Entre Amour et Haine[]
Résumé[]
Entre l'amour et la haine, il n'y a qu'une séparation. Un mot, une action, un geste, et tout s'inverse.
Ça, Écume le sait très bien. Entre la jeune solitaire naïve qu'elle était et la guerrière méfiante qu'elle est devenue, il n'y a presque plus rien en commun. Et cette différence, c'est la faute à ce chat.
Ce chat qu'elle avait aimé. Mais aussi ce chat que, dès à présent, elle hait.
Série : Au-delà des frontières des clans
À voir aussi : Le Cœur de Champignon de Pluie
Notes[]
- Cette histoire se passe un peu avant et pendant « Le Cœur de Champignon de Pluie »
- Les chats sur la couverture sont Écume, Ressac, Anguille, Triton, Loutre et Câline
Allégeances[]
Divers |
---|
Solitaires :
Étoile – Chatte bicolore noire et blanche aux taches brunes, aux yeux verts. Soleil - Chat doré et roux aux yeux verts. Chats domestiques : Pétale - Chatte blanche aux petites taches écaille-de-tortue, aux yeux vert pomme. Caresse - Chat gris clair et crème à poil long. Sissy - Petite chatte écaille-de-tortue et blanc aux yeux ambrés. Or - Chatte au poil court, doré tigré, mère de Chocolat, Sultan et Plume. Chocolat - Chat brun au poil ras. Sultan - Chat au gris clair et blanc tigré, aux yeux verts. Plume - Petite chatte gris sombre tigrée, aux yeux verts. Chats errants : Colline - Chatte grise et blanche très fine. Cheffe : Terra – Chatte brun foncé au poil court, aux yeux vert forêt. Membres : Flamme - Chatte rousse aux pattes et au museau blancs Olive – Chatte siamoise au pelage pâle, aux yeux bleus. Gel – Chatte blanche au pelage en pointes, aux yeux bleu glacier. Cerise – Chatte siamoise aux yeux orangés. Ressac - Matou gris/bleu aux yeux verts. |
Prologue[]
Les premiers rayons du soleil brillèrent en haut de la falaise. La plage était toujours plongée dans l'ombre. Les vagues sombres ondulaient dangereusement. Le sable humide était taché de sang.
Le matou gisait, le pelage trempé, les yeux fermés et la respiration saccadée. Ses blessures le brûlaient. Il venait d'échapper à la mort, il ne pouvait pas bouger. Il était à bout de force.
Il se souvenait des vagues qui l'avaient entraînées toujours plus loin, le sel qui lui brûlait ses blessures, l'impuissance dans ses coups de pattes. L'étau qui s'était emparée de son poitrail alors qu'il tentait vainement de respirer.
Allait-il survivre ? Ou allait-il mourir ici, et finir dévoré par il-ne-savait-quoi ? Et puis, de toute façon… qu'en avait-il à faire ? Il ne voulait rien, à cet instant. Rien, à part que la douleur s'arrête.
Il était si confiant, lorsqu'il avait proféré ses menaces. Elle était faible, il l'avait manipulée sans peine. Pourquoi donc il avait perdu ? Pourquoi s'en était-elle sortie ? Pourquoi gisait-il là, au lieu de triompher ?
Les souvenirs lui revenaient petit-à-petit. C'était elle. Celle qui ne faisait que la moitié de sa taille. Mais il revoyait son expression farouche et déterminée. Il revoyait ses yeux brillants lorsqu'elle l'avait traîné dans l'eau. Il revoyait ses griffes se planter dans sa fourrure.
Finalement, la mort ne lui semblait plus si attirante. Car il avait d'autres projets pour cette vie-là.
Ma vengeance n'est pas achevée.
Chapitre 1[]
Le soleil luisant brillait dans un ciel sans nuage. L'astre éblouissant du début d'après-midi semblait saupoudrer la mer de millions de paillettes. Le sable blanc et fin de la plage s'étendait jusqu'à l'eau, turquoise, avec des vagues qui frappaient la berge d'un bruit réconfortant. L'horizon semblait inatteignable, mais de toute façon, qui voudrait quitter cet endroit paradisiaque pour l'atteindre ?
Les éclairs argentés des poissons filaient sous l'eau, des algues collantes étaient déposées sur la grève. Quelques oiseaux marins voletaient en piaillant, au-dessus des centaines de proies aquatiques qu'ils tentaient de saisir.
La falaise de pierre ne projetait aucune ombre sur la plage, sous le soleil haut dans le ciel. En haut, on apercevait une forêt luxuriante, qui offrait fraîcheur et calme. La plage privée était silencieuse, la douceur presque écrasante de l'air de la Saison des Feuilles Vertes flottant dans l'atmosphère.
Écume aimait ce lieu. C'était le foyer où elle avait trouvé refuge. Elle ne quitterait la plage pour rien au monde. Son court pelage blanc et roux brillait sous la lumière des rayons de soleil brûlants comme des flammes acérées. Ses yeux avaient la même teinte que la mer. Ses pattes trottinaient sur les pavés de la place de bipèdes, tandis qu'elle s'approchait de la falaise. Le sentier pierreux descendait jusqu'en bas, entouré d'une cordelette usée.
Elle commença à descendre, se mouvant lentement pour ne pas glisser. Plus elle s'approchait du sol, plus le sable s'accumulait sur les marches, qui étaient brûlantes. La chaleur s'infiltrait au cœur de ses coussinets.
Écume termina l'escalier, et bondit souplement sur le sable chaud. Aussitôt, elle frémit à son contact. La morsure de la chaleur des grains qui s'infiltraient entre ses griffes augmentait à chaque seconde.
Elle courut se mettre à l'ombre sous la falaise, comme chaque jour. Elle s'étendit sur le dos dans le sable, ignorant les grains qui se prenaient dans ses poils. Lorsque cet endroit était ensoleillé, il avait emmagasiné de la chaleur, qui se diffusait à présent que l'ombre couvrait la surface. Parfait pour la jeune chatte rousse et blanche.
Pourtant, aujourd'hui, c'était différent. Des pas légers dans le sable résonnèrent. Écume roula sur le ventre, et se redressa, la fourrure pleine de sable. Elle sortit instinctivement ses griffes, même si elle ne savait pas s'en servir. Sa mère, une chatte domestique paisible, ne lui avait jamais appris quoi que ce soit de la vie sauvage. Mais la jeune femelle se débrouillait tout de même bien, en solitaire.
Un matou gris/bleu apparut. Il était joli, sa fourrure mi-longue lissée avec soin. Ses grands yeux verts brillaient, il avait l'air sympathique.
« Bonjour, miaula-t-il. Tu es nouvelle dans le coin ? »
Écume fut tentée de ne pas répondre. Elle était venue pour dormir seule, pas converser avec un inconnu. Mais il avait l'air calme et doux, et elle voulait faire bonne impression.
« Bonjour, pas vraiment… »
Elle frémit, cherchant ses mots.
« Et toi ? » finit-elle par dire.
Il cligna des yeux, comme étonné.
« Non, c'est ma plage depuis toujours. Comment t'appelles-tu ?
– Écume.
– Moi c'est Ressac. »
Il s'approcha, et Écume rentra ses griffes.
« Tu veux voir le meilleur endroit du coin pour se reposer à l'ombre ? lui proposa-t-il.
– Pourquoi pas… »
Il partit alors en courant.
« Alors suis-moi ! »
Étonnée par ce matou vif et joyeux, Écume le suivit dans le sable brûlant.
Chapitre 2[]
Écume suivait Ressac en longeant la falaise. Elle n'était jamais allée aussi loin, la zone à côté de l'escalier lui suffisait. Je me demande jusqu'où il va m'emmener. Le sable se succédait, infini, toujours plus lointain. Au loin, on apercevait une autre partie de la plage qui grouillait de bipèdes. Certains profitaient de l'eau, d'autres s'étendaient sur le sable.
Ressac finit par s'arrêter. Ils avaient atteint un endroit où la falaise formait une sorte d'arche, sur laquel poussait des plantes vertes. De jolies fleurs roses les décoraient. La plante formait de l'ombre sur le sol, juste assez pour qu'Écume et Ressac puissent s'y installer.
Le matou s'étendit au sol sous l'arche de pierre, et regarda la femelle blanche et rousse.
« Alors, tu viens ? demanda-t-il.
– Je peux ? s'assura-t-elle.
– Bien sûr. »
Il bâilla et ferma ses yeux verts. Un peu mal à l'aise, Écume se blottit sur le sable, le plus loin de Ressac qu'elle ne connaissait que depuis quelques minutes. Il avait l'air sympa mais on ne savait jamais. Plus les secondes passaient, plus elle se sentait bien. Le souffle lent et doux du mâle gris/bleu l'apaisait, et sa présence la rassurait. Elle ferma ses yeux à son tour, appréciant de pouvoir se reposer enfin.
Lorsque Écume se réveilla, le soleil se couchait à l'horizon. Elle regarda l'astre plonger derrière la mer, laissant une traînée sanglante sur l'eau. La chaleur baissait un peu, le sable était moins brûlant. Ressac ronflait légèrement, couché nonchalamment sur le flanc, les pattes écartées. Elle examina la matou en détails : il était grand, avec des poils mi-longs gris/bleus, de grandes oreilles avec des touffes au bout, un museau long et gracieux et cet air étrange… arrogant ou paisible ? Elle n'arrivait pas à le voir. Il est vraiment beau.
Elle le regarda encore quelques minutes, appréciant la douceur des rayons de soleil mourants sur son dos. Puis elle se releva. Elle allait être en retard. Mais partir sans donner de nouvelle à Ressac ? Il l'avait tout de même conduit ici. Ce ne serait pas sympa pour lui.
Elle hésita, se leva, fit quelques pas puis se retourna. Que faire ? Heureusement, il cligna des yeux à ce moment-là.
« Écume ? »
Cela faisait bizarre à la solitaire d'entendre son nom prononcé comme cela. Il avait une voix un peu étrange, douce mais un peu étouffée, comme s'il pouvait parler plus fort mais qu'il retenait le son.
« Tu t'en va ? demanda le chat.
