Wiki Vos histoires de LGDC
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Informations série[]

Cycle[]

Hors-série[]

Allégeances[]

Allégeance du Clan du Tonnerre
Lieutenant(e)
Vent Gris : matou gris très rapide
Guérisseur(se)(s)
Croc Blanc : mâle blanc tâché de gris Cœur Roux : chat roux pâle tigré aux yeux dorés
Guerrier(ère)s
Feuille d'Aubépine : chatte brun clair tacheté

Toile d'Araignée : chat noir avec de fines rayures blanches et les yeux gris
Épine de Sapin : chat au poil brun très sombre avec des yeux jaune
Bois de Chêne : grand mâle brun-doré
Jolie Moustache : femelle calico aux yeux gris-bleu
Plume de Grive : femelle au poil brun moucheté et aux yeux noisette
Cœur de Mousse : femelle écaille de tortue aux yeux noisette
Pelage de Cendre : chatte gris foncé
Fleur de Givre : femelle blanche immaculée
Apprentie : Nuage de Tournesol
Museau Tigré : femelle gris clair avec des rayures noires
Plume de Hibou : mâle crème aux yeux ambrés
Queue de Mulot : mâle brun
Truffe de Blaireau : matou noir et blanc
Aile de Chouette : chatte brun pâle tigré

Pelage de Ronce : chat brun-gris rayé de noir
Apprenti(e)(s)
Nuage de Tournesol : jeune chatte au poil doré avec le bout des pattes blancs
Reine(s)
Aile Brisée : chatte brun-gris et blanc (mère de Petit Trèfle, Petit Scarabée et Petite Chenille)
Patte Givrée : chatte grise avec une patte avant blanche (mère de Petite Pluie et Petit Papillon)
Chaton(ne)(s)
Petit Trèfle

Petit Scarabée
Petite Chenille
Petite Pluie

Petit Papillon
Ancien(ne)(s)
Vieille Branche : vieux chat brun tigré de noir à la queue très abîmée

Graine d'Ortie : chatte noire au pelage hirsute

Poil de Musaraigne : matou borgne au pelage gris rayés et aux yeux jaunes
Allégeance du Clan de la Rivière
Chef(fe)
Étoile Glacée : chatte grise avec le ventre blanc
Lieutenant(e)
Croc de Loutre : matou brun-roux aux yeux ambrés
Guérisseur(se)(s)
Guérisseuse : Plume de Miel : chatte crème à la queue plus foncée Apprentie : Rivière Grise : chatte argentée
Guerrier(ère)s
Patte de Héron : mâle brun foncé tigré aux yeux gris

Plume Sombre : mâle gris foncé aux yeux bleus et le ventre blanc
Lune Givrée : chatte blanche tigrée de gris
Perle Bleue : femelle au poil gris-bleu
Pétale de Pissenlit : chatte blanche aux yeux gris
Griffe d’Ambre : matou roux aux yeux verts
Brume de Rosée : chatte rousse avec des tâches blanches
Rayon de Soleil : beau mâle doré
Pelage Ardent : mâle au beau pelage roux
Douce Nuit : chatte noire
Serre d’Aigle : mâle brun tigré aux yeux ambrés
Poil de Jonc : femelle au poil crème moucheté
Fleur de Saule : chatte brun-dorée
Baie d’Ajonc : chatte écaille aux yeux noisette
Bec d'Oiseau : femelle blanche et grise

Truffe de Souris : femelle grise
Apprenti(e)(s)
Nuage de Plume : jeune chatte noire et blanche
Reine(s)
Pelage de Menthe : femelle au poil brun et blanc (mère de Petit Nuage et Petit Champignon)
Chaton(ne)(s)
Petit Nuage Petit Champignon
Ancien(ne)(s)
Rive Gelée : vieille chatte au poil brun rayé

Croc de Belette : vieu chat roux pâle
Poil de Sureau : matou gris

Queue de Poisson : mâle brun-gris
Allégeance du Clan du Vent
Chef(fe)
Étoile de Pie : chatte noire et blanche
Lieutenant(e)
Bec de Faucon : matou roux parsemé de tâches plus sombres
Guérisseur(se)(s)
Petit Pas : petit mâle gris
Guerrier(ère)s
Patte de Lièvre : jeune mâle brun doré

Tempête de Neige : petite femelle blanche
Œil de Braise : petit chat noir avec le ventre et la gorge blanc aux yeux vairons : un œil bleu et un œil jaune
Truffe de Loir : chat gris avec des rayures sombres
Poil de Hérisson : matou brun tigré
Griffe d'Écorce : chat gris cendré
Aile de Merle : mâle noir avec les pattes blanches
Œil de Tigre : matou roux tigré
Graine Gelée : chatte blanche avec des tâches rousses
Patte Agile : chat au poil doré
Vol d’Hirondelle : petite femelle brun gris avec le ventre blanc
Plume de Poussière : mâle gris pâle
Tornade Fauve : mâle beige avec le bout des pattes et les oreilles plus foncés
Nuit Cendrée : chatte noire tachetée de blanc

Croc de Renard : mâle roux
Apprenti(e)(s)
Aucun
Reine(s)
Tige de Lierre : chatte beige mouchetée au yeux bleus (mère de Petite Brise et Petite Moustache)
Chaton(ne)(s)
Petite Brise Petite Moustache
Ancien(ne)(s)
Épine Noire : chat noir avec une tâche blanche sur le menton et une déformation au visage

Pelage Fauve : chat brun roux aux yeux ambrés

Croc de Givre : chatte gris pâle aux pattes blanches
Allégeance du Clan de l'Ombre
Chef(fe)
Étoile de Fougère : chat brun
Lieutenant(e)
Plume de Mésange : chatte rousse
Guérisseur(se)(s)
Œil de Lune : chatte gris pâle avec un œil aveugle Apprentie : Nuage de Branche
Guerrier(ère)s
Pétale d’Argent : chatte au pelage argenté

