arrivait bientôt. Il se dirigea ensuite vers la sortie du camp et hésita. Il avait d’abord pensé rejoindre la patrouille de midi dont il était censé faire partie, mais elle devait déjà être bien éloignée. Et puis cela faisait bien longtemps maintenant qu’il n’avait pas chassé en solitaire… il était toujours soit avec son apprenti, soit avec une patrouille. Oui, pourquoi pas.

Il fit mentalement le tour du territoire, cherchant à en trouver une partie où il n’avait envoyé personne chasser récemment. L’arrière du camp. décida-t-il. Personne n’y était allé depuis au moins deux aubes, à sa connaissance du moins.

Sa décision prise, il s’engagea dans le tunnel de ronce, saluant au passage Pelage de Bruine, de garde ce jour-là. Une fois dans la pinède, Patte Flambante prit une grande inspiration pour s’emplir les poumons de l’odeur piquante des pins, avant de faire demi-tour pour commencer à contourner le camp. Il en profita pour vérifier que la barrière de ronce était parfaitement intacte, et c’était le cas.

Le matou roux sombre s’arrêta et inspira profondément une nouvelle fois, à la recherche du parfum alléchant d’une proie. Trouvant celle d’une souris, Patte Flambante s’accroupit contre le sol et se mit à progresser vers sa proie, qu’il sentait à quelques longueurs de renard de lui. Marchant lentement vers la source de l’odeur, le rouquin prenait garde à ne pas écraser l’une des épines de pin sèches et oranges tapissant le sol. Quand il fut assez proche pour sauter, il banda les muscles de ses pattes arrières, prêt à bondir, mais un retentissant bruit de branche morte que l’on casse fit se redresser le rongeur, qui s’enfuit avant que le lieutenant n’ait eu le temps de faire le moindre geste.

Dans un dernier espoir de la rattraper, Patte Flambante bondit en avant, mais il vit la souris disparaître entre deux racines, probablement dans son terrier. Furieux, le matou roux sombre donna un coup de patte aussi futile qu’irréfléchi dans la terre, feula et vit volte-face vers la source du bruit.

Un matou gris était accroupit contre les fortifications arrières du camp, il se retourna quand Patte Flambante feula et le dévisagea de ses grands yeux oranges. Nuage d’Orage. reconnut le lieutenant.

- Oh… désolé. s’excusa l’apprenti guérisseur. Tu chassais ?

- Oui. répondit sèchement Patte Flambante. Tu entends le boucan que tu fais ? Et qu’est-ce que tu fiches ici par le Clan des Étoiles ?

Le matou gris et moucheté recula timidement, baissant la tête et couchant les oreilles en arrière, comme pour les protéger de l’énervement du matou roux foncé.

- Je suis désolé… ce n’est pas ce que je voulais. J’ai vu une brèche dans les fortifications, elle devait dater de la bataille, et j’ai simplement voulu la réparer… Regarde.

Le lieutenant de l’Ombre avança et observa ce que lui désignait le félin aux yeux d’ambre. En effet, les ronces semblaient avoir été légèrement écartées, puis remises à leur place. Sûrement par Nuage d’Orage.

- Je suis vraiment désolé. répéta timidement Nuage d’Orage à côté de lui.

- Non, ce n’est rien. marmonna Patte Flambante, gêné de s’être énervé de cette façon contre son jeune camarade de clan. Tu ne pensais pas à mal, tu voulais juste aider.

Nuage d’Orage confirma d’un signe de tête, et au bout de quelques instants de silence déclara :

- Je… je vais retourner au camp, Rose Blanche m’attend…

- Oui, bien sûr ! acquiesça Patte Flambante. Désolé de m’être énervé.

- Ce n’est rien, affirma Nuage d’Orage. Je suis navré d’avoir fait fuir ta proie.

Le novice commença à s’éloigner après un salut et Patte Flambante le regarda disparaître entre les pins avant de soupirer, toujours dépité de la perte de sa proie. Il recommença à marcher, dressant la truffe et les oreilles à la recherche d’une proie, et prenant garde à ne pas écraser une des épines de pin séchées par la chaleur tapissant le sol.

Le lieutenant finit par repérer une nouvelle proie, ou plutôt deux, picorant le sol. Deux oiseaux au plumage noir et au bec jaune vif. Des merles. reconnut Patte Flambante en s’accroupissant et en se mettant à ramper vers les deux volatiles. Il songea qu’il n’arriverait certainement pas à attraper les deux, mais un, cela devrait être possible.

Lorsqu’il fut suffisamment près, il bondit sur celui qui était le plus proche de lui et lui brisa la nuque en une fraction de seconde. Sans prendre le temps de vérifier qu’il était bien mort comme il le faisait d’habitude, il tenta d’attraper également l’oiseau qui s’envolait, sautant et tendant la patte vers lui, mais il ne parvint qu’à lui griffer l’aile et un bout du flanc. L’oiseau poussa un piaillement assourdissant et Patte Flambante retomba au sol, dépité.