– Oui désolée… » s'excusa la femelle.
Il la rassura d'un hochement de tête.
« Va, lui dit-il. Si tu veux me revoir, viens ici. »
Il sourit mystérieusement après cette phrase. Puis il se retourna pour se recoucher.
Écume resta figée quelques instants avant de faire demi-tour. Le rouge lui montait aux joues, elle se sentait bizarre. Le matou lui donnait l'impression d'être traversée par tant de forces différentes qu'elle ne savait quoi faire.
Chapitre 3[]
Quand Écume atteignit l'escalier, le soleil n'était qu'une fine tache rousse au bout de la mer. Le ciel s'assombrissait, c'était bientôt le crépuscule. Elle gravit les marches en pierre, repassant sans cesse les brefs moments qu'elle avait passé avec Ressac.
Une fois en haut, elle trottina vers la forêt. Ses pattes glissèrent sur les brins d'herbe légèrement secs, et elle entra sous les arbres. La douce fraîcheur la rassurait, l'enveloppait. Les troncs bordés de mousse se succédaient, les fougères légèrement défraîchies par la canicule poussaient dans chaque coins.
Elle finit par s'arrêter dans une clairière spacieuse, entourée de bouleaux au feuillage abondant.
Quelques pas se firent entendre, et une jolie chatte blanche sortit de l'ombre.
« Gel ! » ronronna Écume.
Son amie s'approcha d'elle, souriante. Elle portait une souris fraîchement attrapée dans sa gueule.
« Écume, enfin te voilà. » La solitaire à l'unique patte grise remua ses moustaches après avoir posé la proie. « Tu n'es jamais arrivée aussi tard.
– Désolée, je suis allée un peu plus loin que d'habitude cette fois-ci », expliqua la femelle.
Dois-je lui raconter, pour Ressac ? se demanda la solitaire rousse et blanche.
« D'accord, miaula Gel.
– Mangeons, alors. »
Elles commencèrent leur repas, se passant tour à tour la souris.
« Comment était ta journée ? demanda Gel en poussant la proie vers Écume.
– Bien… » répondit évasivement l'autre.
Elle mordit dans la souris pour éviter d'avoir à détailler.
« Tu as l'air bien distraite, nota Gel en reprenant la prise. Tu es sûre qu'il ne t'est rien arrivé ?
– J'ai rencontré un chat, avoua Écume. Il avait l'air gentil, alors je l'ai suivi. Il m'a montré un coin où dormir, sous une plante avec de jolies fleurs roses. Il avait un pelage gris/bleu… »
Gel sursauta.
« Ressac ?
– Tu le connais ? »
Peut-être qu'elle aussi, il l'emmène dormir sous la plante ! Elle fut prise d'un étrange sentiment de jalousie, qu'elle ne comprit pas. Qu'importe, que Ressac allait voir d'autres femelles, non ? Elle n'était pas la seule du coin.
« Il vit dans mon groupe, expliqua Gel.
– Ah bon ? Les Vagabondes ne sont pas que des chattes, pourtant ?
– C'est le seul mâle. Ne t'en fait pas, il est doux et gentil. »
La femelle blanche semblait pourtant préoccupée. Elle commença à s'éloigner.
« À demain, Écume. »
Écume frémit. Gel était étrange. Pourquoi se comportait-elle ainsi ? La solitaire rousse et blanche marcha lentement jusqu'à son abri, un nid au creux d'un arbre qui la protégeait quel que soit la saison. Elle se roula en boule, nicha son museau sous ses pattes, ferma ses yeux, et chercha le sommeil.
Et lorsque celui-ci vint, il fut rempli de chats gris/bleus aux yeux verts.
Chapitre 4[]
Le lendemain, Écume se réveilla et alla s'étendre au soleil dans l'herbe. Elle attendait qu'un bipède vienne. Il y en avait quatre ou cinq dans la grande maison qui trônait devant les escaliers de pierres. Ils lui donnaient toujours quelque chose de bon à manger.
Ce jour-là, ce fut une jeune bipède qui vint. Elle lui apporta une sorte de nourriture de bipède au goût de poisson, franchement pas si mauvaise. Puis Écume se laissa caresser quelques minutes en contrepartie, et descendit les marches de pierre. D'habitude, le matin, elle se couchait dans le sable qui se réchauffait au fur et à mesure de la matinée, puis remontait se promener. Mais lorsqu'elle fut en bas, cela lui semblait monotone. Ses journées se ressemblaient toutes, étaient trop calmes. Elle ressentait un besoin d'aventures, d'action.
Ressac. Pourquoi pensait-elle tout le temps à lui ? Il avait bouleversé sa vie, en venant simplement lui proposer un meilleur coin où dormir. Et à présent, il s'imposait dans ses pensées, faisait battre son cœur plus vite.
Elle changea de cap, se détourna du sable et de la sieste au soleil, pour se diriger vers le coin où Ressac l'avait emmenée la veille.
“Va, lui avait-il dit. Si tu veux me revoir, viens ici.”
Elle courut le long de la mer, qui brillait de ses mille reflets. Ses pattes frappaient le sable, qui volait derrière elle. Elle se sentait attirée par ce lieu, si fortement qu'elle ne pouvait s'arrêter de courir.
Écume n'avait jamais vraiment couru vite. Elle n'avait jamais vraiment aimé courir. Mais là, elle avançait plus vite que jamais, comme si elle avait des ailes.
Enfin, lorsqu'elle atteignit le coin de Ressac, elle vit qu'il était là, allongé. Elle s'arrêta, reprenant son souffle, à quelques longueurs de queue. Puis elle s'approcha. Son cœur s'emballa, sembla s'enflammer, et des frissons la parcouraient.
Ressac tourna la tête vers elle lorsqu'elle fut assez proche.
« Ah tiens, salut Écume. Il faut croire que je t'ai manqué, non ? »
Il sourit.
« Salut, Ressac… »
Elle ne savait pas trop comment réagir. Elle revoyait le regard préoccupé de Gel, la veille.
« Viens ! s'exclama-t-il.
– D'accord », murmura-t-elle.
Elle osa s'installer un peu plus proche de lui que la veille.
« Je connais ton nom, mais rien d'autre sur toi, commença Ressac. Veux-tu me raconter un peu ta vie ? »
Elle cligna des yeux, étonnée, puis accepta.
« Je suis née chatte domestique, ma mère s'appelait Pétale. J'avais trois frères et sœurs. Mais cette vie ne me plaisait pas, alors dès que j'ai eu l'âge, je suis partie vivre ici.
– Tu as bien fait, dit simplement Ressac. C'est un formidable endroit. »
Elle hocha la tête, ne sachant pas trop quoi répondre.
« Et toi ? demanda-t-elle en espérant qu'il ne s'offusquerait pas de cette question.
– Je suis né dans le Groupe des Vagabondes, avec ma sœur, Olive, fit le matou. Je suis le seul mâle du groupe. »
Il aime faire simple, constata Écume. Elle s'allongea complètement, se sentant de plus en plus en confiance avec le chat gris/bleu.
Chapitre 5[]
Écume marchait au bord de la plage, le soleil haut dans le ciel l'éblouissait. Elle suivait Ressac, qui avançait d'un pas vif, la queue en panache.
Ils avaient passé beaucoup de temps à se raconter des histoires et anecdotes, ensemble sous l'arche de pierre ornée de plantes, puis avaient fait une courte sieste. En se réveillant, ils avaient décidé de se promener un peu dans la forêt, pour chercher à manger.
Écume ne savait pas chasser. Tout les matins, elle quémandait aux bipèdes, et le soir, Gel, Cerise ou Olive venait la voir avec une proie. Elle n'avait jamais voulu essayer. Mais Ressac l'avait convaincue, il allait lui apprendre.
Ils montèrent l'escalier en pierre en silence. Le cri des mouettes était de plus en plus fort, tandis qu'elles se rassemblaient au-dessus de l'eau. Les rayons du soleil rendaient les marches pierreuses brûlantes, tout comme le sable qui s'y infiltrait. Une fois en haut, les deux chats pénétrèrent dans la forêt.
« Quel proie préfères-tu ? demanda Ressac en s'asseyant sur l'herbe fraîche, à l'ombre des arbres.
– Pourquoi pas… une souris ? » hasarda Écume.
Elle n'avait pas de réelle préférence, une proie c'était de la nourriture, et de la nourriture c'était forcément bon.
« D'accord, miaula Ressac. Suis-moi. »
Ils s'enfoncèrent encore plus dans la forêt, évitant étrangement le coin d'où venait Gel et les Vagabondes. Le chant des oiseaux résonnait au-dessus de leurs têtes, l'herbe crissait sous leurs pattes. Des flaques de lumières apparaissaient çà et là, là où le feuillage était moins dense.
Lorsque Ressac s'arrêta, ils avaient atteint une pente douce bordée de buissons. Le grand nombre d'odeurs de gibier fit frémir la truffe d'Écume.
« Je vais te montrer comment chasser, et tu essayeras ensuite, d'accord ? proposa le mâle
– OK », répondit la solitaire.
Elle regarda Ressac se tapir au sol, et avancer lentement vers les buissons. Sa queue était légèrement levée, et ses pattes glissaient sans bruit sur l'herbe. Il resta quelques instants là, sans bouger, puis d'un bond vif sauta dans le buisson. Il en ressortit la fourrure en bataille, mais une souris inerte entre ses crocs.
« Belle prise ! s'exclama Écume.
– Partageons-là, alors ! » miaula joyeusement le matou.
Ils dévorèrent la souris, puis Ressac suggéra à la solitaire d'essayer.
« C'est très facile, tu verras ! »
Confiante, elle tenta d'imiter ses mouvements, mais rata à chaque tentative. Soi la souris la voyait ou l'entendait avant, soi elle ratait son saut.
« Je ne comprends pas… » soupira-t-elle au bout du troisième échec.
Ressac s'approcha.
« On réessayera demain, d'accord ? »
Elle hocha la tête, un peu rassurée par l'air gentil du matou. Celui-ci s'en alla, et Écume partit avec l'idée de retourner paresser sur la plage.