Aile de Jais : femelle noire à la queue blanche
Apprenti : Nuage de Serpent
Poil de Grenouille : mâle noir et blanc aux yeux gris
Pelage de Suie : matou gris rayé de noir
Branche de Frêne : chat crème
Apprentie : Nuage de Glace
Plume de Mésange : chatte rousse
Poil Epineux : brun-roux au poil hirsute
Pelage d’Orme : matou brun tigré
Apprentie : Nuage de Prêle
Ecaille de Lézard : matou gris tigré
Baie Cendrée : chatte gris tigrée
Feuille de Bruyère : femelle dorée avec le bout des pattes blanc
Lac de l’Aube : chatte écaille
Ciel Clair : chatte grise très pâle aux yeux bleus
Œil de Corneille : matou gris très sombre

Brume Légère : femelle grise pâle
Apprenti(e)(s)
Nuage de Serpent : jeune mâle brun rayé de noir

Nuage de Glace : jeune femelle gris pâle avec des tâches blanches

Nuage de Prêle : jeune femelle brun
Reine(s)
Fleur Rouge : chatte roux foncé Perle de Givre : chatte blanche avec la queue et les pattes grises
Chaton(ne)(s)
Aucun
Ancien(ne)(s)
Cœur de Lichen : matou brun-doré aux membres fragiles, autrefois très fort

Cœur de Hêtre : chat gris avec des tâches plus sombres

Demi-Queue : mâle brun avec le ventre blanc et une petite queue
Divers
Plume de Hêtre : chat roux brillant aux yeux verts. Ancien guerrier du Clan du Tonnerre qui vit près du territoire des chevaux.

Liv : chatte grise au ventre pâle qui vit près du territoire des chevaux.

Petite Aurore : jeune chatte tricolore. Ancienne chatonne du Clan du Tonnerre qui vit près du territoire des chevaux.


Prologue[]

"Tu sais où on va ?

- Non. Tu viens ?

- Je viens..." fit la chatte, ne pouvant s'empêcher de regarder autour d'elle comme si elle avait la conviction que quelqu'un - ou quelque chose - les observait.

Le grand mâle noir qui l'accompagnait dressa les oreilles vers elle, avant de s'approcher et de lui lécher tendrement le front.

"On peut encore faire demi-tour, lui murmura-t-il. Si tu souhaites changer d'avis, il faut le faire maintenant.

- Non, nous devons le faire. Tout cela était mon idée, je ne vais pas abandonner maintenant. Toi, tu as changé d'avis ?

- Absolument pas ! Je t'aime, et je refuse de vivre un jour de plus loin de toi. C'est la seule solution."

L'air de la nuit était tiède. Ce n'était pas une de ces nuits où chaque pas gelait les coussinets, où chaque souffle glaçait la gorge et où les arbres morts dirigeaient leurs branches mortes menaçantes vers tous les petits animaux qui passaient en dessous. Cette nuit, l'atmosphère était agréable, douce, presque encourageante. Le sol était doux, et le bruissement des feuilles se mêlait au rythme de leurs pas. Une nuit où rien de mal ne semblait pouvoir arriver.

Côte à côte, les deux compagnons cheminaient prudemment entre les arbres sur un terrain qui leur était alors inconnu. Mais étrangement, cela ne les inquiétait pas. En d'autres circonstances, se trouver sur un territoire qui n'appartient pas aux clans auraient dû les effrayer, les faire rebrousser chemin, mais pas cette nuit. Pour la simple et bonne raison qu'ils étaient ensemble, qu'ils avaient prit leur décision, et que rien ne pourrait plus les séparer.

Au bout de quelques pas, la femelle poussa un nouveau soupir, qui attira l'attention de son compagnon. Il ne la questionna pas, attendant qu'elle s'exprime d'elle-même.

"Je m'inquiète pour eux...

- Je sais, souffla le chat noir en posant la queue sur son épaule gauche. Tout ira bien pour eux, ils ne sont pas seuls.

- Ils auront une mère formidable, personne ne leur fera rien, miaula sa compagne, plus pour elle-même que pour lui. C'était un sacrifice à faire. Nous aurons d'autres chatons, là où nous allons. Où que ce soit. Qu'est ce qui te fait rire comme ça ?

- Toi, ronronna le matou en frottant sa tête contre celle de sa compagne. C'est étrange de devoir te rassurer, pour une fois.

- Alors fais-le bien, rétorqua-t-elle, même si sa voix manquait d'assurance. C'est facile pour toi. Tu ne les as pas vu.

- Et à voir ton état, j'en suis presque soulagé. Ça aurait rendu tout cela bien plus dur."

Un frisson parcourut l'échine de la femelle, mais elle le chassa rapidement. Ce n'était pas le moment de douter, pas après tout ce qu'ils avaient fait. Et pourtant, tant de questions la tourmentaient, cette nuit.

"Je me demande s'ils vont nous détester, finit-elle par miauler tout haut sans le vouloir. Pour les avoir laissés.

- Tu crois ? Mais ils sont si petits... Ils ne se souviendront pas.

- Pas eux, cervelle d'oiseau. Les autres. Nos clans, nos chefs, nos familles. Peut-être même les trois.

- Probablement, mais on savait dans quoi on s'engageait." Il fit une pause, mais reprit en constatant le silence de sa compagne. "Je sais que ça fait peur. Mais quand je pense à tout ce qu'on va découvrir... À cette vie qu'on va construire, loin des frontières, des règles, de tout ça... Je suis si impatient !"

Elle leva les yeux vers lui, étonnée. Peur ? Elle n'avait pas peur. Elle se posait juste des questions, rien de plus normal. Si elle avait eu peur, elle ne l'aurait jamais convaincu de partir.

"On aura notre territoire, notre histoire, conclut le félin, les yeux brillants. Ce sera peut-être difficile, mais ce sera à nous."

Alors qu'ils s'enfonçaient plus profondément dans les bois, le sol devint soudain instable. La pluie récente avait transformé le chemin en un bourbier glissant, où chaque pas semblait les enfoncer davantage. La femelle pesta en retirant une patte embourbée avec difficulté.

"On aurait dû contourner cette partie, grogna-t-elle, agacée.

- Et risquer d'être retrouvés par une patrouille ? répondit le mâle d'un ton calme, bien que ses muscles tendus trahissaient sa frustration. C'est juste un passage difficile. On doit continuer encore un peu."