Il s’apprêtait à ramasser l’autre oiseau, qui lui était bien mort, mais vit que le deuxième commençait à piquer vers le sol. Sa dernière attaque n’avait donc pas été vaine ! Il avait suffisamment endommagé l’aile de l’oiseau pour qu’il ne puisse plus voler. Il courut vers son lieu de chute et l’acheva d’un coup de croc avant de le ramener auprès du deuxième et de prendre les deux dans sa gueule.

Il comptait rentrer au camp, même si sa partie de chasse n’avait pas été longue, il n’était pas sûr de pouvoir tout ramener s’il attrapait une proie de plus. Et je pourrais toujours ressortir plus tard. se dit-il.

Reprenant donc le chemin du camp, il s’arrêta en entendant de voix venir du Grand Pin. Tendant l’oreille et sentait l’air autour de lui pour reconnaître les odeurs, il reconnut Cœur de Cèdre et Flaque Sombre.

- Je ne veux plus être seule, disait la première. Je ne veux plus perdre personne. Tu ne peux pas comprendre ça ?

- Cœur de Cèdre… commença le second, avant d’être interrompu par la guerrière brune et rousse.

- Je ne veux pas que tu meures, et me retrouver seule à nouveau ! Je ne le supporterai pas.

- Je ne vais pas mourir ! protesta-t-il.

- Qu’est-ce que tu en sais ? riposta la guerrière. Il y a à peine une lune, on ne pensait pas que les clans du Tonnerre et de la Rivière s’allieraient pour nous décimer !

- Ça ne changerait rien.

- Si, ça me donnerait au moins la certitude que je ne serai plus seule.

- Tu te rends compte de ce que tu dis, au moins ?

Patte Flambante s’interdit d’écouter la suite, même si une partie de lui aurait bien voulu savoir le fin mot de l’histoire, il ne voulait pas espionner ses camarades. Cette conversation avait tout l’air d’être privée.

Tout en regagnant le camp, le jeune lieutenant ne put cependant pas s’empêcher de repenser à la conversation qu’il venait d’entendre. Il ne savait pas que Cœur de Cèdre et Flaque Sombre se fréquentaient. Ou alors ce n’est pas du tout de ça qu’il s’agit et je me plante complètement ! se dit-il. De doute façon, ça ne me regarde pas.

Chapitre 9[]

- Bon, vous ne bougez pas d’ici. Est-ce que c’est clair ?

Pas de Renarde fixa ses trois chatons alignés devant elle pour bien s’assurer qu’ils aient compris qu’elle ne plaisantait absolument pas.

- C’est bon on a com… commença Petit Soleil en se redressant avec défi et agacement, mais Petite Nacre lui jeta un regard noir et l’interrompit en disant :

- Oui promis !

- Petit Soleil ? demanda-t-elle. Tu ne fais pas l’idiot, d’accord ?

- Oui, bougonna le chaton.

Satisfaite, Pas de Renarde donna un coup de langue affectueux sur la tête des trois jeunes félins, sauf sur celle de Petit Soleil, car il l’esquiva, puis elle rejoignit Aile d’Ambre d’un pas léger. La guerrière l’attendait devant la barrière de ronces et ronronna lorsque sa sœur la rejoignit.

- On va au lac ? proposa la reine tricolore.

- Patte Flambante y chasse déjà, avec les apprentis. expliqua Aile d’Ambre.

- Tous ? s’étonna Pas de Renarde.

- Non ! Il n’est pas courageux à se point, déclara affectueusement la guerrière brun tigré.

- Seulement avec ses frères et sœurs.

- Seulement ? releva Pas de Renarde d’un ton caustique. Dans mes souvenirs ils étaient quatre.

Levant les yeux au ciel, Aile d’Ambre lui donna un coup de queue faussement agacé et sortit du camp la première. Pas de Renarde lui emboita le pas et respira avec bonheur l’odeur de la pinède. Elle ne pensait pas qu’après cinq lunes passées dans la pouponnière, à ne sortir du camp que rarement, l’odeur de la forêt lui ferait autant de bien.

Comme si elle comprenait ce que sa sœur pensait, Aile d’Ambre demanda :

- Ça fait longtemps que tu n’es pas sortie chasser ?

Pas de Renarde hocha la tête.

- Tu as hâte qu’ils soient apprentis ?

- Pas totalement… À la fois, oui je pourrai ressortir n’importe quand sans m’inquiéter que Petit Soleil ne fasse des siennes et entraine ses frère et sœur dans ses bêtises, mais ils vont me manquer.