Mais alors qu'elle quittait la forêt, une chatte lui barra le chemin. C'était Cerise, une femelle siamoise aux yeux orangés, membre des Vagabondes. Gel était derrière elle.
« Tu ne comprends pas ? » demanda-t-elle.
Chapitre 6[]
« Quoi ? »
Écume ne comprenait pas. Que voulait dire Cerise ? Que devait-elle comprendre ?
« Ressac n'essayait pas de t'apprendre à chasser, tu dois le voir, il ne t'a même pas donné d'indication. Pourquoi le suis-tu ainsi ? »
La solitaire rousse et blanche plissa les yeux. Ressac ne lui avait rien expliqué, certes, mais pourquoi ne pouvait-elle pas rester avec lui ?
« Pourquoi ne pourrais-je pas passer du temps avec lui ? Qu'importe qu'il ne m'apprenne ou non la chasse. Tu ne serais pas plutôt jalouse qu'il passe du temps avec moi ? »
Les mots jaillissaient tout seuls de sa gueule. Cerise cracha.
« C'est le frère de ma compagne, je le connais suffisamment bien. Il ne devrait pas parler avec des inconnus.
– Parce que je suis une inconnue, peut-être ? s'offusqua Écume.
– Il est imprévisible ! » Gel les rejoint. « On ne sait jamais, on veut juste te protéger, Écume ! »
La solitaire fit volte-face, pour se tourner vers la forêt.
« Je m'en moque ! En plus, vous m'avez espionnée ! » Elle ferma les yeux, marchant à l'aveuglette pour s'éloigner. « J'aime Ressac et ce n'est pas vous qui allez me l'enlever ! »
Gel et Cerise l'appelèrent, mais elle ne se retourna pas.
Écume s'étendit sur le sable, à l'ombre, le cœur lourd. Elle s'était disputée avec ses amies, et en était très attristée. Mais pourquoi disaient-elles que Ressac était imprévisible ? Et qu'il ne devrait pas parler avec des “inconnus” ?
Le soleil de l'après-midi inondait la plage, le doux bruit des vagues l'apaisait un peu.
“J'aime Ressac”
Elle avait dit cela. Qu'elle aimait Ressac. Et c'était compliqué, comme quelques chose qu'elle ne voulait pas s'avouer, se convaincre.
Écume n'avait jamais été amoureuse dans sa vie, avant ce jour-là. Mais elle était sûre d'aimer Ressac. Cette envie d'être près de lui, de le suivre n'importe où, de voir son visage. De fonder une famille avec lui.
Elle étendit ses pattes, et ferma les yeux, certaine de rêver à nouveau de matous gris/bleus et d'yeux verts envoûtants.
Chapitre 7[]
Écume remonta l'escalier de la plage, le soir venu. Une fois en haut, ses pattes la guidèrent instinctivement à la clairière où les Vagabondes venaient pour qu'elles mangent ensemble. Mais personne n'était là. Et c'était plutôt logique, vu la dispute qu'il y avait eu.
Une souris morte gisait au centre de la clairière. Lorsque Écume la remarqua, elle s'approcha et vit à côté une touffe de poil blanche de Gel, sans doute intentionnellement déposée à cet endroit.
Elle soupira, ramassa la proie, et l'emmena à sa tanière. Elle mangea seule, ce soir-là. Puis elle se roula en boule et s'endormit, la solitude pesant sur son cœur qui battait pour Ressac.
Les jours qui suivirent furent tous les mêmes. Elle se réveillait, mangeait la nourriture de bipède, descendait sur la plage, se promenait, retournait sur la plage, rentrait le soir, prenait la prise que les Vagabondes lui laissait, mangeait puis dormait.
Une routine qui avait de quoi être démoralisante, si les rendez-vous avec Ressac n'y figuraient pas. Mais le matou était toujours là, à l'attendre sur la plage, et ils discutaient et se promenait ensemble. Il chassait pour eux-deux, et il venait parfois dormir dans la forêt avec elle. Grâce à lui, elle était heureuse malgré sa dispute.
Ce jour-là, elle l'attendait, étendue sur la plage. Le soleil levant projetait une large ombre sur le sable, celle de la falaise pierreuse qui se dressait majestueusement. Détendue, les yeux mi-clos, elle resta là de longues minutes.
Puis des pas résonnèrent. Elle ronronna, et se prépara à saluer Ressac.
Mais ce ne fut pas lui, qui apparut devant elle. C'était une femelle siamoise aux yeux oranges, qui hantait ses regrets les plus profonds.
« Cerise… » miaula Écume en se relevant.
La Vagabonde la toisa.
« Écume, je sais que tu ne veux pas me parler, mais je dois te le dire : tu ne dois pas faire confiance à Ressac. »
La solitaire, la rage montant à nouveau en elle, voulut protester, mais l'autre la fit taire d'un mouvement de queue.
« Il a d'étranges sauts d'humeur, il est devenu quelque fois agressif… pour ta sécurité, tu dois t'éloigner de lui.
– C'est plutôt vous qui vivez avec lui, c'est à vous de vous protéger, renifla la solitaire rousse et blanche.
– Écume, s'il te plaît, écoute ! » Cerise semblait presque désespérée. « Notre groupe est frappé d'une malédiction depuis toujours, tout les mâles deviennent maléfique un jour. Alors nous devons les abandonner. Mais Ressac, lui… nous avons voulu le garder, il était doux et gentil. Mais c'était une erreur ! Nous allons toutes payer !
– Ressac n'est pas maléfique ! la coupa Écume, ne pouvant plus se retenir. Je ne vois pas en quoi une malédiction le concerne ! Laisse-moi vivre ma vie avec lui ! »
Elle était furieuse, à présent. Que veut-elle ? Qu'a Ressac pour qu'elle insiste tant ?
Chapitre 8[]
Les Vagabondes ne revinrent plus lui parler pendant plusieurs jours. Seul Ressac l'approchait encore, et il était chaque jour plus incroyable que le précédent. Écume ne comprenait toujours pas ce que Cerise avait voulu dire. Ressac n'a rien de quelqu'un de maléfique. Même si elle n'avait jamais vu de chat maléfique, cela ne ressemblait pas à lui. Il était gentil, calme, drôle et attachant.
Ce jour-là, le soleil ne brillait pas dans le ciel grisâtre. Des gouttes de pluie s'écrasaient sur la plage, dans la mer, qui s'agitait comme avant une tempête. L'écume blanche jaunâtre moussait sur la berge frappée par les vagues. Les quelques oiseaux encore en train de voler au-dessus battaient furieusement des ailes pour s'en aller. Le vent fouettait l'eau avec force, le sable était humide et collant.
Écume et Ressac s'étaient abrités dans une des plus grandes cavernes. La pluie n'y pénétrait pas, cela les gardait au sec. Les pierres grisâtres étaient râpeuses sur les parois, et des cailloux roulaient sous leurs pattes. Rien n'était confortable, mais s'ils ajoutaient un peu de mousse dans les creux du sol, cela donnerait une tanière chaude pour passer la Mauvaise Saison, qui arrivait à grands pas.
Le soir, ils s'allongèrent ensemble, se réchauffant l'un contre l'autre, faute de nid où s'installer. Il se firent des promesses d'avenir, ils habiteraient ici ensemble. Ils auraient des chatons, une grande famille à élever au bord de cette si jolie plage.
La nuit tombait, leurs yeux se fermaient. La pluie n'avait pas diminuée, le vent soufflait, agitant les tiges de lierre qui barraient l'entrée. Mais malgré cela, Écume était heureuse. Ressac était son compagnon, et personne ne pourrait le lui arracher.
Ils s'endormirent, s'abandonnant l'un contre l'autre, blottis ensemble, comme dans une bulle.
« Ressac ! »
Écume attendait son compagnon dans la forêt. Cela faisait près d'un quart de lune qu'ils avaient commencé à aménager la grotte dans la falaise. Celle-ci devenait bien plus agréable, avec ses nids de mousse larges et le sol débarrassé de toute pierre coupante.
Des pas précipités résonnèrent, et Ressac apparut de derrière les arbres. Son pelage était ébouriffé, et une croûte de sang séchait sur son oreille fendue, mais Écume ne le remarqua pas tout de suite, tant l'idée de lui annoncer la nouvelle l'impatientait.
« Oui ? fit le matou gris/bleu en reprenant son souffle.
– J'attends tes chatons ! ronronna la femelle.
– C'est merveilleux ! s'exclama le félin. Mes chatons !
– De qui veux-tu qu'ils soit, à part de toi ? demanda joyeusement la solitaire.
– Personne, bien sûr ! affirma Ressac. Tu es toute à moi. »
Sur le coup, Écume ne releva pas le sous-entendu de cette phrase.
« Je vais changer tout ton nid, poursuivait le mâle. Il sera plus grand, au centre de la caverne, même. Il est temps d'emménager à plein temps dans la caverne, tu ne trouve pas ?
– Pourquoi pas ! » approuva la future mère.
Elle n'écoutait que d'une oreille distraite, trop heureuse pour se concentrer.
Chapitre 9[]
Écume bâilla à s'en décrocher la mâchoire.
Elle se tourna dans son nid, son gros ventre l'incommodant. Elle allait bientôt mettre bas, sans doute. Ses chatons gigotaient en elle, et elle avait du mal à dormir. Mais elle était heureuse. Ressac chassait pour elle, sortant chaque jour dans le froid de la Saison des Feuilles Mortes pour lui rapporter une proie. Il la surprotégeait, l'interdisait de sortir. Elle mourait pourtant d'envie de se dégourdir les pattes.
Écume avait un peu l'impression d'être prisonnière. Mais Ressac ne pensait qu'à sa protection, n'est-ce pas ?
Justement, le matou revenait, un écureuil détrempé dans la gueule.
« Tiens, c'est pour toi, miaula-t-il en lui posant la proie sous le museau.
– Merci », répondit-elle.
À force, ils n'avaient plus rien à se raconter. Il lui expliquait ce qu'il avait fait dans la journée, comme ramasser de la mousse sèche - un exploit par ce temps - ou chasser dans les fourrées humides.
Mais c'était tout. Et pourtant, Écume l'aimait toujours autant.