Sa compagne, dont le pelage brun paraissait aussi noir que celui de son amant dans la nuit, le scruta un instant en plissant les yeux. Il était étrange de le voir prendre des décisions, pour une fois. Jamais elle n'aurait pensé que leur choix le transformerait à ce point. Et pourtant, le voir ainsi ne la dérangeait pas le moins du monde.

Avant qu'elle n'eut le temps de lui répondre, un craquement retentit à quelques pas devant eux, du haut de la butte qui s'élevait devant leur museau. Un grondement sourd suivit, mais aucun des deux ne pouvait voir ce qui se trouvait en haut. Ils s'immobilisèrent, oreilles dressées, leurs cœurs battant à tout rompre.

"Qu'est ce que c'était ? demanda le mâle, le souffle court.

- Une branche... peut-être un arbre." répondit-elle, bien qu'elle n'en fût pas certaine.

Le sol vibra légèrement sous leurs pattes, et un second craquement, plus proche cette fois, les fit bondir en arrière. Une énorme souche, arrachée par une tempête passée, bascula brusquement et roula dans leur direction, entraînant avec elle une cascade de terre et de racines brisées.

"Cours !"

La jeune chatte n'attendit pas pour réagir, et s'élança sans réfléchir, zigzaguant entre les arbres pour échapper à l'éboulement. Elle ouvrait la voie, mais elle savait que son compagnon la talonnait, malgré sa difficulté à tenir le rythme. Soudain, elle entendit un choc suivi d'un gémissement qui ressemblait à un appel à l'aide. Faisant volte face, elle découvrit une racine traîtresse enroulée autour d'une patte arrière de son amant. Il luttait pour se relever, mais le sol glissant l'empêchait de se dégager. Le bruit de l'éboulement se rapprochait dangereusement.

D'un bond, la chatte, fut à ses côtés et l'attrapa par la peau du cou entre ses crocs pour le tirer en arrière. Avec un ultime effort, elle parvint à le dégager juste avant que les débris ne s'abattent à l'endroit où ils se tenaient.

Ils roulèrent dans l'herbe humide, haletants mais indemnes. Le matou au pelage de nuit releva la tête, encore tremblant.

"C'était moins une, fit la femelle tandis que son protégé fixait l'éboulis qui obstruait désormais leur chemin.

- Ça aurait pu mal finir, répondit-il finalement en hochant la tête.

- Mais on s'en est sorti. Ensemble."

À son tour, elle lui passa un rapide coup de langue sur le front pour le rassurer.

"Tu m'en dois une, miaula-t-elle, espiègle.

- Là, je te retrouve." ronronna son compagnon.

Se remettant sur patte, il leva lentement la tête vers une trouée dans les nuages qui laissait apparaître quelques étoiles.

"Peut-être qu'ils veillent sur nous, après tout." murmura-t-il comme pour lui-même.

La chatte ne répondit pas, et se contenta de s'ébrouer pour se débarrasser de l'herbe et de la terre qui s'étaient accrochés à son pelage. Après une brève pause, ils reprirent le chemin, contournant l'obstacle qui se présentait devant eux.

Le mâle ralentit un instant et leva à nouveau les yeux vers le ciel, les yeux brillant d'une étrange mélancolie. Les étoiles brillaient, froides et lointaines, comme si elles les observaient.

"Tu crois qu'ils nous jugent ? demanda-t-il doucement, sans la regarder.

- Qui ça ? Le Clan des Étoiles ?"

Il hocha la tête, poussant un soupir. Elle y avait pensé avant leur départ, mais s'était promis de laisser leurs ancêtres derrière eux, pour rendre leur décision moins lourde. Pourtant, elle savait qu'elle ne pourrait jamais s'en détacher complètement. C'était un peu déstabilisant de constater que chacun des deux s'inquiétait pour des raisons complètement différentes.

"Peut-être, oui. Mais s'ils savaient ce que c'est... Ce que c'est que de se sentir incomplet sans quelqu'un... Ils ne devraient pas nous juger."

Il ne répondit pas, mais ses oreilles frémirent, signe qu'il réfléchissait. Après un instant, il secoua la tête et planta son regard droit devant lui, déterminé à continuer sa route. Silencieusement, sa compagne réalisa soudain à quel point elle était heureuse d'être avec lui en cet instant, à cet endroit précis.

Ils marchèrent encore, laissant derrière eux les odeurs familières de la lande, les murmures du vent entre les herbes hautes, et cette vie qu'ils abandonnaient. Tout semblait différent maintenant, plus grand, plus vaste. Comme si le monde lui-même avait changé avec leur décision.

Le mâle se remit à parler, presque pour lui-même, tout en marchant d'un pas pressé.

"Je me demande si on n'a pas pris la solution la plus simple. Si on n'a pas... fui, au lieu de se battre. Si on n'a pas été égoïstes.

- Égoïstes ? Tu te rends compte de ce qu'on laisse derrière nous ? De ce qu'on sacrifie ? Nous avons choisi de leur offrir une chance. Une vraie chance. Toi et moi... Toi et moi, on saura se débrouiller. Mais eux... Ils méritent de grandir là où ils seront en sécurité. Nous ne pouvons pas leur imposer notre choix. "

Son compagnon baissa la tête, vaincu. Elle savait qu'elle avait raison, bien sûr. Mais cela n'effaçait pas le poids qui alourdissait son cœur à chaque pas.

La forêt s'épaississait autour d'eux, les ombres des arbres se firent plus denses, plus oppressantes. Pourtant, ni l'un ni l'autre ne ralentissait. Ils ne savaient pas où ils allaient, mais ils savaient qu'ils devaient continuer.

Ils atteignirent enfin une petite clairière, baignée par la lumière d'un fin croissant de lune. La chatte s'arrêta net et tourna une dernière fois la tête vers l'horizon. Elle n'y voyait rien, mais elle savait ce qu'elle laissait derrière elle. D'après la distance qu'ils avaient parcouru depuis leur départ, elle savait qu'aucune patrouille ne viendrait les trouver. À partir de ce point, aucun demi-tour n'était possible, aucune marche arrière. À partir de maintenant, ils devraient assumer pleinement les conséquences de leurs actes, sans même les connaître entièrement.

"Alors, c'est ici que ça commence." souffla le mâle noir d'une voix qui se voulait forte, mais qui tremblait légèrement.