- Ça ne t’empêchera pas de les voir. fit remarquer Aile d’Ambre.

- Bien sûr, je sais, mais ça ne sera pas du tout pareil. Ils seront pris par leur entrainement. Bon, on va où ?

- Je crois que Patte Flambante n’a pas envoyé de patrouilles entre le sentier des bipèdes et la clairière entre notre territoire et celui du Clan du Tonnerre. Ça te va si on va là-bas ?

- D’accord ! acquiesça Pas de Renarde, puis, alors qu’elles prenaient cette direction, elle ajouta avec malice. C’est pratique d’être la compagne du lieutenant. Tu sais absolument tout ce qu’il se passe sur le territoire.

Aile d’Ambre pouffa doucement mais ne répliqua rien.


- Et bien, on peut dire que je ne me suis pas franchement améliorée, question chasse… constata Pas de Renarde alors qu’une énième souris lui filait sous la truffe.

- Tu es sans doute rouillée, rien de plus. déclara Aile d’Ambre en déposant l’oiseau qu’elle avait attrapé un peu plus tôt sur le sol, en même temps qu’une souris et un campagnol.

- Tu parles, je n’ai jamais su chasser. Au pire, j’attrapais un oiseau boiteux.

- Arrête, tu sais que ce n’est pas vrai.

Oh que si. Je préférais m’amuser avec des apprentis d’un clan ennemi que de m’entraîner et Museau Écarlate ne s’en rendait même pas compte.

- Regarde ! chuchota soudain Aile d’Ambre.

Pas de Renarde se tourna vers elle et sa sœur lui désigna d’un bref mouvement de tête une des pierres plates bordant le bord de la rivière séparant leur territoire de celui du Tonnerre. Dessus, en plein milieu d’un cercle ensoleillé, se trouvait une minuscule bête écailleuse, et la reine sursauta en croyant un instant qu’il s’agissait d’un serpent, avant de se rendre qu’il possédait des pattes.

- Un lézard ? demanda-t-elle, et Aile d’Ambre hocha la tête.

Voyant que la chatte brun tigré était tapie contre le sol, dans la position du chasseur, Pas de Renarde s’étonna :

- Tu vas l’attraper ? Pourquoi faire ? Personne n’aime la viande de lézard, et il va beaucoup trop…

Aile d’Ambre la fit taire d’un petit mouvement de queue sans pour autant alerter le lézard. La chasseuse progressa ensuite à pas lent vers sa proie, et Pas de Renarde s’attendait à la voir détaler à tout moment pour disparaître entre deux pierres. Quand elle fut assez proche, Aile d’Ambre bondit, et le lézard détala. Pensant que la bête s’était enfuie, Pas de Renarde s’avança vers sa sœur en commençant :

- Tu vois…

Elle s’interrompit quand Aile d’Ambre baissa la tête, puis la releva, le lézard mort entre les crocs.

- Comment ? demanda Pas de Renarde, impressionnée.

- Je l’avais coincé entre mes griffes. lui expliqua sa sœur, non sans une fierté perceptible.

- Bravo, la félicita la chatte tricolore. Mais je te le redis, personne n’aime la viande de lézard.

- C’est la proie préférée d’Étoile de Tempête, la contra Aile d’Ambre avec un sourire.

- Ah ? s’étonna Pas de Renarde en penchant la tête sur le côté, surprise. Vraiment ?

- Vraiment. affirma Aile d’Ambre.

- Comment tu le sais ?

- Il me l’a dit, une fois. Je ne sais plus pourquoi. Mais je sais que c’est vrai. On pourra le lui apporter tout à l’heure, je suis sûre que ça lui fera plaisir.

- Sûrement.

- On rentre ?

- D’accord !

Aile d’Ambre se dirigea vers Pas de Renarde et se pencha pour ramasser ses proies.

- Tu peux prendre le merle ? lui demanda-t-elle.

- Bien sûre.

Pas de Renarde se pencha et prit le corps inerte de l’oiseau dans sa gueule. Les deux sœurs reprirent le chemin du camp en silence, ne pouvant échanger un mot à cause des proies qui leur bloquait la mâchoire.

Alors qu’elles regagnaient le camp en coupant par le Grand Pin, les deux sœurs purent entendre une voix furieuse s’exclamer :

- Vous êtes totalement inconscient ou des imbéciles finis ? Non, tais-toi je ne veux pas savoir. Et on peut savoir ce que vous faites ici, de toute façon ?

Par le Clan des Étoiles… songea Pas de Renarde avec exaspération. Elle déposa le merle sur le sol et dit à sa sœur, qui avait également compris :

- Passe devant, je te rejoins dés que possible. Et ne m’attend pas pour apporter le lézard à Étoile de Tempête.