Écume avait eu mal au ventre toute la journée. Les chatons étaient sans doute agités, aujourd'hui. Elle avait à présent la nausée, et son cœur battait fort. Peut-être que les petits arrivent.
Elle tenta de changer de position, mais gémit de douleur en sentant une contraction la secouer. L'onde de choc se propagea le long de son ventre. Elle cria à nouveau. La mise bas a commencé !
Un feulement résonna dehors, celui de Ressac. Écume se traîna à l'entrée et vit Cerise, toutes griffes sorties, qui tentait de passer, bloquée par le mâle gris/bleu. Elle peut sans doute m'assister !
« Cerise ! » s'exclama la solitaire, de la voix qu'elle pouvait.
Les deux chats se tournèrent vers elle.
« Écume ! » Cerise poussa Ressac pour la rejoindre. « Les chatons arrivent ?
– Je pense… » gémit Écume alors qu'une nouvelle contraction la secouait.
La Vagabonde la fit s'allonger dans son nid, et commença à la calmer en lui parlant doucement. Elle lui disait quand pousser, et rapidement, la mise bas se termina sans aucune complication.
« Tu as quatre chatons, l'informa Cerise. Elle ronronna et les poussa contre leur mère. Deux mâles et deux femelles. »
Écume enfouit sa truffe dans la fourrure des ses chatons, le cœur débordant d'amour. Ressac s'approcha, ronronnant.
« Mes chatons… », souffla-t-il, les yeux brillants… d'amour ou de satisfaction ?
Chapitre 10[]
Cerise repartit quelques heures plus tard, une fois sûre que tout se passait bien pour les chatons. Elle était venue mettre en garde Écume une nouvelle fois, mais elle ne pouvait plus la déranger en ce moment si important.
Ressac ne bougeait pas, regardant sa progéniture avec un regard intense. Écume enroula sa queue autour d'eux, un nouveau réflexe qui lui incitait de protéger ses chatons.
Anguille était un petit mâle roux tigré, Triton un chaton gris comme son père, Loutre une minuscule femelle blanche et rousse, et Câline une chatonne tricolore noire, blanche et rousse.
Ils tétaient, tous collés à son ventre. Écume ronronnait pour les apaiser. La douceur de leur duvet contre son pelage était si agréable… leurs petits coups de pattes pour avoir plus de lait lui faisait l'effet d'une caresse.
Elle avait quelques souvenirs de sa propre enfance, lorsqu'elle devait partager son lait avec trois autres chatons. La douce odeur lactée flottait dans l'air, lui ravivant de doux souvenirs.
« Tout va bien ? demanda soudain Ressac. Mes chatons n'ont besoin de rien ? »
Écume secoua la tête, les yeux fermés, souhaitant se reposer enfin après la naissance de ses chatons, leurs doux bruits la berçant.
« Il y a des inconnues sur la plage. »
La voix de Ressac réveilla Écume. Cela faisait bientôt une lune que ses chatons étaient nés. Ils avaient ouvert les yeux, et gigotaient joyeusement dans le nid de leur mère.
« Quoi ? demanda-t-elle.
– Deux jeunes chattes jouent dans l'eau, expliqua-t-il. Je vais les surveiller. »
La solitaire hocha la tête, et commença à toiletter ses chatons.
Le soir venu, Ressac rentra l'informer que les deux inconnues étaient allées dormir dans une petite caverne plus loin.
« Je les surveillerai, miaula-t-il. Ne t'inquiètes pas. »
Inquiète, Écume se rapprocha de ses chatons. Il ne fallait pas qu'un autre chat ne les trouve. Ils étaient si vulnérables… Loutre poussa Triton en couinant pour prendre sa place. Ce dernier lui mordilla l'oreille. Câline, la plus posée des quatre, bâilla et se roula en boule pour dormir. Anguille prit part au combat joyeux de ses frères et sœurs, et les trois chahutèrent un moment avant de se coucher, épuisés.
Le cœur d'Écume était gonflé d'amour pour eux. Ils étaient parfaits.
Chapitre 11[]
Lorsque Écume se réveilla, ses chatons étaient tous endormis. Ressac aussi. Elle ronronna et regarda les quatre boules de poils avec amour. Leurs oreilles frémissaient doucement, et ils remuaient dans leur sommeil. Dehors, l'aube éclairait la plage. Il faisait beau, ces derniers jours.
Des miaulements résonnaient en bas. Ils s'approchaient de plus en plus. Sûrement les inconnues dont a parlé Ressac hier.
« Ressac ? » fit-elle.
Le matou gris/bleu bâilla, réveillé par sa voix.
« Oui ?
– Tu entends ? »
Il dressa ses oreilles, et Écume remarqua pour la première fois que l'une d'elles était déchirée.
« Ce sont les inconnues. Ne t'en fait pas, je vais les voir. Mais surtout, ne leur dit pas comment quitter la plage. »
Il se leva, secoua son pelage, se donna quelques coups de langue et sortit. La solitaire fut un instant étonnée, mais se détendit et posa son menton sur ses pattes. Les rayons du soleil qui traversaient le rideau de lierre de la grotte lui effleuraient doucement le pelage. Triton et Loutre se réveillèrent quelques instants après, et miaulèrent de faim. Alors qu'Écume les rapprochait de son ventre pour qu'ils tètent, Ressac revint… accompagné de deux jeunes chattes parfaitement inconnues et potentiellement dangereuses !
Comment a-t-il pu ?
« Écume ? miaula-t-il. J'amène des visiteurs ! »
Oui, merci, je vois. Méfiante, elle plissa les yeux.
« Voici Champignon et Sauterelle. »
L'une d'elle, une femelle grise et blanche, fronça les sourcils, l'air mécontente.
« Qu'est-ce qui vous amène par ici ? demanda sèchement Écume, enroulant instinctivement sa queue autour de ses chatons.
– Nous cherchons un moyen de remonter la falaise », expliqua l'autre, une chatte couleur sable avec quelques taches et de grands yeux verts.
Ressac m'a demandé de ne pas leur dire, autant les décourager.
« Le seul moyen est de grimper, en êtes-vous capables ? »
Les deux femelles semblaient sans danger, mais on ne savait jamais ce qui pouvait arriver.
« Je ne sais pas trop, miaula la blanche et grise.
– Mais… Les Bipèdes ne vont jamais sur cette plage ? demanda la tachetée. Nous sommes arrivés hier et nous n'en avons vu aucun ! Et, s’il y en a qui viennent, ils doivent bien descendre la falaise pour profiter du soleil, du sable et de l'eau, non ? Alors…
– Il y a forcément un passage ! compléta la bicolore en sautillant sur place, surexcitée. On a trouvé ! On a trouvé ! Merci, Écume ! »
La solitaire ronronna. Elles étaient assez intelligentes, et semblaient sûres.
« Voulez-vous vous joindre à nous pour manger ? » proposa-t-elle.
Chapitre 12[]
Écume regarda Ressac raconter pourquoi il était allé voir les deux chattes : la tachetée couleur sable, “Nuage de Sauterelle”, s'était fait pincer par un crabe. La solitaire ronronnait joyeusement, et regarda ses chatons se bagarrer gentiment avec les deux sœurs, jouant à un nouveau jeu d'attaques de crabes - sûrement inspiré de l'histoire du matou gris/bleu. Le sable volait autour d'eux sous leurs roulades et leurs légers coups de pattes.
Après le repas, les inconnues - plus si inconnues - s'en allèrent dormir. Écume se lova contre ses petits, tandis que la lune montait. Ressac reprit sa place sur le côté, près de l'entrée. Ses ronflements la bercèrent, et elle finit par s'endormir.
Une patte secoua Écume en plein sommeil. Elle voulut crier de surprise, mais une voix lui murmura :
« Chuuut… »
Elle reconnut Nuage de Sauterelle et Nuage de Champignon.
« Que se passe-t-il ? demanda-t-elle.
– On doit partir, expliqua Nuage de Champignon. Maintenant. »
C'est une blague ?
« Et Ressac ?
– C'est de lui dont on doit se protéger. »
Quoi ?
« C'est impos…
– Pas le temps de parler, fit Nuage de Sauterelle. On doit y aller, vite. »
Elle saisit Anguille par la peau du cou. Elle ont l'air vraiment effrayées. Écume grommela, se leva, et prit Loutre dans sa gueule. Nuage de Champignon poussait Triton et Câline vers la sortie. Soudain, l'ombre frémit. La solitaire sursauta. Ressac ouvrit lentement les yeux, et se dressa de toute sa hauteur. Il toisa les trois femelles qui emportaient les chatons.
« Où croyez vous aller, comme ça ? »
Chapitre 13[]
Ressac regardait les trois chattes d'un regard brûlant. Je dois lui expliquer ! Si cette cervelle de mouette de Nuage de Champignon voulait bien se calmer et arrêter de pousser Triton et Câline vers la sortie…
« Vite, il faut partir ! » criait-elle.
Écume posa Loutre et s'approcha de Ressac.
« Attends », miaula-t-elle, tournée vers la jeune chatte grise. Puis, elle se retourna pour fixer son compagnon. « Que se passe-t-il, Ressac ?
– Ce qu'il se passe ? Tu veux suivre des inconnues, c'est ça ?
– Elles m'ont dit…
– Je me fiche de ce qu'elles t'ont dit, ici c'est ta maison, et tu dois rester afin de garder mes chatons.
– Nos chatons. Tu veux dire “nos” chatons.
– C'est pareil. »
“Mes chatons.” Il avait tant de fois utilisé cette expression, mais c'était la première fois qu'elle la relevait. C'était fou comme de si petits détails pouvaient trahir ainsi.
C'était comme si des milliers de petits soleils éclairaient la vérité. Le choc l'ébranla totalement. Des lunes de manipulation. Tout ça pour qu'un jour, elle lui offre des chatons. Elle savait à présent.
« C'est pour ça que j'avais l'air d'être prisonnière avec toi ! Tu me garde pour toi, et je n'ai le droit de rien faire ! Tu es maléfique, Ressac. Tu m'as manipulée dès notre première rencontre ! »
Ressac prit un air satisfait. Comment ose-t-il !?