La femelle hocha la tête, son regard fixé sur la forêt inconnue devant eux.

"Oui. Ici, et maintenant."

Chapitre 1[]

Cœur Roux s’éveilla dans sa tanière creusée dans la roche, le souffle court. Un cauchemar, rien de plus, se dit-il en secouant les oreilles, soulagé de voir que la forêt n’avait pas réellement pris feu. Malgré la chaleur écrasante, un frisson parcourut son pelage tandis qu’il étirait ses pattes fatiguées.

Par réflexe, il jeta un regard rapide autour de lui. Croc Blanc était en meilleur forme, mais il dormait encore beaucoup. Au moins, son apprenti sentait son cœur plus léger de savoir que sa vie n’était plus en danger. Les plantes médicinales soigneusement rangées dans les creux le long de la parois semblaient ternes, presque desséchées, un triste rappel de la sécheresse qui régnait depuis maintenant plusieurs lunes. Notre destin est entre les pattes du Clan des Étoiles… Et de Plume de Grive et Aile de Chouette.

D’un geste lent, il huma les quelques tiges de camomilles qu’il avait ramassés la veille. Encore bonnes, mais pas pour longtemps, remarqua-t-il en ravalant une grimace. L’idée que leurs réserves s’amenuisaient alors que l’eau empoisonnée continuait de rendre les proies malades pesait lourd sur ses épaules.

Il chassa cette pensée et sortit de sa tanière après avoir baillé à s’en décrocher la mâchoire. Dehors, le soleil levant inondait déjà la clairière d’une chaleur accablante, bien qu’un souffle d’air léger la rendait plus supportable que la veille. Heureusement, la haute paroi de la combe protégeait le Clan du Tonnerre d’une partie de la chaleur. Cœur Roux n’osait se demander comment le Clan du Vent supportait cette saison. Au moins, si les ruisseaux n’étaient pas eux aussi asséchés, le Clan de la Rivière pouvait se rafraîchir avec des baignades. Quant au Clan de l’Ombre, peu de rayons de lumière parvenaient à percer la couche opaque que formait la pinède. Du moins, c’est ce que le guérisseur avait entendu dire, ne s’étant que très rarement aventuré sur le territoire de leurs voisins.

La combe s’éveillait à peine. Quelques vétérans bavardaient sous l’ombre de la Corniche, mais Cœur Roux ne pouvait pas entendre un seul mot sous le bourdonnement constant des insectes. Son regard s’attarda sur Plume de Hibou, qui partageait un rongeur avec Truffe de Blaireau en fixant d’un œil distrait l’entrée du camp. Le guérisseur compris qu’il attendait le retour d’Aile de Chouette avec plus d’impatience que quiconque. Cette pensée le fit ronronner malgré lui.

Mais ce matin, quelque chose d’inhabituel attira son attention. Le vent qui caressait son museau n’avait plus la même odeur. Intrigué, il leva la tête en plissant les yeux, ébloui par le soleil matinal. Pour une fois, le ciel n’était pas uniformément bleu, mais teinté de gris. De larges nuages commençaient à s’étirer paresseusement, et l’air était plus chargé d’humidité qu’à l'accoutumé. Cœur Roux y vit une forme d’espoir, un signe que leur calvaire était terminé, mais n’osa pas trop y penser. Ces nuages étaient peut-être simplement de passage.

Après avoir grignoté un petit moineau avec Museau Tigré, le jeune chat roux et blanc entreprit ses corvées quotidiennes. Il s’assura dans un premier temps que les anciens ne suffoquaient pas, et envoya Nuage de Tournesol et Pelage de Ronce leur chercher de l’eau au lac. Vieille Branche n’avait pas cessé de se plaindre de la chaleur, du manque de place dans la tanière, ou même d’une musaraigne qui manquait de goût, signe que tout allait bien. Rassuré, Cœur Roux se dirigea ensuite vers la pouponnière. Les chatons semblaient fatigués, mais pas malades.

Et enfin, il retourna dans l’antre des guérisseurs pour faire son rapport à Croc Blanc. Comme il s’y attendait, celui-ci s’était levé et faisait à son tour une inspection des remèdes. Se dandinant d’une patte sur l’autre, mal à l’aise, Cœur Roux attendit patiemment que son mentor termine son ouvrage pour lui adresser la parole. Enfin, Croc Blanc se tourna vers lui en agitant les oreilles.

Depuis le départ de l’expédition vers la rivière, la relation entre les deux guérisseurs du clan était tendue. L’apprenti culpabilisait d’avoir organisé ce plan dans le dos de son mentor, même si celui-ci n’était alors pas en état de prendre de décisions. Même si je suis guérisseur, je suis toujours son apprenti, ne cessait-il de se répéter. Je ne peux pas agir comme ça me chante dès qu’il a le dos tourné. Il avait la désagréable sensation d’avoir trahi sa confiance, d’avoir pris plus d’initiative qu’il n’en avait le droit. Comment réagirait Étoile Charbonneuse, s’il apprenait que Vent Gris avait organisé un plan de cet envergure sans lui en parler ? Comment pourrait-on être secondé par un chat en qui nous n’avons aucune confiance ?

Tandis que Croc Blanc faisait frémir ses moustaches, Cœur Roux ne put s’empêcher de baisser le regard vers le sol.

“J’ai terminé mon tour du camp, déclara-t-il en s’asseyant. Rien d’anormal.

- Pas de nouveau malade ?

- Pas que je sache. Patte Givrée va mieux, même si elle est encore fatiguée. Elle a passé une sale nuit, mais elle s’en remettra. Elle a nommé ses petites : Petit Papillon et Petite Pluie.

- Petite Pluie ? répéta Croc Blanc, à la grande surprise de son apprenti, en ouvrant les yeux d’un air étonné.

- Ce n’est pas bien ? miaula Cœur Roux, confus.

- Si, c’est juste… pas si surprenant, à la réflexion. Ce sont de beaux noms.”

Quelque chose semblait avoir perturbé Croc Blanc, mais Cœur Roux ne le questionna pas davantage. S’il avait appris quelque chose de son mentor, c’est qu’il valait mieux laisser les chats parler quand ils y étaient prêts plutôt que leur forcer la patte.