Vu l’expression d’Aile d’Ambre, sa sœur comprit qu’elle aurait sans doute négocié dans une autre situation, mais avec ses trois proies dans la gueule, elle se contenta d’un hochement de tête et d’un regard de soutien puis continua son chemin seule alors que Pas de Renarde enterrait le merle pour avoir les pattes libres.

Elle se dirigea vers l’arrière du camp d’où venait les voix, et tomba sans surprise sur Petit Soleil, Petite Nacre et Petite Pomme, mais également sur Baie de Houx. Celle-ci avait au pied de ses pattes quelques petites baies d’un rouge sang inquiétant et elle tourna la tête vers elle en lança :

- Ah ! La voilà celle-là… regarde ce que t’es chatons ont essayé de manger pendant que tu étais je ne sais où…

- Je chassais. indiqua Pas de Renarde. Qu’est-ce que c’est ?

- Bonne question, marmonna la guerrière noire d’un ton fielleux avant de se tourner vers les trois chatons. L’un d’entre vous sait-il ce que c’est ?

Les trois s’entreregardèrent, mais aucun ne pipa mot. Baie de Houx se hérissa :

- Donc vous essayez de manger des baies inconnues sans même chercher à savoir ce que c’est ? Ni même si elles sont comestibles ?! Bande de cervelles de souris.

Petite Pomme poussa un couinement terrifié. Pas de Renarde ne pouvait s’empêcher éprouver de l’empathie à son égard, elle-même, étant chaton, ne pouvait s’empêcher d’être effrayée par Baie de Houx lorsque celle-ci était en colère. Et depuis plusieurs lunes, elle était encore plus en rogne qu’avant. Mais ses chatons l’avaient mérité, ils étaient encore sortis du camp sans son autorisation. Aussi les foudroya-t-elle du regard, mais avant qu’elle n’ait pu leur adresser quelques remontrances, Baie de Houx se tourna à nouveau vers elle pour lui indiquer :

- Ce sont des baies empoisonnées, comme leur nom l’indique, elles sont extrêmement toxiques. La moindre d’entre elles pourraient tuer n’importe lequel de ces idiots. Et en nombre suffisant, elles peuvent même tuer un chat adulte.

Pas de Renarde recula et déglutit, horrifiée de cette découverte. En voyant les trois jeunes chatons aussi terrifiés qu’elle, leur mère voulut se précipiter vers eux pour les réconforter mais se retint. Rien ne serait arrivé s’ils m’avaient obéi et étaient restés au camp.

- Qu’est-ce qui vous a pris, encore ? cracha-t-elle donc furieusement, et tous baissèrent la tête à l’exception du mâle roux et blanc. Petit Soleil ! Tu m’avais promis ! Comment est-ce que je peux vous faire confiance ap…

- Tu n’avais cas pas les laisser sans surveillance ! l’interrompit Baie de Houx, dirigeant à présent sa colère vers Pas de Renarde qui la dévisagea avec sidération.

- Quoi ?

- Tu m’as très bien compris ! Qu’est-ce qui te prend de les laisser sans surveillance ? Bien sûr qu’ils vont sortir ! Demande à quelqu’un de s’occuper d’eux par le Clan des Étoiles !

Elle termina sa tirade en ajoutant un ton plus bas :

- L’idiotie est héréditaire, apparemment.

Pas de Renarde se hérissa et sortit les griffes en entendant ces paroles, fusillant la guerrière sombre du regard, elle riposta :

- Quand j’aurai besoin de tes conseils, je te sonnerai ! En attendant tu n’es pas un vétéran et tu n’as pas de leçon à me donner, tu n’as même pas de chatons !

Le regard de Baie de Houx s’embrasa et elle sembla sur le point de bondir sur Pas de Renarde pour l’égorger. Le sentant, celle-ci fit signe à ses chatons de vite la rejoindre et s’éloigna rapidement de sa camarade. Se rappelant au dernier moment le merle, elle bifurqua et commença à le déterrer. Alors qu’elle retournait la terre, Petite Nacre commença :

- On est désolés…

Sa mère lui fit signe de se taire en fouettant l’air de la queue, elle n’avait même plus envie de les disputer pour leur énième bêtise.

- J’espère juste que ça vous servira de leçon la prochaine fois que vous viendra l’envie de sortir du camp en douce.

Elle les vit hocher la tête avec sérieux à la lisière de son champ de vision.

- Très bien, elle se pencha, mais juste avant de saisir le merle entre ses crocs, une idée lui vint et elle lâcha. Ne vous approchez plus de Baie de Houx.

- J’en avais pas l’intention, bougonna Petit Soleil.

Petite Pomme regarda son frère, puis sa mère d’un air inquiet mais contre toutes attentes, Pas de Renarde se contenta de lui caresser le dos du bout de la queue en regagnant le camp avec eux.

Advertisement