« Je me demandais si tu verrais un jour ce qu'il se passe… mais trop tard ! Tu m'appartiens ! »
Il bondit vivement et saisit un des chatons.
« Câline ! » s'exclama Écume.
Le matou serrait sa fille à la nuque, comme s'il allait la tuer. Non, non, non ! C'est la malédiction que m'a raconté Cerise ! Je vais devoir payer pour mes actes ! Mais pas elle, pitié, elle n'a rien fait ! Ne punissez pas Câline !
« Tu restes, ou ta fille mourra à cause de ton choix. »
Quoi que je fasse, il va blesser Câline ! Ou même la tuer ! Il est capable de tout ! Elle maudissait silencieusement sa mère de ne jamais lui avoir apprit à se battre. Puis, soudain, le cri de Nuage de Champignon résonna.
« Fuyez ! Je m'en occupe ! »
Et elle bondit toutes griffes dehors sur Ressac.
Chapitre 14[]
Écume regarda Nuage de Champignon pousser violemment Ressac au fond de la grotte, et lui arracher Câline. Nuage de Sauterelle saisit la chatonne et courut rejoindre la solitaire. Cette derrière regardait, les yeux écarquillés, son prétendu compagnon griffer la jeune chatte, qui l'esquiva d'une roulade. Puis, elle se retourna, son instinct protecteur prenant le dessus.
« Monte ! » ordonna-t-elle à Loutre en s'accroupissant pour que sa chatonne puisse grimper sur son dos.
Les minuscules griffes de sa fille se plantèrent dans ses épaules lorsqu'elle fut à sa place. Puis, Écume aida Nuage de Sauterelle à déposer Câline, inerte, sur son dos tacheté. La chatonne avaient les yeux brillants de choc, et sa fourrure ébouriffée à sa nuque était parsemée de petites gouttes de sang.
« Pourquoi papa, il est méchant ? demanda Anguille lorsque sa mère le prit par la peau du cou.
– Ce n'est pas le moment, mon chéri », miaula doucement Écume, la gueule pleine de poils duveteux roux tigrés.
Comment vais-je leur expliquer, pour Ressac ? Comment ferai-je pour les élever sans père ? Et où irai-je ?
« Vite ! » Nuage de Sauterelle interrompit ses pensées. « Nous devons remonter la falaise et mettre les chatons à l'abri. »
Elle tenait Triton par la nuque. Le chaton gris/bleu tentait de tourner la tête pour regarder le combat, mais la jeune femelle couleur sable l'en empêchait. Il ressemble tant à son père.
Écume jeta un dernier regard à sa grotte ; les nids à présent éparpillés, le rideau de lierre. Nuage de Champignon arrachait des poils sur la joue de Ressac d'un coup de griffes, ce dernier lui lacérant l'oreille. Puis elle se détourna. C'était son passé, à présent. La trahison de son compagnon était si violente, qu'elle ne savait plus quoi faire.
Elle suivit Nuage de Sauterelle le long de la plage, puis la guida à l'escalier de pierre. La cordelette usée n'avait pas bougé, le sable s'emmêlait toujours sur les marches. Nuage de Champignon et Ressac jaillirent de la caverne en feulant, les grains volants autour d'eux.
Écume grimpa sur la première marche, suivit par Nuage de Sauterelle. Ensemble, elles gravirent avec les chatons l'ascension que la solitaire connaissait par cœur. Le vent nocturne soufflait dans leurs poils courts, les déséquilibrants. Mais elles arrivèrent enfin en haut.
La forêt luxuriante où elle allait manger naguère était toujours là. Le nid avec les bipèdes qui lui donnaient tout les matins de la bonne nourriture. Les graviers où elle se grattait, se roulait au sol, prenait le soleil. Le sentier qu'elle suivait pour se promener.
Elle se rendait compte à présent à quel point elle était innocente, jeune, insouciante. La vraie vie était peuplée de malheurs, de disputes, de trahisons.
Écume posa Loutre et Anguille dans un buisson, avec Câline et Triton. Puis, Nuage de Sauterelle insista pour qu'elle s'y cache pendant qu'elle retournait chercher sa sœur. Et la solitaire accepta. À présent, qu'est-ce que cela changeait qu'elle obéisse aux ordres d'une jeune chatte qui n'avait qu'à peine trois saisons ? Elle s'allongea autour de ses petits, pour les réchauffer. Heureusement, ils s'endormirent assez vite. Elle n'aurait pas réussi à répondre à toutes leurs questions sur les événements de cette nuit-là.
Ressac a eu ce qu'il voulait. Il a eu des chatons, puis il m'a détruite. J'ai été assez naïve pour le croire, et à présent c'est trop tard.
Je ne l'aime plus. Je le hait.
Chapitre 15[]
Le lendemain, Écume se réveilla, perdue. Les événements de cette nuit-là avaient hantés ses cauchemars. Le buisson sous lequel elle avait dormi était piquant, et le froid de la Saison des Feuilles Mortes avait atteint son court pelage. Elle aurait aimé aller se réfugier dans son ancien abri, mais il était trop petit pour elle, ses chatons, Nuage de Sauterelle et Nuage de Champignon.
La jeune femelle grise et blanche était toujours inconsciente, depuis que sa sœur l'avait traînée du bas de l'escalier. Quand à Ressac, il n'était pas mort mais dans un pitoyable état, d'après Nuage de Sauterelle, qui ne lui avait rien dit d'autre.
Écume regarda la femelle couleur sable tachetée faire les cent pas autour de Nuage de Champignon, allongée dans l'herbe, toujours endormie.
« Pourquoi ne se réveille-t-elle pas !? » cracha Nuage de Sauterelle en foudroyant la solitaire du regard.
Écume enroula sa queue autour de ses chatons.
« Comment pourrais-je le savoir ? » rétorqua-t-elle.
La jeune femelle clair se laissa retomber au sol, démoralisée.
« Tu as raison. Excuse-moi. »
Écume la regarda avec inquiétude. Des excuses de Nuage de Sauterelle ?
« Tu… Tu vas bien, Sauterelle ? » s'enquit-elle, oubliant de prononcer son étrange nom en entier.
La chatte couleur sable releva vivement la tête.
« Nuage de Sauterelle », siffla-t-elle furieusement.
Écume ne répondit pas et s'avança vers Nuage de Champignon, toujours allongée dans l'herbe.
« Je vais essayer de chercher un chemin pour sortir d’ici », lui annonça Nuage de Sauterelle qui l'avait suivit.
La chatte rousse et blanche la fixa de ses grands yeux bleus et frotta sa truffe contre sa joue. Peut-être trouvera-t-elle les Vagabondes ? Elles pourraient nous aider.
« Sois prudente », lui conseilla-t-elle.
Nuage de Sauterelle acquiesça puis tourna les talons et s’enfonça dans les bois. Écume se retourna, et frémit. L'air ne s'était toujours pas adouci, et aucun rayon de soleil ne venait les réchauffer.
« Maman, j'ai faim ! couina Loutre.
– Moi aussi ! » s'exclama Triton.
Écume ronronna. Heureusement qu'elle avait toujours ses chatons.
« Voulez-vous goûter quelque chose de nouveau, aujourd'hui ? proposa-t-elle. Il y a des proies délicieuses, ici !
– Veux pas proie, protesta Câline. Veux du lait. »
La solitaire soupira. De toute façon, elle n'avait pas le temps de chasser. Et ses petits n'étaient même pas sevrés. La joie de leur faire goûter quelque chose de nouveau disparut. La chatte bicolore s'allongea afin que ses petits puissent téter.
Chapitre 16[]
« Écume ! Écume ! »
La solitaire se réveilla en sursaut. Nuage de Sauterelle ! Ses chatons dormaient toujours, repus. Elle s'extirpa du buisson, le pelage ébouriffé. La jeune chatte souriait.
« J'ai trouvé le moyen de sortir d'ici ! »
Au même moment, les broussailles derrière la femelle bicolore frémirent. Une tête ronde à la fourrure grise et blanche passa le museau dans l'ouverture lorsque Écume se retourna.
« Qu'est-ce qu'il s'est passé ? »
Écume et Nuage de Sauterelle poussèrent un cri de stupeur et de joie mêlés.
Nuage de Champignon s'était réveillée !
Écume suivait Nuage de Sauterelle et Nuage de Champignon. Ses chatons trottinaient derrière elle, elle les portaient tour à tour. Les deux sœurs, trop accaparées par leurs discussions, n'avaient même pas songé à l'aider. Les malpolies… grommela intérieurement la solitaire.
Elles finirent par arriver devant un immense empilement de pierres rouges. L'ouverture était bien là, assez large pour que les trois chattes puissent passer chacune leur tour. On aurait dit qu'une secousse avait délogée quelques pierres, laissant passer des rayons de lumière qui mouchetaient le sol de terre fauve.
Nuage de Champignon passa en premier, et disparut de l'autre côté. Nuage de Sauterelle aida ensuite Écume et ses chatons à s'y hisser.
Les deux chattes dégringolèrent alors sur une Nuage de Champignon affalée au sol, entouré de plusieurs chattes qui poussèrent des cris outrés. Alors qu'une chatte brune s'avançait, la gueule ouverte comme pour crier sur les intruses, un miaulement surpris se fit entendre.
« Écume !? »
La solitaire se releva, et s'avança lentement.
« Gel ? Cerise ? »
Écume n'en croyait pas ses yeux. Ses anciennes amies ! Nous avons trouvé les Vagabondes ! Les deux chattes de décalèrent du groupe, pour venir la saluer en ronronnant.
Nuage de Champignon et Nuage de Sauterelle se levèrent à leur tour, étonnées. Écume leur fit signe de se présenter.
« Salutations, miaule Cerise aux deux sœurs. Nous sommes de vieilles amies d'Écume. Je suis Cerise, et voici Olive, ma compagne. »
Olive les salua d'un élégant mouvement de la tête.