“Le plus important, c’est qu’elles aillent bien, repris Croc Blanc en hochant la tête.

- Elles vont bien, toutes les trois. Patte Givrée a l’air… un peu différente, je ne saurais pas l’expliquer.

- Devenir mère, ça change une chatte. Depuis hier, elle a quelque chose à protéger qui est plus important que sa propre vie. Cela ne la laisse pas indifférente.

- Tu as sans doute raison, je ne m’inquiète pas pour elle.”

Un étrange silence s’installa, durant lequel Croc Blanc se passa lentement une patte derrière l’oreille. Alors qu’il aurait voulu rester à l’abri du soleil de midi, Cœur Roux eut l'impression que son mentor attendait qu’il quitte la tanière, sans oser le lui demander. Il baissa instinctivement les yeux, les pattes brûlantes de gêne.

“Je vais… voir si je peux trouver de la bourrache, je crois que nous n’en avons plus beaucoup. Ça peut toujours servir, improvisa-t-il en commençant à se diriger vers la sortie, le pas hésitant.

- Attends… Cœur Roux, j’aimerais te parler de quelque chose.”

La voix de Croc Blanc semblait si grave que Cœur Roux sentit un nœud se former dans son ventre, et il se figea sur place. Quoi qu’il ait à m’annoncer, ça ne sent pas bon, s’inquiéta-t-il en forçant ses pattes à faire demi-tour pour venir se placer en face de son mentor. Celui-ci le scrutait, les yeux plissés, comme s’il cherchait quelque chose dans ses yeux. Quelque chose d’important, à en juger par son expression.

“Sais-tu pourquoi je refusais de manger, quand j’étais malade ? lui demanda sans préambule le guérisseur blanc et gris d’une voix neutre.

- Parce que… Pour te protéger. Plusieurs chats sont morts à cause du poison, tu ne voulais pas prendre de risque, répondit immédiatement Cœur Roux en clignant des yeux, pris au dépourvu.

- Si ça ne tenait qu’à moi, j’aurais accepté mon sort, au risque de rejoindre le Clan des Étoiles. Pour tout te dire, j’y suis déjà prêt.”

Il fit une pause, pendant laquelle Cœur Roux retint son souffle. Il n’avait pas la moindre idée de la direction qu’allait prendre cette discussion, mais elle le mettait mal à l’aise.

“Ce n’est pas que je ne voulais pas prendre de risque, mais je ne pouvais pas en prendre. Du moins, c’est ce que je pensais. Je suis le guérisseur du Clan du Tonnerre. Ma mort, au beau milieu d’une épidémie, aurait laissé le clan à lui-même, l’aurait condamné. Si je voulais avoir une chance de les sauver, je devais survivre. Même si ça signifiait m’affamer. Même si on m’avait assuré que le gibier était vide de toute trace d’empoisonnement, je n’aurais pas pris de risque. L’enjeu était bien trop grand.”

Le cœur de son apprenti se serra tandis qu’il commençait à comprendre. J’avais raison. Il ne me fait pas confiance. Et l’expédition le lui a confirmé. En un éclair, il se demanda si Étoile Charbonneuse avait le droit de démettre un chat de ses fonctions de guérisseur. Mais un chef de clan a tous les droits, rien n’était impossible. Contre toute attente, le regard de Croc Blanc s’adoucit légèrement, et sa queue s’enroula autour de ses pattes avant.

“Je me suis rendu compte… que j’ai eu tort. Pendant tout ce temps, j’ai été absent, et tu n’as eu aucune pause. Je t’ai laissé gérer le clan seul, et tu as excellé.

- Tu n’étais pas en état de soigner des blessés, tu tenais à peine debout, balbutia Cœur Roux en fuyant son regard.

- Je n’ai pas eu tort de ne pas t’avoir secondé. J’ai eu tort de penser que j’étais indispensable au Clan du Tonnerre.

- Mais tu l’es !

- Plus maintenant, fit le guérisseur avec un sourire rare. Je n’ai plus rien à t’apprendre, Cœur Roux. Et je suis plus que soulagé de savoir que si je venais à disparaître, je laisserais le Clan du Tonnerre entre d’excellentes pattes.”

Cœur Roux ouvrit la bouche, mais sa gorge était comme sèche. Il s’était attendu à beaucoup de choses, mais sûrement pas à ça. Et même en y mettant toute sa volonté, il avait du mal à accepter ces éloges. Poil de Pigeon et Nuage de Moineau étaient morts sous sa garde, ça ne serait pas arrivé avec Croc Blanc.

“Tu as même fait plus que ça, reprit Croc Blanc devant le silence de son apprenti. Tu as enquêté sur ta prophétie, trouvé une solution, mis tout en œuvre pour l’appliquer et organiser une rencontre entre deux chefs qui ne se supportent pas pour le bien de tous.

- Petit Pas m’a beaucoup aidé, répliqua Cœur Roux, sur la défensive. Et rien ne nous dit que tout cela a servi à quelque chose. Peut-être que l’expédition reviendra bredouille.

- Peut-être. Ce que j’essaie de te dire… c’est que je suis fier de t’avoir comme apprenti. Et désormais, je ne te considèrerai plus comme tel, mais comme mon égal.”

Cœur Roux en resta bouche bée. Peut-être que les restes de fièvre de Croc Blanc lui embrumaient le cerveau, qu’il ne pensait pas ce qu’il disait. Après tout, le matou gris et blanc n’avait pas pour habitude de dire ce qu’il pensait. Cœur Roux savait qu’il devait répondre quelque chose, mais c’était comme si tous les mots venaient de s’envoler dans une brise matinale de la saison des feuilles mortes. Finalement, il ne put que articuler la première chose qui lui venait à l’esprit, la seule dont il était convaincu.

“Je ne sais pas quoi dire…

- Je m’y attendais, fit Croc Blanc en soufflait du museau, l’air amusé, avant de se remettre sur ses quatre pattes. Il fallait que tu le saches. Maintenant, je vais m’activer et aller chercher de la bourrache. Quant à toi, tu as bien mérité une sieste.

- Veux-tu que je t’accompagne ?