« Bienvenue, miaula simplement Gel. Ma compagne s'appelle Étoile. »
Écume n'avait jamais rencontré cette femelle tricolore. Nuage de Champignon prit ensuite la parole :
« Salutations. Nous sommes Nuage de Champignon et Nuage de Sauterelle, et voici Écume, notre compagne de voyage…
– Je suis Terra, miaula une femelle brune dont Écume avait entendu parler de la bouche de ses anciennes amies. La cheffe de ce groupe. Que venez-vous faire chez nous ?
– Nous tentons d'échapper à un chat maléfique nommé Ressac », intervint Nuage de Sauterelle.
Terra écarquilla les yeux et un hoquet médusé lui échappa. C'est elle, sa mère ! se souvint la solitaire bicolore. Cerise m'avait dit qu'Olive, la fille de Terra, était la sœur de Ressac ! Nuage de Sauterelle plissa les yeux.
« Vous le connaissez ? »
Terra s'assit, et l'une des chattes du groupe se glissa contre son flanc comme pour la réconforter.
« Oui, je le connais, miaula Terra d'une voix à peine audible. Ressac est mon fils. »
Chapitre 17[]
Pour la première fois, Écume découvrait le lieu de vie des Vagabondes. C'était un nid de bipèdes abandonné, fait en bois et en pierres rouges. Un escalier permettait de grimper tout en haut. Terra les conduisit vers le dernier étage, où perçait un rayon de soleil. Le toit était recouvert de lierre, et de gros trous dans les pierres rouges et plates formaient des flaque de lumière. Les côtés de la pièce étaient faits d'une matière étrange, transparente et dure. De là-haut, on voyait le soleil se coucher à l'horizon, derrière une rangée de collines rondes et herbeuses. Quelques chattes étaient allongées sur des rochers mous et colorés, et fermaient les yeux, se délectant de la chaude caresse du soleil sur leur pelage.
Terra s'assit par terre, et Olive se pressa contre son flanc. Écume remarqua qu'elle attendait des chatons. Cerise va être mère ! Nuage de Champignon et Nuage de Sauterelle s'assirent autour d'elle et de ses chatons, qui semblaient très fatigués. Terra prit soudain la parole :
« Voici Olive, ma fille. La sœur de Ressac. »
Elle désigna la chatte grise/bleue pâle.
« Voici Flamme, fit Cerise en montrant aux deux sœurs en leur montrant du museau une chatte rousse et blanche à l'air hostile.
– Je dois vous raconter l'histoire de Ressac, commença Terra. Il n'a pas toujours été ce qu'il est devenu aujourd'hui… »
Écume s'installa en cocon ses chatons se pressant contre ses flancs.
« Nous ne savons pas d'où cela vient, commença Terra. Ni même la cause. Mais depuis que nous existons, les Vagabondes, notre groupe, sommes frappées d'une malédiction. Tous les mâles de notre famille finissent par devenir, un jour ou l’autre, maléfiques. Dans ces moments-là, ils ne sont plus eux-mêmes, et rien n’égale leur soif de destruction. »
C'est ce que m'a raconté Cerise ! se rappela Écume.
« C’est pourquoi nous les abandonnant dans des nids de bipèdes à leur trois lunes. C’est ce que nous allions faire avec Ressac, mon fils. Mais il semblait si doux, si gentil ! Alors nous l'avons gardé, élevé comme l’un des nôtres, en lui disant de faire toujours les bons choix ou il finirait comme ses prédécesseurs. Tout se passait pour le mieux… Mais un jour, Écume est arrivée non loin de la plage. Malgré notre hostilité au départ, elle est restée vivre près de chez nous. Nous l'avons vite adoptée, et elle venait souvent manger dans la forêt avec nous. »
Jusqu'à la dispute… pensa la solitaire. Heureusement, ses amies semblaient lui avoir pardonné, et les Vagabondes ronronnèrent.
« Nous pensions qu'Écume nous rejoindrait, lorsque nous nous sommes aperçues qu'elle et Ressac passaient beaucoup de temps ensemble. Mais mon fils semblait avoir d'étranges sauts d’humeur… Un jour, Cerise l'a aperçu qui malmenait une chatte des villes. Elle l'a tirée des griffes de Ressac, et elle est venue vivre parmi nous. C'est ainsi que nous avons rencontré Étoile. »
Gênée, la chatte noire et blanche se donna un coup de langue sur le poitrail. Vraiment ? s'étonna Écume. Quand est-ce arrivé ?
« Mais nous nous éloignons du sujet, reprit Terra. Lorsque Cerise est revenue nous avertir que Ressac était devenu maléfique, il était déjà trop tard. Il venait de partir rejoindre Écume à la plage, qui attendait leurs chatons. Nous n’avons rien pu faire. »
C'était le jour où je lui ai annoncé que j'attendais des chatons ! Écume savait qu'elle devait s'excuser. Tout était de sa faute. Elle avait cru Ressac, et il avait tout détruit. Elle se leva, et s'avança.
« Je suis désolée, Cerise. Tu nous as rendu visite, et tu m'as fait part de tes craintes, mais je ne t'ai pas écoutée. C’est ma faute si Nuage de Champignon a été blessée. » Elle se tourna vers la jeune chatte grise et blanche et s'inclina. « Excuse-moi. »
Nuage de Champignon lui donna un rapide coup de langue sur l’oreille.
« Aucune importance. Il ne risque plus de me menacer, maintenant… Ni toi, ni tes chatons. Jamais.
‑ Il… il est… mort ? » hoqueta Olive en avançant d’un pas.
Les yeux de la chatte brillaient étrangement. Instinctivement, Écume enroula la queue autour de ses chatons pour les protéger. Et s'il revenait se venger ? Nous devrions partir loin, là où mes chatons seront en sécurité. Nuage de Sauterelle ricana.
« Oh, non, mais je parie qu'il préférerait l'être… »
Olive, rassérénée, se blottit contre Cerise, qui lui jeta un regard énamouré. Terra se leva et leur sourit.
« Vous pouvez rester ici autant que vous voudrez. Des nids sont libres. »
Écume se leva, et se dirigea vers un rocher mou jaune qui semblait confortable. Alors qu'elle y installait ses chatons, elle vit Nuage de Champignon s'attarder auprès de Terra alors que sa sœur suivaient les Vagabondes vers les nids.
« Qui était le père de Ressac ? » lui demanda-t-elle.
Écume tendit l'oreille, intriguée. Terra sourit, nostalgique.
« Je l'ai croisé lors d'un de nos voyages, avant d'arriver ici. C'était dans une ville de Bipèdes aux nids faits de petites pierres rouges. À l'époque, nous étions si jeunes…
– Et comment s'appelait ce chat ? la questionna Nuage de Champignon.
– Je crois qu'il s'appelait… il s'appelait Gris. »
Je ne le connais pas, songea Écume, étonnée par le regard choqué de la femelle grise et blanche. La solitaire sauta sur le rocher mou et rapprocha ses chatons de son ventre. La chaleur du nid, le souffle des chattes autour d'elle et, bien sûr, ses chatons réconfortants, la firent s'endormir rapidement et paisiblement.
Chapitre 18[]
« Au revoir, Écume. Peut-être que l'on se reverra ? »
Gel et Cerise faisaient leurs adieux à Écume, et cette-dernière avait bien du mal à croire leurs promesses de se revoir. Après une longue réflexion, elle avait décidé de suivre Nuage de Sauterelle et Nuage de Champignon dans leur “Clan”, là où ses chatons seront en sécurité, loin de Ressac. Mais aussi loin des Vagabondes. Leurs destins se séparaient, il fallait s'y résoudre.
« Merci pour tout », se contenta de dire Écume.
Elle regarda une ultime fois ses amies, puis se retourna et suivit Nuage de Champignon en courant. Nuage de Sauterelle était déjà quelques pas plus loin. Le soleil couchant brillait dans le ciel, embrasant les nuages et le pelage des chats.
« Une nouvelle aube se lève… » murmura Nuage de Champignon.
Le lendemain, les trois chattes marchaient d'un pas vif et déterminé. Loutre et Triton étaient endormis sur le dos de Nuage de Sauterelle, tandis qu'Anguille et Câline sautillaient autour d'elles. Plus le moment où Écume arriverait au Clan de l'Étang s'approchait, plus elle angoissait.
« Et tu dis que les Clans me laisserons intégrer l'un d'entre eux ? »
Elle ne pouvait s'empêcher de répéter cette question. Elle avait peur d'être rejetée et de devoir s'occuper seule de ses chatons dans ce monde hostile. Nuage de Sauterelle ralentit pour se frotter à son flanc.
« Pas n'importe quel Clan, assura-t-elle. Le Clan de l'Étang. Étoile de Léopard t'acceptera, toi et tes petits, c'est sûr. »
Mais toutes ces promesses ne pouvaient rassurer Écume. Elle se demanda comment les deux sœurs faisaient pour trouver leur chemin. Elles avaient quitté la forêt, et cheminaient à présent en bordure des champs. Étrangement, Nuage de Sauterelle semblait nerveuse.
Le crépuscule approchait. Câline et Triton dormaient sur le dos d'Écume, tandis que Nuage de Champignon tenait Anguille par la peau du cou. Loutre trottinait joyeusement dans les pattes de la solitaire, sautant sur les papillons de nuit qui osaient s'aventurer près du petit groupe. Avec son pelage blanc et ses taches rousses, elle ressemblait à une version miniature de sa mère, en bien plus énergique.
Nuage de Sauterelle les mena vers un amas de buissons, où elles purent passer la nuit au milieu des champs de blé. Les fourmillements des rongeurs résonnaient autour d'elles lorsqu'elles s'endormirent.
L'aube se levait. Écume s'étira et bâilla, regardant le soleil qui dardait ses rayons couleur jaune et rose. L'air était doux pour un jour de la Saison des Feuilles Mortes. La solitaire regarda Nuage de Sauterelle et Nuage de Champignon dormir autour de ses chatons une dernière fois, puis s'aventura dans les champs, à la recherche de gibier. Grâce aux quelques enseignements de Ressac, elle débusqua et attrapa deux souris, qu'elle rapporta.
« Bonjour Écume ! » miaula gaiement Nuage de Champignon.