- Non, rest… C’est comme tu veux, se reprit-t-il en faisant onduler sa queue derrière lui.

- Tu as raison, il vaut mieux que l’un de nous reste au camp. Bonne chance.”

Le guérisseur fit un signe de la queue en guise de salut, avant de disparaître derrière le tunnel de fougère, laissant Cœur Roux seul. Est-ce que tout ceci vient vraiment d’arriver ? Est-ce encore un rêve dont je vais bientôt me réveiller ?

Avant qu’il ne puisse se mordiller l’épaule pour s’assurer d’être éveillé, un grondement sourd et étonnement proche résonna dans la combe. D’un bond, Cœur Roux quitta son antre, cherchant l’origine du bruit qui semblait prêt à les avaler. La première chose qu’il fut forcé de constater, c’est la pénombre qui avait envahi le camp. Les guerriers s’étaient tu, la truffe levée vers le ciel, tandis que les chatons se ruaient pour s’abriter dans la pouponnière. Même Étoile Charbonneuse était sorti pour venir se poster en haut de la Corniche, l’air plus intrigué que apeuré.

Instinctivement, Cœur Roux leva la tête vers le ciel à son tour, et ce qu’il vit lui hérissa l’échine. Les petits nuages de la matinée s’étaient rassemblé et consolidé pour former un immense tapis noir qui recouvrait tout le ciel à perte de vue. Une lumière cligna brièvement derrière la masse qui menaçait d’éclater à tout instant, et le grondement qui suivit fut plus puissant encore que le précédent. Une première goutte froide tomba sur l’oreille gauche de Cœur Roux, suivie d’une autre sur son dos, puis une autre juste devant son œil. Et bientôt, les gouttes furent si nombreuses qu’il ne pouvait plus les compter. La pluie fut d’abord hésitante, puis drue, éclatant sur le sol sec avec un son presque assourdissant.

L’orage venait enfin d’éclater.

Chapitre 2[]

Pendant toute une journée, la pluie tomba. Parfois en prenant la forme d’une violente averse bruyante, parfois en de fines gouttelettes, mais jamais il ne cessa de pleuvoir. Si le clan avait d’abord accueilli cette pluie avec soulagement, les regards étaient différents, à présent. L’eau s’accumulait rapidement dans la combe, formant des flaques qui s’élargissaient à vue d'œil. Les chatons d’Aile Brisée s’amusaient à sauter dans ces flaques qu’ils n’avaient jamais vu auparavant, ignorant les regards irrités des guerriers des guerriers trempés qui cherchaient où poser les pattes.

La réserve de gibier, quant à elle, avait été déplacée dans l’antre des guérisseurs, le seul endroit encore sec grâce à sa position en hauteur. L’idée venait de Croc Blanc lui-même, pourtant celui-ci ne pouvait s’empêcher de grimacer quand un guerrier venait chercher son repas, dérangeant sa précieuse tranquillité.

“Le sol est trop sec pour absorber autant d’eau d’un coup. Si ça continue, la combe pourrait être inondée.”, avait alerté le guérisseur.

Ses prédictions s’étaient confirmées quand en se réveillant ce matin-là, Cœur Roux avait constaté que les flaques avaient grossi pendant la nuit, jusqu’à former une couche d’eau recouvrant l’intégralité du sol de la combe. L’eau arrivait environ à mi-hauteur des pattes des guerriers, et pouvait même toucher leur ventre à certains endroits.

Et pourtant, Cœur Roux n’était pas inquiet. Au contraire, il n’avait pas été d’aussi bonne humeur depuis bien longtemps. Ils ont réussi, se disait-il, fier malgré lui. La tempête a ramené la vie. Ils ont réussi. Et ils seront bientôt de retour. Pour lui, aucun doute n’était permis ; la tempête qui balayait la forêt ne pouvait signifier que la réussite de l’expédition vers la rivière. La prophétie avait bien précisé que la forêt ne serait sauvée que si le Clan du Vent et le Clan du Tonnerre travaillaient ensemble. Désormais, il était plus que probable que l’expédition soit sur le chemin du retour, la queue haute en sachant qu’ils avaient sauvé deux clans d’un empoisonnement certain. La pluie incessante, bien que contraignante, ne pouvait être qu’un signe du Clan des Étoiles.

La matinée se déroula dans une telle pénombre qu’il était difficile de croire que le soleil était levé. Il fallut attendre l’après-midi pour voir la première éclaircie de la journée. Les averses laissèrent place à une pluie fine, et Vieille Branche ne manqua pas d’en profiter pour se plaindre de sa litière mouillée. Nuage de Tournesol sortit de la tanière des anciens, visiblement tendue, pour se diriger en trombe vers Cœur Roux.

“Vieille Branche n’arrête pas de me demander de changer sa litière, siffla-t-elle au guérisseur, les oreilles plaquées en arrière. Où est-ce que je suis censée trouver de la mousse sèche, avec ce temps ? Tu n’as pas quelque chose pour le faire dormir ? Tout le monde en serait plus tranquille.

- J’avais mis de la mousse de côté dans ma tanière pour préparer les nids des potentiels malades, avoua Cœur Roux, habitué au ton agressif de l’apprentie. Tu peux aller te servir.

- Merci.”

Tout en le remerciant, Nuage de Tournesol fit volte face et fila ventre à terre vers l’antre des guérisseurs. Cœur Roux la regarda s’éloigner en penchant la tête sur le côté, pensif. Aussi loin qu’il puisse s’en souvenir, il n’avait jamais entendu Nuage de Tournesol remercier quelqu’un, et sûrement pas lui. Peut-être qu’elle grandit, comme l’a fait Museau Tigré, se dit-il en haussant les épaules. Sa sœur lui ressemblait un peu quand elle était apprentie, mais s’était beaucoup calmée depuis, bien qu’elle gardait un sale caractère.

La pluie fut bientôt remplacée par un vent fort et hurlant qui fit frissonner le clan entier. Il n’était pas particulièrement froid, mais l’air qui soufflait à travers le pelage trempé de Cœur Roux lui glaçait les os. Il plissa les yeux en apercevant Toile d’Araignée débouler du rideau de ronce, le pelage dégoulinant d’eau, bientôt suivi de Fleur de Givre, Jolie Moustache et Feuille d’Aubépine. Le reste de la patrouille n’était pas en meilleur état, et Feuille d’Aubépine avait des raisons de maudire son pelage long. Pourtant, le chef de patrouille avait un regard satisfait, et même Fleur de Givre semblait ravie.