Nuage de Sauterelle était un peu plus silencieuse, ce qui était étonnant. La solitaire allaita ses chatons après avoir partagé ses prises avec les deux sœurs, puis le petit groupe repartit. On voyait au loin une ville de bipèdes qui se rapprochait, couvrant reste du paysage.
Mais alors qu'elles allaient quitter les camps, un matou doré et roux avec de grands yeux verts sortit de derrière les tiges. Il toisa quelques instants les trois chattes et les chatons, puis ses yeux s'écarquillèrent.
« Sauterelle ? »
Chapitre 19[]
“Sauterelle” ?
Écume consulta les deux sœurs du regard. Nuage de Champignon semblait perplexe, Nuage de Sauterelle gênée.
« Tu es Soleil, n'est-ce pas ? »
Nuage de Champignon avait finit par briser le silence.
« Oui… » répondit le solitaire.
Écume ne comprenait pas trop. Visiblement, le matou était une vielle connaissance.
« Est-ce que quelqu'un pourrait m'expliquer ? demanda la solitaire.
– Nous avons rencontré Soleil lors de notre voyage, commença Nuage de Sauterelle d'une voix étrange.
– Tu veux dire toi, corrigea sa sœur. Tu l'as rencontré lorsque tu t'es enfuie, me laissant prisonnière !
– On en a déjà discuté, je pensais que tu me suivais ! » se défendit la jeune chatte tachetée.
Assister à une querelle entre sœurs était bien la dernière chose dont Écume souhaitait. Elle échangea un regard perplexe avec Soleil. Il paraissait gentil, plutôt mignon même. Et il semblait craquer pour Nuage de Sauterelle, aussi.
« Bon… les interrompit la solitaire alors que la dispute s'éternisait. Désolée de vous interrompre mais ce n'est pas tellement le moment. Nous devons rentrer au Clan de l'Étang.
– Vous ne l'avez pas encore rejoint ? » Soleil rougit aussitôt après avoir parlé. « Euh… désolé de vous demander ça…
– C'est une longue histoire, dit simplement Nuage de Champignon. Nous devrions d'ailleurs repartir au plus vite. »
Nuage de Sauterelle et elle se placèrent autour d'Écume. Cette-derrière les sentait tendues. Revoir le solitaire semblait leur avoir rappelé le début de leur périple.
« Hum… bonne chance ! » miaula Soleil lorsqu'elles se remirent en route.
Les trois chattes continuèrent leur chemin jusqu'à la ville de bipèdes. Elles firent halte une ultime fois en bordure du dernier champ, puis s'enfoncèrent dans la jungle grisâtre et animée.
Des souvenirs revinrent à Écume ; le nid de bipèdes, bruyant et malodorant. Les cris de ses frères et sœurs de portée. Le petit jardin, avec les graviers coupants et l'herbe sèche. Et tout cela se poursuivant à l'infini…
« Écume ? s'inquiéta Nuage de Champignon. Tu vas bien ? »
La solitaire reprit ses esprits, chassant le tourbillon de son passé.
« Oui, ne t'inquiètes pas. »
Le sol de béton était trop dur pour les petites pattes de ses chatons. Elle fit donc grimper Loutre et Anguille sur son dos, tandis que Câline était sur celui de Nuage de Champignon et Triton celui de Nuage de Sauterelle. Les bruits assourdissants des montres faisaient tourner la tête d'Écume.
Soudain, une chatte dorée tigrée qui passait la tête d'une fenêtre, manqua de s'étouffer en les voyant.
« Écume !? »
La solitaire cligna des yeux alors que la chatte domestique la rejoignait.
« Or… soupira-t-elle.
– Que fais-tu ? demanda Or d'un ton sec.
– Je ne fais que passer, laisse-moi tranquille.
– Ce sont tes chatons ? demanda encore sa sœur.
– Oui. Laisse-nous.
– Les miens sont plus beaux, affirma la chatte dorée tigrée.
– Comme tu veux. »
Écume pressa Nuage de Sauterelle et Nuage de Champignon.
« J'espère que tu aimes ta vie de chatte errante ! » lui cracha Or avant de retourner dans le nid.
Elle n'a pas changé… soupira intérieurement la solitaire.
« Qui était-ce ? demanda Nuage de Champignon.
– La plus agaçante de mes sœurs », répondit simplement Écume.
Heureusement, le petit groupe quitta rapidement la ville de bipèdes. Les deux sœurs semblaient nerveuses en se dirigeant vers le territoire de leur Clan. Écume l'était tout autant, voir plus.
Alors que le soir tombait, un miaulement ténu porté par la vent résonna.
Chapitre 20[]
« Qu'est-ce que c'était ? » demanda Écume.
Elle regarda autour d'elle. Elles avaient atteint un sentier bordé de quelques arbres aux couleurs rougeoyantes. Le soleil couchant n'était plus qu'une tache sanglante qui mourait au loin.
« On dirait un chaton… constata Nuage de Champignon lorsque la plainte reprit.
– Par là ! » Nuage de Sauterelle désigna un buisson rabougri. « Il est sûrement en danger ! »
Écume s'approcha prudemment de l'arbuste et vit une petite forme claire de la taille d'un chaton. Elle sentit aussi sa peur. La solitaire se pencha et saisit le chaton par la peau du cou, avant de le déposer loin du buisson piquant. Elle remarqua alors son absence de duvet.
« Qu'est-ce qu'il a ? demanda Nuage de Champignon, étonnée. Il est malade ?
– Non, il n'a juste pas de poils, expliqua Écume en commençant à le lécher pour le réchauffer.
– Il doit avoir froid ! » s'exclama Nuage de Sauterelle.
La solitaire regarda de plus près le chaton. Il était de couleur claire, avec des petits yeux fermés, des grandes oreilles et une peau avec quelques plis. Il semblait affamé, et sa truffe était sèche. Il avait l'air dormir, et elle n'arrivait pas à le réveiller. Seul le léger mouvement de son poitrail montrait qu'il respirait encore.
« C'est quoi ? demanda Loutre.
– C'est un chaton, ça se voit ! miaula Câline.
– Il vient d'où ? fit Anguille.
– Ils sont où, ses parents ? »
Lorsque Triton posa cette question, Écume frémit. Il a sûrement été abandonné. Je ne vois aucune trace d'autres chats.
« Nous pourrions l'adopter, suggéra la solitaire. On ne peut pas le laisser là, il ne tiendra pas longtemps.
– Oui ! s'exclama Nuage de Champignon. Comme ça, il viendra avec nous dans le Clan ! »
À ce moment-là, le chaton cligna de ses yeux bleus. Il regarda les chats penchés autour de lui, l'air effrayé.
« Ne t'inquiètes pas, mon petit, le rassura Écume. Nous venons te sauver. Sais-tu comment tu t'appelles ?
– Axolotl… articula le chaton.
– Et que faisais-tu dans ce buisson ?
– Je ne m'en souviens pas… »
Le chaton tenta de bouger mais il était très faible. Il semblait être à peine plus jeune que les propres petits d'Écume. La solitaire se tourna vers ses chatons.
« À partir de maintenant, c'est votre frère. Il faut le réchauffer.
– Pourquoi ? » demanda Anguille.
Câline, elle, s'approcha pour le renifler.
« Il doit avoir faim ! miaula-t-elle.
– Arrêtons-nous pour la nuit », décida Nuage de Sauterelle.
Le petit groupe prit place sous un large bouquet de fougères, dont le bout devenait brunâtre. Les cinq chatons se collèrent au ventre d'Écume pour téter, tandis que Nuage de Champignon et sa sœur partaient chasser. Elles ne revinrent qu'avec une musaraigne, qu'elles partagèrent avec la solitaire. Puis, lorsque la nuit fut haute dans le ciel, elles s'endormirent.
Chapitre 21[]
Le lendemain, Écume fut réveillée tôt le matin par ses chatons. Elle les entendit mener un questionnaire sur Axolotl.
« Tu es né où ? demandait Triton.
– T'avais des frères et sœurs ? » miaulait en même temps Loutre.
Le chaton secoua la tête, l'air impuissant devant cette avalanche de questions. Il était encore un peu faible même s'il semblait en meilleure forme que la veille.
« Je ne crois pas que j'avais des frères et sœurs… répondit Axolotl.
– La chance… souffla Câline.
– Tu t'ennuierais si on était pas là », gloussa Anguille.
Amusée, la solitaire les regarda continuer à discuter. Nuage de Champignon revint à ce moment-là, un rouge-gorge entre les crocs - Écume n'avait même pas remarqué qu'elle était partie. Nuage de Sauterelle cligna des yeux en se réveillant.
« J'apporte le repas ! » miaula joyeusement la jeune femelle blanche et grise.
Les trois chattes se partagèrent l'oiseau, puis se remirent en route. Le soleil montait dans le ciel devant elles, caché par quelques nuages grisâtres. Écume portait Axolotl sur son dos, et Câline était sur les épaules de Nuage de Champignon. Les trois autres chatons couraient autour d'eux, sautillant joyeusement. L'air frais de la Saison des Feuilles Mortes commençaient à geler les pattes de la solitaire, qui avait peur que ses chatons n'attrape froid. Mais ils bougeaient si vite qu'ils ne semblaient par sentir la fraîcheur. Rapidement, ils atteignirent un tapis de feuilles mortes au sol. Autour d'eux, des érables étaient plantés en ligne droite autour du chemin. Les chatons disparurent bien vite sous les feuilles en criant de joie, et Câline les rejoignit rapidement. Même Axolotl plongea dans les feuilles mortes. Amusées, Nuage de Champignon, Nuage de Sauterelle et Écume regardèrent les chatons se bagarrer joyeusement au-milieu des feuilles.
Une fois le chemin franchit, les chatons - même Loutre ! - étaient épuisés. Cette-dernière et Triton grimpèrent sur le dos de leur mère, et Anguille monta sur celui de Nuage de Champignon. Nuage de Sauterelle prit Câline et Axolotl sur son dos, et le petit groupe repartit.
À midi, ils s'arrêtèrent pour chasser. Ils progressaient lentement à cause des chatons, qui les ralentissaient, mais les deux sœurs avaient assuré qu'ils arriveraient le lendemain - surtout car ils évitaient le plus possible les installations des bipèdes, qui pourraient être dangereuses pour les chatons.
Le lendemain, lorsque les trois chattes parvinrent à une colline, les deux sœurs se retournèrent vivement vers Écume. Les cinq chatons marchaient dans ses pattes.
« Je vois notre territoire ! miaulèrent-elles en cœur.
– Formidable ! »
Écume ronronna. Enfin un endroit où mes chatons seront en sécurité ! Si on est acceptés bien sûr…
Les trois chattes dévalèrent la colline - les chatons roulèrent en bas de la colline. Alors que leur mère enlevait la terre de leur fourrure, une chatte apparut dans son champ de vision. Instinctivement, elle ramena les cinq chatons derrière elle se fit le gros dos. L'inconnue était une femelle maigre avec un pelage gris et blanc. Une chatte errante. Les chats errants sont dangereux. Mais là, elle est seule contre nous trois. La chatte errante les toisaient d'un regard effrayé… puis son expression changea.
« Colline ? » s'exclama Nuage de Champignon.
Chapitre 22[]
Encore une connaissance ? soupira intérieurement Écume qui n'avait pas du tout envie de revivre le moment avec Soleil.
« Nuage de Champignon ? miaula l'inconnue.
– Colline ! répéta la jeune chatte. Tu n'as pas trouvé le Clan de l'Étang ?
– Non, j'ai essayé de suivre la direction que tu m'avais montrée et de me rappeler des histoires de Vipère… mais je n'ai pas réussi.
– Nous y sommes presque ! l'encouragea Nuage de Sauterelle. C'est une chance que l'on se soit retrouvées !
– Et tu es…
– Nuage de Sauterelle ! »
Alors que la conversation joyeuse s'éternisait, Écume continua à nettoyer ses chatons.
« Remettons-nous en route », décida finalement Nuage de Champignon au bout d'un long moment.
Enfin. Ils se remirent en marche. Les chatons trottinèrent voir Colline, intrigués.
« Tu es qui ? demanda Anguille.
– Je m'appelles Colline, se présenta la chatte errante.
– Je peux monter sur tes épaules ? » demanda Axolotl.
Un peu étonnée, elle accepta. La journée continua, le soleil commença à plonger derrière eux. Écume n'avait jamais autant marché, et elle était sûre d'avoir à présent les pattes et les coussinets très endurcis. Elles ne s'arrêtaient que pour chasser, et à présent qu'elles étaient quatre, le petit groupe allaient légèrement plus vite.
« C'est le marquage de notre Clan ! constata Nuage de Sauterelle le soir, alors qu'elles avaient atteint une forêt plutôt humide.
– Reposons-nous, nous irons rejoindre notre Clan demain », suggéra sa sœur.
Toutes étaient stressées à l'idée de rejoindre le Clan, même les deux sœurs. Pitié, faites que le Clan m'accepte, moi et mes chatons.
Les quatre chattes façonnèrent un abri rapide dans le creux d'un large arbre. Écume s'y installa avec les cinq chatons. Même s'ils étaient très endurants, il ne fallait pas oublier qu'ils n'avaient même pas deux lunes, et qu'ils se fatiguaient vite…
Le crépuscule arriva, et la solitaire n'arrivait pas à dormir. L'angoisse lui serrait le ventre. Et si tout le monde était accepté sauf elle et ses chatons ? Elle serait seule… dans ce monde si hostile… Elle tentait de bouger le moins possible pour ne pas réveiller ses chatons qui dormaient ensemble les uns sur les autres. Ils avaient vite adopté Axolotl. Elle regarda ses si jolis chatons avec tendresse.
Câline était majoritairement noire, ce qui était étonnant, mais avec du blanc et du roux et des yeux bleus qui devenaient verts. Loutre ressemblait beaucoup à sa mère, avec les même yeux bleus et le même pelage blanc tacheté de roux. Anguille était roux tigré, et ses yeux commençaient à devenir verts, seul signe qu'il avait hérité de son père. Quand à Triton… le chaton était entièrement gris/bleu comme Ressac, avec seulement des yeux bleus comme sa mère. Et Axolotl n'avait qu'un fin duvet à peine visible sur sa peau plissée couleur sable encore plus pâle que Nuage de Sauterelle. Nuage de Champignon m'a dit que le Clan de l'Étang apprenait à nager… comment va-t-il faire ? Et s'il était refusé à cause de ça ?
Elle finit par trouver le sommeil, mais il fut loin d'être agréable.
Chapitre 23[]
Écume se réveilla courbaturée, épuisée et encore plus angoissée. Les chatons, eux, étaient plus excités que des puces.
« On va voir d'autres chatons dans le Clan ? demanda Loutre à Nuage de Champignon.
– Éclat de Prêle attendait des petits lorsque nous sommes parties, ils doivent être nés, répondit la jeune chatte.
– Trop bien ! » La chatonne se retourna vers ses frères et sœurs. « On va voir d'autres chatons ! »
Ils sont bien les seuls à être aussi enjoués… songea leur mère. Colline se léchait nerveusement le pelage, Nuage de Sauterelle remuait les oreilles impatiemment, et même Nuage de Champignon frémissait.
« Allons-y, miaula finalement cette-dernière. Ne traînons pas. »
Écume prit Axolotl et Câline sur son dos, Loutre grimpa sur les épaules de Colline et les deux sœurs eurent Anguille et Triton sur les leurs. Lorsqu'elle franchit la frontière, la solitaire sentit son cœur battre violemment de peur. Elle avait de plus en plus chaud. L'odeur du Clan de l'Étang était partout. Après avoir marché quelques minutes qui semblaient à Écume à la fois des heures et des secondes, ils cheminèrent sur un sentier marqué par de nombreuses traces de pas et arrivèrent devant une rivière. Des pierres qui affleuraient de l'eau les aidèrent à traverser sous de larges branches des saules pleureurs.
Le petit groupe passa entre deux gros rochers… et ils se retrouvèrent dans le camp. Écume chancela. Il y avait tant de monde ! Comment pouvaient-ils retenir tout les noms ? Les tanières des roseaux étaient déposés avec soin autour de du presqu'îlot. Des chats dégustaient des poissons ou deux rongeurs à l'ombre des arbres, d'autres discutaient ou prenaient le soleil. Dans un coin, une jolie chatte rousse et blanche surveillait une petite chatonne, plus jeune qu'Axolotl.
Écume regarda comme au ralentit toutes les têtes se tourner vers eux. Puis un miaulement étonné résonna :
« Nuage de Champignon ? Nuage de Sauterelle ? »
Des chats s'approchaient pour saluer les deux jeune chattes. Puis, un matou leur demanda :
« Et elles ? » Il désigna Colline et Écume. « Qui sont-elles ?
– Ce sont des amies… elles veulent nous rejoindre. »
Des murmures se firent entendre.
« Où étiez-vous ?
– D'où viennent-elles ?
– Nous ne pouvons pas les accepter !
– Mais regarde les chatons… »
Écume frémit lorsqu'une grande chatte au pelage léopard se dressa devant tous. C'est la cheffe.
« Nous ne pouvons refuser une reine et sa portée. Mais pour rester en tant que chasseuse, tu devras faire tes preuves. Tout comme toi, ajouta-t-elle en désignant Colline. Je ne peux pas risquer de mettre mon Clan en danger. Comment t'appelles-tu ?
– Écume… je m'appelle Écume. Et je vous promets de vous être loyale, si vous protégez mes chatons. Je chasserai pour vous et je combattrai à vos côtés. Mais pitié… sauvez-les de ce monde plein de dangers… »
Sa voix se brisa. Mais elle se reprit, leva le menton, plissa les yeux. Son regard était à présent brillant de détermination. La meneuse la toisa puis miaula :
« C'est d'accord. »
Ressac, tu m'as peut-être brisée. Mais tu m'as aussi rendue plus forte.
Épilogue[]
Or bondit sur le rebord de la fenêtre pour regarder à travers.
Depuis qu'Écume était passée en-dessous avec ses chatons il y a deux jours, elle regardait presque tout le temps, espérant l'apercevoir. Non pas parce qu'elle s'inquiétait pour cette chatte errante… mais pour les chatons. Que serait leur vie avec elle ? Ils ne devaient pas vivre ainsi, errants dans la nature. Ils devaient avoir un foyer sûr, avec des maisonniers et à manger. Écume avait choisi de vivre comme une chatte errante, mais elle ne pouvait pas l'imposer à ses chatons !
Or regarda ses propres petits, allongés dans leur panier. Chocolat, Sultan et Plume étaient certes plus mignons que ceux d'Écume, mais ils valaient tout autant. Elle devait les retrouver. Mais comment ? Elle était bien, ici… elle ne bougeait jamais de la maison.
Un miaulement résonna en bas de la fenêtre. Le cœur d'Or s'enflamma d'espoir, mais ce n'était que Caresse. Ses propres maisonniers l'avaient abandonné il y a une lune.
« Tu as trouvé de nouveaux maisonniers ? demanda Or à son frère.
– Non, toujours rien… se lamenta-t-il. Mais je crois que la vie de solitaire me plaît de plus en plus… Peut-être que je vais m'installer là-bas, au bord de la ville… »
Alors qu'il parlait, un plan germa dans la tête d'Or. Elle ne pouvait pas retrouver elle-même les chatons… mais quelqu'un d'autre pouvait le faire à sa place…
« Sinon, Caresse, j'ai une idée pour toi : Écume est passée avec ses chatons juste ici il y a deux jours. J'imagine que tu sens encore sa piste. Tu n'as qu'à la suivre et retrouver ses chatons. Si tu me les ramènes, je te promets de t'aider.
– Quoi ? Tu veux dire que tu veux lui voler ses petits ?
– Non, juste les mettre en sécurité. Imagine tout ce qu'il pourrait leur arriver, dehors ! Si tu y arrives, tu auras une nouvelle maison… »
Caresse allait accepter, elle le savait. Il était si naïf, elle le manipulait depuis chaton ! Et ainsi, elle aurait les petits d'Écume.
Attendez un peu, les chatons. Je vous sauverai très bientôt…