“Vent Gris ! Étoile Charbonneuse ! appela Toile d’Araignée en bondissant vers la Corniche, de laquelle sortirent les deux félins.

- Par le Clan des Étoiles, vous avez plongé dans le lac pour être dans cet état ? s’étonna le meneur en descendant d’un bond.

- Presque, miaula Toile d’Araignée en secouant son pelage comme un chien. Nous sommes allés du côté du Clan du Vent, pour surveiller le torrent. Vous n’en reviendrez pas quand vous le verrez ! Il a presque repris sa taille normale. Je me suis approché pour regarder de plus près, mais la rive était si boueuse que j’ai glissé. Feuille d’Aubépine a voulu m’aider, mais elle a glissé à son tour ! C’est Jolie Moustache et Fleur de Givre qui ont dû nous ramener sur terre.

- Tâchez de vous sécher avant de rejoindre votre nid, leur conseilla Vent Gris en plissant les yeux. Et si vous commencez à tousser, allez immédiatement voir Croc Blanc.

- C’est promis, reprit Toile d’Araignée. Mais vous vous rendez compte ? Nous n’avons probablement plus de risque d’être empoisonnés, à présent !

- Nous ne pouvons pas en être certain, averti Étoile Charbonneuse, bien que la nouvelle sembla l’avoir soulagé. L’eau est peut-être toujours toxique. Mais tu as raison, c’est une bonne nouvelle. Vent Gris, préviens les patrouilles de privilégier l’eau du lac pendant quelques jours si son état continue de s’améliorer.

- Entendu. Peut-être que le Clan du Tonnerre voit enfin le bout de ses problèmes.”

Toile d’Araignée inclina la tête en guise de salut, et la patrouille se dispersa, chacun cherchant un coin sec où faire sa toilette. Sautillant presque comme un chaton, Toile d’Araignée se dirigea vers la pouponnière, mais Cœur Roux l’intercepta.

“Je suis désolé, Toile d’Araignée, mais j’ai passé du temps à m’assurer que la pouponnière restait bien au sec. Je préfère ne pas te laisser entrer dans cet état…

- Oh… Bien sûr, je comprends. Je voulais juste annoncer la bonne nouvelle à Aile Brisée et Patte Givrée.

- Tu pourras le faire quand tu seras sec, si tu veux. Elles ne risquent pas de bouger, d’ici là.

- Je n’oserais contester ta parole, miaula le guerrier aux rayures blanches d’un ton amical. Je plains Feuille d’Aubépine. Je me sens si lourd, avec toute cette eau ! Je vais trouver un moyen de m’en débarrasser. À plus tard, Cœur Roux !”

En le regardant s’éloigner, Cœur Roux fut pris d’un frisson. Son pelage trempé collait à sa peau, et le vent n’arrangeait rien. Il tourna la tête vers sa tanière, espérant s’abriter, mais à peine avait-il fait un pas qu’une voix familière l’interpella. Avant que Plume de Hibou n’ouvre la bouche, le guérisseur put deviner ce qu’il s'apprêtait à dire.

“Hé, Cœur Roux ! Tu tombes bien, je voulais te demander quelque chose.

- Ça m’aurait étonné, marmonna celui-ci en s’ébrouant, avant de s'asseoir en face de son frère. Je t’écoute.

- La prophétie te disait que l’expédition allait régler tous nos problèmes, pas vrai ? Donc, maintenant que le torrent est de nouveau un torrent, tu penses que leur voyage est terminé ?

- Sans doute, mais je ne peux pas le vérifier. Tout ce qu’on peut faire, c’est attendre.

- Tu n’as pas reçu un signe du Clan des Étoiles qui te dit qu’ils vont bientôt rentrer ? Un rêve, un message, quelque chose ?

- Je n’ai pas fait de rêve, mais si c’était le cas, je ne suis pas sûr que tu sois le premier à qui j’en parlerais, le taquina-t-il, avant de reprendre un air sérieux. Néanmoins, j’ai le sentiment qu’ils sont sur le chemin du retour.”

Et que quelque chose a changé, garda-t-il pour lui. Pas pour le Clan du Vent, ça concerne le Clan du Tonnerre… Ce n’est pas Plume de Grive, je ne pense pas. Alors, quelque chose aura changé chez Aile de Chouette. Il n’aurait pas su l’expliquer, pas même à Croc Blanc, mais Coeur Roux sentait au plus profond de son poitrail que quelque chose était arrivé - ou allait arriver. Aile de Chouette n’était pas en danger, mais il avait une impression négative à son sujet, comme une perte. Bien que ça l’inquiétait, il n’osa pas en parler à Plume de Hibou. Peut-être était-il simplement inquiet pour son amie.

“Bonne nouvelle, alors ! s’exclama le guerrier crème en bondissant sur ses pattes. J’ai hâte qu’ils rentrent. Aile de Chouette m’a dit… Elle doit me donner sa réponse sur quelque chose.

- Je te promets qu’elles reviendront saines et sauves. Maintenant, si tu le permets, j’ai trop froid pour rester discuter dehors.

- Je ne pensais qu’on se plaindrait à nouveau du froid, après la sècheresse, pouffa Plume de Hibou. Je vais essayer de me joindre à une patrouille de chasse pour me réchauffer. Oh, et merci !

- Bon courage !”

Comme il l’avait espéré, Cœur Roux trouva son mentor - son collègue - en train de grignoter un repas dans un coin. Il leva la tête à son approche, et le salua d’un hochement de tête. Le jeune guérisseur ne voulait pas le déranger en plein dîner, mais une question lui brûlait la langue.

“Croc Blanc, j’ai une question à te poser… J’espère que ça ne va pas te paraître étrange.

- Il en faut beaucoup pour m’étonner, fit le matou en se passant une patte derrière l’oreille. Dis-moi.”

Cœur Roux chercha ses mots un instant, puis se lança.

“Ça t’est déjà arrivé d’avoir une impression très forte au sujet de quelque chose que tu n’es pas censé savoir ? Comme si tu sentais que quelque chose se passe, loin d’ici ?

- Toi, ça t’est déjà arrivé ?

- Non. Enfin, peut-être un peu… Mais je confonds sûrement avec un rêve que j’ai fait, oublie ce que j’ai dit.”

Un petit silence s’installa, durant lequel Croc Blanc baissa le museau vers le sol en soupirant. Intrigué, Cœur Roux attendit patiemment qu’il prenne la parole.

“Ça m’est déjà arrivé, oui, souffla-t-il enfin. Ces “impressions”, comme tu les appelles, peuvent survenir aléatoirement quand quelque chose de grave est sur le point de se produire.

- Alors, c’est normal ? fit Cœur Roux, rassuré de ne pas devenir fou. Ce sont des sortes de visions ?

- Oui, c’est normal. Je n’appellerais pas ça des visions, je ne pense pas que ça vienne du Clan des Étoiles. Vois plutôt ça comme un sixième sens, réservé aux guérisseurs. J’ai voulu t’en parler, te prévenir que ça risquait d’arriver, mais je voulais que tu l’expérimentes par toi-même.

- Et donc… Tu en as eu, récemment ?

- Nous n’avons pas forcément les mêmes, répondit le matou comme s’il lisait dans ses pensées. Ce qui peut paraître grave pour toi ne l’est pas forcément autant pour moi. Je… J’ai eu cette sensation la nuit où Étoile Blanche est morte. Sans pouvoir l’expliquer, je savais qu’il lui était arrivé quelque chose. Et sur le coup, j’aurais pu mettre ma patte à brûler que je ne pouvais rien y faire. Alors, je n’ai rien fait. Et encore aujourd’hui, je suis convaincu que rien n’aurait pu changer ça.”

Cœur Roux resta pensif un instant, scrutant un cailloux entre ses pattes. Une part de lui était rassuré de savoir que ses étranges sensations n’étaient que le fruit de son statut de guérisseur. Une autre part était tétanisée à l’idée que quelque chose ait pu arriver à Aile de Chouette. Elle était en vie, il en était certain. Mais dans quel état ? Impossible de le dire.


Quelques jours seulement après la tempête, la forêt sembla renaître. La combe était encore humide, mais l’eau avait reculé, ne laissant que des flaques isolées et un sol détrempé. Cœur Roux sortit de son antre à peine avant l’aube, le pelage ébouriffé par le sommeil. Il préférait s’occuper de la pouponnière le matin, quand les chatons étaient encore endormis. Il trouvait une forme de réconfort dans la tranquillité du camp qui s’éveillait, bien que la plupart des guerriers privilégient les grasses matinées.

Patte Givrée était déjà éveillée quand il passa la tête à l’intérieur de la tanière, mais Petit Papillon et Petite Pluie étaient encore roulées en boule contre son ventre. Depuis leur naissance, elle semblait différente. Il y avait une légèreté dans son regard, comme si quelque chose en elle s’était apaisé, ou peut-être éveillé. Cœur Roux avait vu plusieurs reines donner naissance, et aucune n’avait fait preuve d’une telle transformation. En le voyant approcher, elle dressa les oreilles, les sens en alerte, avant de se détendre en le reconnaissant.

“Bonjour, Cœur Roux, miaula-t-elle doucement. Tu n’es pas obligé de venir tous les jours, tu sais.

- Je sais, mais j’y tiens.

- Tu ne le convaincras pas, Patte Givrée, intervint Aile Brisée avec un ronron amusé, lovée non loin dans un nid de mousse. J’ai abandonné depuis longtemps. J’ai fini par comprendre qu’il avait un faible pour les chatons.”

Patte Givrée n’ajouta rien, mais un petit sourire balaya son visage. Sourire n’était pas son genre, et cela surprit le guérisseur. Elle était probablement morte de peur à l’idée d’être mère, se dit le matou roux et blanc. Merci, Clan des Étoiles, de l’avoir épargné. Rapidement, Cœur Roux inspecta les parois de la tanière, s’assura qu’aucun filet d’eau n’avait pénétré à l’intérieur. Petit Papillon émit un petit gémissement dans son sommeil, et avant que Cœur Roux n’ait le temps de tourner la tête, Patte Givrée inclina la sienne pour lui lécha le front en la serrant davantage contre elle.

“Tu as de la chance, elles sont magnifiques, commenta-t-il sans savoir comment lancer la conversation.

- Elles sont ma chance. “ répondit-elle d’une voix à peine audible en posant sa tête sur ses petites, comme pour les protéger d’une menace invisible.

Le guérisseur n’osa pas répondre, sentant qu’elle n’attendait pas de commentaire. Il se contenta de lui offrir un léger signe de tête avant de quitter la tanière, sans savoir ce qu'elle entendait par là.

À peine avait-il mis une patte hors de la pouponnière que Plume de Hibou lui bondit dessus, l’air surexcité.

“Cœur Roux ! Enfin, je te trouve ! lança-t-il, à bout de souffle.

- Comment ça “enfin” ? Je viens à peine d’entrer dans la pouponnière. Qu’est ce qu’il y a ?” questionna-t-il sans grande conviction, s’attendant à écouter un autre problème de son frère.

Le guerrier ouvrit la bouche pour répondre, mais son attention fut soudainement détournée par un attroupement près de la Corniche. Cœur Roux suivit son regard et aperçut Plume de Grive en grande discussion avec Étoile Charbonneuse. Rapidement, plusieurs membres du clan se regroupèrent autour d’eux, leurs truffes pointées vers la guerrière enfin revenue de l’expédition.

Cœur Roux sentit son cœur bondir. Elles sont revenues ! Mais où est Aile de Chouette ? Par réflexe, il chercha son amie parmi les félins rassemblés. Mais au lieu de la voir se mêler à ses camarades pour raconter son aventure, il ne distingua qu’un bref éclat de son pelage brun pâle, une silhouette qui disparut rapidement dans l’ombre de la tanière des guerriers, son pas raide et tendu.

Un frisson lui parcourut l’échine. Et il sentit cette impression désagréable bien plus nettement que la première fois. Quelque chose avait changé.

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